Les défenseurs du binage ont cent fois raison d’affirmer qu’il vaut mieux que deux arrosages. En plus de redonner l’avantage aux cultures dans la concurrence à laquelle ces dernières et les adventices se livrent pour accéder à toutes les ressources en eau ou en éléments fertilisants, son action mécanique casse les croûtes de battance, réchauffe et oxygène les horizons du sol. C’est l’ensemble des peuples de micro-organismes, vers de terre et insectes collaborant à les rendre fertiles qui pourraient crier merci aux agriculteurs s’épuisant au-dessus de leur tête. Ces derniers mériteraient d’autant plus leurs encouragements que biner n’a rien d’une partie de plaisir. Les générations qui nous ont précédés nous en ont transmis un mauvais souvenir, celui d’une tâche manuelle usante, sans fin et infiniment répétée. Même mécanisée, celle-ci réclame du temps, de la main-d’œuvre et de l’attention pour ne pas compromettre les récoltes. Il n’y a donc rien d’étonnant qu'au cours des décennies précédentes, des stratégies de désherbage efficaces et économiques fondées sur la chimie soient parvenues à quasiment supprimer toute action mécanique après la levée. Aujourd’hui, la donne change. Certains agriculteurs conventionnels emboîtent le pas à ceux qui travaillent en bio. Ils redécouvrent le rôle essentiel d’interventions mécaniques par bineuses, herses étrilles et autres houes rotatives, dans un parcours de maîtrise des mauvaises herbes qui passe, par ailleurs, par de judicieuses rotations et préparations de sol. En plus de trouver à présent, sur le marché, des machines que l’électronique rend précises et performantes, ils les identifient comme des solutions à la réduction de l’emploi de produits phytosanitaires controversés et à la maîtrise de mauvaises herbes résistantes.
Des outils complémentaires pour toutes les cultures
Sur le marché des équipements dédiés au désherbage mécanique, l'offre décline plusieurs types de machines aux modes d’action distincts mais souvent complémentaires. En effet, la lutte mécanique contre les adventices nécessite des actions différentes suivant le stade de croissance de la culture, le type de sol, les fenêtres d’intervention… Voici un tour d’horizon des grandes familles d’outils de désherbage mécanique.
Bineuse : l’efficacité totale
Contrairement aux autres outils de désherbage mécanique, la bineuse ne travaille que dans l’interrang. Elle se destine donc aux cultures semées avec des écartements entre rangs suffisamment larges, en général d'au moins 25 cm, à l'instar du maïs et des betteraves, mais aussi des céréales. Elle se compose d’éléments indépendants pour chaque rang, reliés à un châssis transversal par le biais de parallélogrammes afin d’assurer la parfaite horizontalité des pièces travaillantes, et de ressorts pour moduler leur pression sur le sol. Dans la plupart des cas, les bineuses reçoivent des dents vibrantes supportant des socs soit droits, pour briser la croûte de battance, soit de type patte-d’oie, voire plats, afin de scalper les adventices juste en dessous de la surface du sol. Des socs de type Lelièvre, travaillant sur un seul côté de la dent, permettent de s’approcher au plus près du rang sans risquer d’endommager la culture. Pour déloger les adventices sur les rangs, il est possible d’ajouter des étoiles dotées de doigts Kress, dont la matière souple a un effet de brossage entre les plants n'abîmant pas ces derniers. La bineuse autorise des vitesses d’avancement élevées, à condition que son guidage soit précis. Elle reçoit pour cela soit une ou plusieurs caméras destinées à détecter les rangs et à corriger la position de l’outil, soit un guidage GPS combiné à celui du tracteur. L’ajustement de sa position est permis par un attelage coulissant latéralement, piloté par le système de guidage. Certains constructeurs développent également des machines autoguidées dotées de skis glissant entre les rangs pour diriger les dents de désherbage.
Houe rotative : l’outil pour débuter
La houe rotative est un outil de conception simple, relativement facile à mettre en œuvre. Elle sera à privilégier pour les utilisateurs novices souhaitant se lancer dans le désherbage mécanique. Ce matériel autorise des interventions précoces. Un passage à l’aveugle, quatre à cinq jours après le semis, permet d'éliminer des adventices au stade filament ou cotylédon, avant la levée de la culture. Il fera également lever les dernières graines d’adventices, qui pourront être éliminées chimiquement pour atteindre jusqu’à 100 % d’efficacité. Il faut veiller à semer assez profondément et disposer d’une fenêtre d’intervention dans les jours suivant le semis. Un second passage peut s’envisager jusqu’au stade 4 feuilles de la culture mais sera moins efficace. Les cuillères disposées autour de chaque étoile de la houe rotative brisent la croûte de battance, facilitant l’émergence de la culture. Généralement, elles sont montées de manière à attaquer le sol avec la pointe, mais certains constructeurs proposent une rotation dans le sens inverse afin qu'elles entrent dans le sol avec leur dos pour éviter aux pierres de se coincer dans les étoiles. Certaines machines disposent d’un bras pour chaque étoile – contrairement au montage en tandem souvent rencontré – favorisant le suivi des sols irréguliers ou comportant des pierres. L’efficacité de la houe rotative dépend aussi de la vitesse d’avancement, généralement comprise entre 16 et 18 km/h. Enfin, cet outil requiert environ 20 ch de puissance par mètre de largeur de travail.
Herse étrille : des réglages plus fins
La herse étrille autorise le désherbage mécanique à l’aveugle, avant la levée de la culture, à condition que le semis soit réalisé suffisamment profondément. Il faut également éviter les mottes et s’assurer que le terrain soit bien nivelé. Les dents sont alors réglées pour travailler à la superficie du sol et la vitesse est assez soutenue, autour de 12 km/h. Le désherbage le plus efficace sera obtenu au stade filament des adventices. Cependant, la herse étrille peut être utile jusqu’au stade 3-4 feuilles. Lorsque la culture est levée, l’utilisateur doit faire preuve de la plus grande minutie. Il est coutumier de dire que la vitesse d’avancement, dépendant du stade de développement de la culture, doit être de 1 km/h par feuille. Il faut alors procéder par tâtonnement, en parcourant quelques mètres, puis en augmentant l’agressivité des dents, et répéter ces étapes jusqu’à ce que la herse endommage la culture, puis revenir au réglage précédent. La vitesse d’avancement peut également s’accroître dans la limite de ce que peut supporter la culture. Si la herse étrille offre un débit de chantier faible, elle nécessite une puissance de traction de l’ordre de 7 à 10 ch seulement par mètre de largeur de travail. Concernant le réglage de l’agressivité de ses dents, deux systèmes se différencient sur le marché. D’abord, les herses étrilles à panneaux comptent plusieurs compartiments rigides sous lesquels prennent place les dents. Le réglage s’effectue alors pour chaque panneau. Le second montage propose un ressort de tension pour chaque dent, avec un réglage centralisé, généralement hydraulique. Ainsi, lorsque le sol est irrégulier, les dents peuvent bouger indépendamment. Cependant, ce dernier montage entraîne un coût d’achat plus élevé que celui d'une herse à panneaux. Enfin, il est possible, dans la plupart des cas, de choisir à la commande le diamètre des dents, disponible en 6, 7 et 8 mm. Des éléments plus fins génèrent plus de vibrations, alors que les plus imposants s’avèrent davantage efficaces en sols battants ou lourds. La longueur des dents peut elle aussi varier pour accentuer, au choix, l’effet vibratoire ou la rigidité.
Roto-étrille : vitesse et agressivité
La roto-étrille effectue un travail plus agressif que celui d'une herse étrille, permettant, par exemple, d’intervenir à un stade de développement plus avancé des adventices, jusqu’à 6 feuilles. Elle présente également l’avantage de ne pas ratisser les pailles et les débris végétaux présents en surface. Son mode d’action diffère lui aussi de celui d'une herse puisqu'elle va surtout recouvrir de terre les adventices, plutôt que véritablement les arracher. Les doigts rigides de ses soleils agissent comme une brosse sur le sol et cassent la croûte de battance dans l’interrang ainsi que sur les rangs. L’utilisation de la roto-étrille nécessite d'être en présence d'une culture suffisamment développée pour que celle-ci ne soit pas détériorée. Obtenir un bon compromis entre recouvrement des adventices et dégâts sur la culture rend donc le réglage de cette machine assez délicat. La vitesse d’avancement conseillée se situe autour de 5 km/h, voire plus si la culture présente un développement suffisant. La roto-étrille embarque des soleils disposés selon un angle d’attaque courant d’environ 30° par rapport à l’axe d’avancement. Certains constructeurs proposent le réglage de cet angle. La pression sur les soleils s’ajuste de manière centralisée, souvent grâce à un vérin hydraulique. Il faut compter environ 10 ch de puissance de traction par mètre de largeur de travail.
Désherbage thermique : coup de chaud sur les adventices
Le désherbage thermique constitue une autre solution pouvant se substituer à la destruction chimique des adventices. La technique repose sur le choc thermique subi par les plantules conduisant à leur dessèchement dans les jours suivant l’intervention. Si elle s’avère efficace sur la partie aérienne des adventices, elle ne détruit pas leurs racines. La source de chaleur peut provenir d’une flamme, alimentée par une réserve de gaz, d'un dispositif infrarouge, de l’eau bouillante ou encore de la vapeur. Ce mode de désherbage convient à un passage en pré-levée pour traiter l’ensemble de la surface. Lorsque la culture est développée, des déflecteurs prennent place autour des brûleurs afin de la protéger.