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Autonomie en agriculture « Je fabrique mon aliment concentré à la ferme »

Pierrick Charpy utilise depuis 2024 une unité de fabrication d’aliment à la ferme avec un système de pesée et une distribution automatique pendant la traite des vaches.

Éleveur en EARL à Épenoy, dans le Doubs, Pierrick Charpy fabrique à la ferme l’aliment concentré destiné à son troupeau laitier. Il dispose d’une installation complète et autonome, allant du stockage des céréales à la distribution rationnée pour chaque vache dans la salle de traite, en passant par le broyage et la pesée des céréales. Une autonomie rendue possible grâce à la culture de 8 ha de céréales dans sa surface agricole utile.

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« Depuis mon installation en Gaec avec mon père en 2002, j’ai toujours réussi à rendre autonome l’alimentation de notre troupeau laitier, que ce soit pour la ration de base ou pour la farine, grâce aux prairies et aux céréales produites sur la ferme », précise d’emblée Pierrick Charpy.

Après le départ en retraite de son père en 2013, l'éleveur s’est retrouvé seul aux commandes de son exploitation en EARL. Il a donc décidé d'optimiser petit à petit son outil de travail, se séparant, en 2016, de sa stabulation entravée au profit d’une salle de traite 2 x 6 en épi. Producteur de lait à comté à Épenoy, dans le Doubs, à 750 m d’altitude, avec un troupeau de 45 montbéliardes, Pierrick Charpy exploite 86 ha de surface agricole utile, principalement composés de prairies temporaires et d’une dizaine d’hectares de céréales. La ration principale des vaches laitières et des génisses repose sur le pâturage des prairies en période estivale, et sur du foin et du regain séchés et stockés en vrac à la ferme. Cette ration est complétée par un mélange de céréales broyées sur place, distribué manuellement aux cornadis jusqu'à l'année dernière.

Les farines d’orge puis de maïs sont mélangées dans le malaxeur (trémie blanche) pendant 5 minutes avec le tourteau et les minéraux. (© H.E.)
« En 2024, j’ai sauté le pas et renouvelé mon installation de fabrication de farine à la ferme par un système complet et automatisé, allant du stockage à la distribution aux vaches dans la salle de traite. » L’agriculteur a fait appel à son concessionnaire local Distagri, qui l’a guidé dans son choix de matériels et a également réalisé le montage sur son exploitation.
« Je suis parti avec la marque danoise Skiold, spécialisée dans le broyage des céréales, et avec Hanskamp [fabricant néerlandais, ndlr] pour la partie transport et distribution au sein de chaque poste de la salle de traite, soit 12 au total. »

Autonomie en énergie alimentaire

« Je réalise un mélange de céréales broyées à base d’orge et de maïs », indique Pierrick Charpy. Ce mélange est ensuite renvoyé dans un malaxeur afin d’y associer un tourteau de soja et de colza représentant 40 % de protéines à lui seul, ainsi que des minéraux. Si le maïs est acheté à la coopérative, l’agriculteur produit en revanche son orge sur son exploitation, à hauteur de 8 ha.

Le broyeur bénéficie, en partie haute, d’une trémie tampon (grise). Son disque « Mill » de 450 mm de diamètre assure l’éclatage des grains d’orge et de maïs. (© H.E.)
(© H.E.)
« Cette surface me permet en outre de créer une rotation culturale avec mes prairies, tous les cinq ans environ, afin d’implanter des mélanges d’herbes sélectionnés pour ma récolte des fourrages. Ces mélanges de ray-grass, de trèfles blancs ou violets, de fétuques des prés, de fléoles… offrent un produit riche en flore et de grande qualité, apprécie l’éleveur. Je réalise une récolte précoce, dès la première coupe, autour du 15 mai, dont je valorise au maximum l’énergie présente dans mon fourrage grâce à un séchoir en grange. »

L’exploitation a toujours été équipée de ce mode de stockage en vrac du foin et du regain. En 2018, Pierrick Charpy l’a optimisé avec l’installation d’un capteur solaire. Ce dernier récupère les calories émises sous la toiture par le soleil afin de réchauffer l’air qui traverse le tas de fourrage stocké en vrac pour le sécher.

« Afin de boucler la boucle et d'augmenter mon autonomie en énergie alimentaire ainsi que la performance de mon fourrage, j’ai toujours souhaité maîtriser la fabrication de l’aliment concentré sur ma ferme », explique l'agriculteur.

Pour y parvenir, l’orge est stockée dans une cellule de 60 t, tandis qu’une autre, de 10 t, accueille le maïs grain. Une troisième cellule, d’une capacité de 3 t, accueille le tourteau, et une dernière, de quelques centaines de kilos, les minéraux.

(© H.E.)

Programmable à souhait

Un jeu de vis sans fin alimente le broyeur en céréales. Celui-ci bénéficie en partie haute d’une trémie tampon en forme de cône carré. Un vérin électrique gère l’ouverture et la fermeture de la trappe qui laisse descendre par gravité la céréale dans le broyeur. Ce dernier dispose d’un disque « Mill » qui éclate les grains avec un calibrage réglé par l’agriculteur.

« Bien que les grains d’orge et de maïs n’aient pas la même taille, le rendu est bien adapté à mes animaux et évite les risques d’acidose », précise l'éleveur.

Un moteur électrique triphasé de 7,8 kW entraîne le disque de 450 mm de diamètre à un régime de 2 930 tr/min. L’intégralité de l’installation fonctionne sous une tension de 400 V et bénéficie d’un tableau de commande équipé d’un boîtier pour programmer les différentes quantités de farine.

Le tableau électrique est associé à un boîtier (à droite) permettant à l'éleveur de programmer les quantités de farine à broyer, en orge ou en maïs. (© H.E.)

« Ce boîtier de commande n’est pas des plus simples à prendre en main. C’est un peu ce que je reproche à mon installation », ajoute-t-il. Le broyeur et sa trémie reposent sur trois pesons permettant à l’automate de préparer les bonnes doses. Les deux céréales broyées sont ensuite convoyées l'une après l'autre dans le malaxeur, prenant la forme d’un cône cylindrique, pour y être mélangées avec le tourteau et les minéraux, et assurer ainsi la préparation complète.

Le broyeur et sa trémie tampon reposent sur trois pesons permettant à l’automate de gérer avec précision les doses de céréales à broyer selon la ration programmée par l’éleveur. (© H.E.)
« J’ai programmé un temps de 5 minutes pour garantir un bon mélange des quatre aliments. » La préparation est ensuite stockée dans une trémie de 1 500 kg. « Il faut une vingtaine de minutes pour préparer 500 kg de mélange de farine. Je consomme en moyenne 250 kg par jour », précise Pierrick Charpy.
Le mélange (farine d’orge et de maïs, tourteaux de soja et de colza, minéraux) est stocké dans une trémie avant d’être acheminé dans les alimentateurs par une chaîne à pastilles. (© H.E.)

Détection par animal

Quand les vaches entrent dans la salle de traite, la cellule détecte chaque animal grâce à leur boucle électronique HDX intégrée dans leur oreille. L’automate distribue ainsi la dose corrélée à la production laitière de la vache, selon les recommandations du contrôle laitier, dans l’alimentateur, et ce, de manière automatique.

La salle de traite en 2 x 6 dispose, sur chaque poste, d’un alimentateur dans lequel les vaches reçoivent le mélange de farine préparé à la ferme. (© H.E.)
Grâce à la boucle électronique HDX intégrée dans l’oreille de chaque animal, le système reconnaît la vache et lui apporte la dose corrélée à sa production laitière. (© H.E.)
« Une réserve de 30 kg prend place au-dessus de chaque poste, en haut des quais de la salle de traite. »

Un tuyau guide la préparation maison dans un bol en inox dans lequel la vache l’ingère.

Le mélange calibré selon les recommandations apportées par le contrôle laitier tombe par gravité dans la mangeoire. (© H.E.)
« J’apprécie ce principe d’alimentation pendant la traite pour plusieurs raisons, souligne l’éleveur. Les vaches viennent plus facilement à la traite, surtout les primipares, et elles sont plus calmes. Bon, la plupart du temps, elles terminent avant que le décrochage n'entre en action et sont alors quelque peu agitées en fin de traite. »
Depuis chaque poste de la salle de traite, l’éleveur peut augmenter, si le besoin se présente, la ration à l’aide d’une commande au pupitre. (© H.E.)

L’installation de stockage et de broyage est disposée dans le bâtiment parallèle à la salle de traite, en partie haute, sur le plancher supérieur. Ainsi, la chaîne à pastilles remplit simplement par gravité les alimentateurs situés dans la salle de traite. Tout le système est automatique, et des capteurs complètent leur remplissage s’ils sont vides. « Pour ma part, si je souhaite augmenter la dose de mélange à une vache, je dispose de commandes sur chaque poste de traite », apprécie l’éleveur. Ce dernier utilise aussi son installation de préparation de farine à la ferme pour les veaux et les génisses. Il dispose d’une trémie mobile sur le chargeur frontal du tracteur lui permettant de transporter l’aliment dans le bâtiment des jeunes bovins. L’investissement pour l’installation complète s’élève à 50 000 € HT.

« Elle me donne entière satisfaction et me permet de maîtriser intégralement la ration complète de mon troupeau », conclut l’éleveur.

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