C’est au début des années 1990 que commence l’aventure des remorques bananières Brimont. À cette époque, le constructeur est sollicité par des producteurs antillais pour répondre à un besoin de transport des régimes de bananes depuis les plantations jusqu’aux stations de conditionnement.
« La banane est un fruit très fragile, et les planteurs faisaient face à des problèmes de qualité, se souvient Jean-Claude Fischbach, consultant à l’origine de cette activité. Les chocs qu'elle subit lors du transport sur des chemins de terre en mauvais état causent le noircissement des zones touchées, ce qui contamine tous les autres fruits. Or les conditions de transport sont très importantes, car tout ce qui est exporté doit être en parfait état avant expédition. »
Le constructeur imagine alors un système de transport pendulaire breveté grâce auquel il augmente de 15 % la part de produit commercialisable.
« Les remorques plateaux sur lesquelles les régimes sont transportés à plat constituent aujourd’hui la principale concurrence. Nos remorques, plus chères car plus techniques, améliorent la rentabilité et les conditions de travail. »
La gamme de remorques bananières Brimont se compose aujourd’hui de cinq modèles de 48, 56, 60, 72 et 80 régimes. Toutes reçoivent des essieux boggies. Celles qui sont livrées aux Antilles sont homologuées pour le transport sur route. Ces véhicules de dernière génération sont équipés d’un ensemble de mousses en polyester montées sur un convoyeur à chaînes installé en partie supérieure de la remorque.

Chaque mousse en polyester, destinée à maintenir les régimes et à éviter les chocs, est emballée dans une housse blanche plastifiée pour prévenir sa dégradation par les ultraviolets du soleil. Le motoréducteur hydraulique du convoyeur est alimenté en huile par l’une des prises hydrauliques à double effet du tracteur, via un bloc de distribution.
« Nous avons par le passé proposé des centrales hydrauliques intégrées, mais les tracteurs des plantations couvrent aujourd’hui largement les besoins en débit et pression hydrauliques », estime le consultant.

Doté de nombreuses structures tubulaires, le châssis est entièrement galvanisé pour résister à la corrosion causée par l’air insulaire salé. Les remorques sont formées d’un caisson avec plancher arrière à la hauteur des roues afin de protéger l’opérateur et la mécanique. La flèche et le boggie chaussé de pneus basse pression reçoivent tous deux une suspension à ressort visant à préserver au maximum le chargement. Le fabricant monte sur demande une toile d’ombrage, seule option d’ailleurs systématiquement choisie par les acquéreurs antillais pour éviter la dessiccation des bananes lors du transport.
3 à 5 rotations par jour
Lors de la récolte, les ouvriers agricoles sectionnent la hampe du régime de bananes suffisamment mature. Le porteur charge délicatement celui-ci sur son épaule à l’aide d’un petit coussin et le transporte jusqu’à la « trace » (chemin rural) bordant la plantation. Il le suspend ensuite par la hampe sur la remorque de transport en formant un nœud coulant avec une chaîne.

La remorque reste ainsi sur la trace sans investir le champ. Le chauffeur avance parfois de quelques dizaines de mètres pour récolter une nouvelle zone de la bananeraie. Chaque élément du convoyeur embarque quatre régimes répartis sur sa largeur.

Une fois la rangée pleine, l’opérateur actionne le convoyeur à chaînes depuis le poste de chargement/déchargement, situé à l’arrière de la remorque, pour compléter la rangée suivante. Cinq mousses de protection s’abaissent et les porteurs peuvent alors charger la rangée suivante. Un planteur dispose au minimum de deux remorques pour éviter le temps d’attente lors du déchargement en station de conditionnement.

Avec cette organisation, il opère, selon la parcelle, entre trois et cinq rotations par jour et par remorque. Les stations de conditionnement se situent à quelques kilomètres tout au plus du champ. Dès que le chauffeur livre son chargement, les régimes sont suspendus puis découpés pour dissocier les mains de bananes.

Un réceptionnaire suspend chaque régime à un rail de transfert pour être déplacé en douceur dans l’unité de conditionnement. (Crédit : Arden Vérins)
Ces dernières subissent un bain à l’eau pour éliminer la sève de bananier résiduelle. C’est là que les ouvriers opèrent un contrôle visuel, avant la mise en carton, pour écarter les bananes éventuellement abîmées lors du transport.

Les ouvriers dissocient les mains du régime (opération dite de « dépattage ») et écartent, avant expédition, toutes les bananes ayant subi des chocs. (Crédit : Arden Vérins)
La récolte d’aspect satisfaisant est mise dans des cartons puis en conteneurs frigorifiques sous atmosphère contrôlée. Après une traversée de dix jours par bateau, les cartons expédiés vers le continent rejoignent des mûrisseries où les fruits peuvent être conservés plusieurs semaines sous atmosphère et température contrôlées.
Marché porteur
« Aujourd’hui, cette activité représente une part significative de notre chiffre d’affaires, confie Carole Michel, responsable d’activité commerciale Brimont pour la société Arden Vérins, détentrice de cette marque. Nos remorques de transport spécialisées se destinent aux planteurs disposant d’au moins 40 ha de bananiers. Nous générons l’essentiel de ces ventes-là dans ces départements d’outre-mer qui comptent au total plus de 10 000 ha de bananeraies. Nous détenons d’ailleurs un quasi-monopole dans les Antilles françaises que nous fournissons depuis 1992, avec un parc de 500 remorques en fonctionnement. Nos produits partent du Havre en fret de retour, avec les bateaux livrant les bananes en métropole, jusqu’à Pointe-à-Pitre ou Fort-de-France. »
Selon la responsable, le volume annuel du marché, très variable et dépendant du nombre et de l’intensité des cyclones, avoisine la trentaine de véhicules tractés. Les planteurs bénéficient de subventions européennes pour acquérir ces matériels. Ils s’appuient sur leur coopérative qui fournit une assistance administrative. La Martinique constitue actuellement un marché de renouvellement. Les exploitants de Guadeloupe, eux, ont commencé à s’équiper plus tard, dans les années 2000. De nombreuses ventes concernent encore des premières acquisitions. Le constructeur fait alors appel à un prestataire pour la mise en route, indique Carole Michel, qui précise que Brimont est aussi présent en Guyane depuis quelques années. L’entreprise ambitionne désormais de conquérir de nouvelles régions et vise le marché africain, car celui-ci se développe rapidement. « Les producteurs des pays d’Afrique commencent à s’équiper. Nous y avons d’ailleurs déjà vendu quelques remorques. » Pour se faire connaître, Arden Vérins a participé en 2019 au Salon international de l'agriculture et des ressources animales (Sara), à Abidjan (Côte d'Ivoire). Afin de développer ses ventes, l’entreprise pourra aussi compter sur des groupes antillais qui connaissent bien les remorques Brimont et sont en train d’étendre leurs surfaces de production en investissant sur le continent africain.
Brimont : trois décennies de remorques bananières
Une production de 35 à 40 t/ha

Une housse plastifiée est placée sur les régimes quelques semaines après le début de leur formation. Celle-ci protège le fruit des piqûres d’insecte et accélère sa maturation. (Crédit : Adobe Stock)