Benjamin Audé et son épouse, Céline, cultivent en EARL une exploitation céréalière de 130 ha à Val-du-Mignon, dans les Deux-Sèvres.
« Les sols argilo-calcaires de notre ferme n’ont généralement que 20 à 25 cm de profondeur, avec beaucoup de pierres en surface et une très faible capacité de rétention de l’humidité, explique l’agriculteur. Nous n’irriguons pas, et les potentiels de rendement sont donc assez limités. Avec les années chaudes et sèches qui s’enchaînent, nous devons mettre toutes les chances de notre côté pour maintenir un rendement tout en limitant les charges. C’est pourquoi, depuis quatre ans maintenant, nous pratiquons l’agriculture de conservation des sols. »
Un semoir à dents
Les exploitants ne sont pas partis de zéro. En effet, dans ce contexte pédoclimatique très contraignant, les terres étaient déjà partiellement cultivées en TCS (technique culturale simplifiée) depuis 25 ans par le père de Céline. Benjamin a quant à lui profité de l’expérience de son père, qui a utilisé un semoir à disques SD 4000 de Kuhn pendant 25 ans. Pour assurer la transition, il a investi dans un modèle à dents qu’il juge non seulement plus économique à l’usage, mais aussi plus précis pour maintenir la bonne profondeur d’enterrage en présence de pierres.
« J’ai commencé par acheter un semoir Jammet de 6 m de large, explique-t-il. Cela fonctionnait bien, mais, comme il s’agissait d’un modèle porté avec cuve frontale, je devais l’atteler devant un tracteur d’au moins 200 ch. En 2021, j’ai eu l’occasion d’acheter un porte-outil traîné Horsch avec une double trémie et un attelage à l’arrière. J’ai donc remplacé mon semoir par un Vibro Flex Kongskilde de 5 m de large, sur lequel j’ai adapté des doubles descentes derrière chaque dent. »
Le colza semé début juillet
Ce nouvel ensemble est équipé d’une double trémie de 3 600 L, avec deux doseurs indépendants et deux circuits de distribution alimentant les 21 dents de semis. Chaque doseur fonctionne selon un débit proportionnel à l'avancement (DPA) mécanique, entraîné par le pneu du semoir. Les dents sont placées sur trois rangées, avec un dégagement entre chaque élément de 80 cm. Désormais, un tracteur de 100 ch suffit. Avec ce matériel, Benjamin Audé implante des mélanges de graines ou incorpore directement de l’engrais sur la ligne de semis. Ainsi, le colza est semé en mélange avec du tournesol, du sarrasin et du fenugrec, une légumineuse originaire d’Afrique du Nord, bien adaptée aux terrains secs.
« Je sème généralement le colza derrière un précédent de féveroles pour profiter également des repousses, ajoute l'agriculteur. L’implantation se fait toujours très tôt après la moisson, souvent dès la première semaine de juillet, pour bénéficier de l’humidité résiduelle de la parcelle et assurer la levée. Je choisis des variétés adaptées, qui ne se développent pas trop rapidement à l’automne. Les colzas sont plus robustes en septembre. Leurs pieds ne craignent pas les altises, ce qui permet de faire l’impasse sur l’insecticide. »
Dans ce mélange, les plantes hôtes contribuent à nourrir le sol et à limiter le salissement en surface. À l’automne, le tournesol et le sarrasin disparaissent généralement sous l’effet des températures plus fraîches. Le reste est détruit chimiquement, en même temps que les adventices, après deux applications de Mozart à 0,25 L/ha chacune.
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Le carthame adapté à la sécheresse
Sur les autres parcelles, Benjamin implante systématiquement des couverts, en utilisant souvent des semences qu’il a cultivées et récoltées lui-même. Avant une céréale, ces couverts sont broyés mécaniquement puis désherbés au glyphosate quelques jours plus tard pour éliminer les repousses, notamment le ray-grass dont la présence serait très pénalisante dans le blé ou l’orge. Au printemps, l’EARL utilise un strip-till pour le maïs et le tournesol. Depuis deux ans, l’exploitation cultive aussi du carthame, une plante oléagineuse méditerranéenne qui semble bien adaptée au contexte séchant de la ferme. Pour le moment, les débouchés sont encore limités, mais les graines pourraient être valorisées en oisellerie ou en cosmétique.
L’utilisation de plantes compagnes et la généralisation des couverts entre deux cultures ont permis de faire remonter le taux de matière organique entre 4,5 et 6 %. Sur le plan économique, depuis le passage au semis direct, les charges de mécanisation sont passées à 260 €/ha, contre 380 €/ha auparavant.
« Techniquement, le choix de l’agriculture de conservation s’avère payant, estime Benjamin Audé. Je fais partie du réseau APAD (Association pour la promotion d'une agriculture durable, ndlr), ce qui me permet de progresser en groupe, avec d’autres exploitants. Sur la ferme, nous avons réussi à maintenir les rendements tout en réduisant les coûts d’implantation. L’exploitation est très dépendante des aléas climatiques, c’est pourquoi nous devons rester très vigilants sur les pratiques employées, tout en continuant à nous adapter. »