Agricultures biologique et de conservation n’ont pas la même bête noire, annonce d’emblée Emmanuel Roch, associé de l’EARL du même nom située à Sainte-Beuve-en-Rivière (Seine-Maritime), dans le pays de Bray. Dans un cas, c’est le travail du sol, dans l’autre, les mauvaises herbes. Mais ces deux modes de production ont comme dénominateur commun la recherche de la protection du sol et de l’environnement. »

Cet agriculteur normand, éleveur de 80 vaches laitières, a déjà expérimenté ces deux modes de production malgré sa jeune carrière. Dans tous les cas, il n’a jamais trop aimé sortir son pulvérisateur. Lorsqu’il était en semis direct, il traitait déjà le moins possible, atteignant un indicateur de fréquence de traitement de 1 (hors herbicide), contre 3 en moyenne dans son secteur. Il y a trois ans, son semoir Bertini, acquis depuis 20 ans, est arrivé en fin de vie et l’achat d’un modèle spécialisé neuf s’est avéré trop coûteux. Après plusieurs formations sur le bas volume et les extraits fermentés de végétaux, il réfléchit à la possibilité de ne plus traiter ses champs.
L’application de produits phytosanitaires dérègle le système et fragilise la culture », estime l’agriculteur, associé avec son père et un salarié sur l’exploitation de 150 ha de surface agricole utile, dont 40 ha de cultures de vente.
La pression sociétale au sujet des pesticides et la menace qui plane sur le glyphosate finissent de le convaincre. Avec l’appui de la laiterie Danone, il décide de convertir toutes les productions de l’exploitation (céréales et lait) à l’agriculture biologique le 1er mai 2019, après avoir semé le maïs en conventionnel et écoulé les stocks d’engrais et de produits. Le jeune agriculteur ne part pas de rien. Il se forme et, grâce à son précédent système de production, bénéficie de sols retenant bien l’azote et dotés d’un taux de matière organique élevé, soit 3,5 % en moyenne.

Un panel d’outils
Emmanuel Roch vend son pulvérisateur pour acheter une charrue d’occasion avec laquelle il laboure toutes ses parcelles à l’automne 2019. Il acquiert également un ancien tracteur porte-outil Fendt GT, doté d’un petit pulvérisateur afin d’apporter les extraits fermentés ou les solutions à base de cuivre, et qui autorise le montage, en position ventrale, d’une bineuse Schmotzer à cinq rangs, achetée elle aussi d'occasion.

Comme nous cultivons seulement 20 ha de maïs, nous recherchions une solution pas trop coûteuse, avec une machine dépourvue de caméra. Cette combinaison entre tracteur porte-outil et bineuse en position ventrale offre un bon compromis entre confort d’utilisation et coût », apprécie l’exploitant.
Il investit également dans une herse étrille Carré, de 12 m de large, et utilise la houe rotative d’un voisin. L’itinéraire classique d’un désherbage mécanique sur maïs se compose d’un passage de herse étrille dès le semis (permettant en sus de cacher des corbeaux les lignes de semis), suivi d’un ou plusieurs passages de bineuse après la levée. Pour les céréales à paille, l’agriculteur n’utilise que la herse étrille, avec un premier passage environ une semaine après le semis.

L’efficacité de cette intervention est d’autant plus élevée qu’elle s’effectue à l’aveugle, lorsque les adventices sont au stade filament blanc, donc à peine visibles », prévient Emmanuel Roch.
La houe rotative, quant à elle, complète le travail de la herse et permet d’écroûter le sol afin de semer une prairie temporaire, dans du blé ou de l’orge d’hiver. Elle s’avère plus efficace sur adventices développées. Plus tard en saison, l’agriculteur a déjà fait appel à une entreprise de travaux agricoles pour le passage d’une écimeuse sur orge de printemps afin de détruire les folles avoines.
Celle-ci représente une bonne solution de rattrapage mais nécessite des cultures homogènes, de la même hauteur. »
Revoir le système dans son ensemble
À l’heure du bilan, l’agriculteur juge passer autant de temps à désherber aujourd’hui en bio qu’auparavant, en tenant compte de toutes les tâches nécessaires à l’application d’un produit phytosanitaire (commande, enregistrement, stockage, préparation de la bouillie, application, rinçage du pulvérisateur…). Il estime le coût global d’utilisation en désherbage mécanique inférieur à celui réalisé en chimique. Par exemple, la herse étrille coûte environ 15 000 € à l’achat, soit près de 25 €/ha. Parmi les points négatifs, l’agriculteur note un manque d’efficacité du désherbage mécanique, laquelle dépend fortement de la faculté à intervenir au stade optimum.
Il faut réussir à trouver le créneau et les bonnes conditions climatiques, précise l’agriculteur. La problématique du vulpin, déjà présente auparavant, n’a pas été résolue en passant au bio, même en labourant. La sélectivité s’avère inférieure, les pois et les féveroles, par exemple, restant plus difficilement propres. Mais le désherbage mécanique ne doit pas être le seul outil de gestion des adventices. Il faut en effet revoir la rotation, la préparation des sols, les faux-semis… »
Emmanuel Roch compte en effet développer et allonger la rotation sur un cycle de dix ans. Il prévoit d’arrêter la production de l’orge et d’intégrer de nouvelles cultures comme le chanvre, la lentille, l'épeautre, le sarrasin…
J’aimerais également apprendre à me passer au maximum de la charrue, seulement une à deux fois par rotation, au maximum », conclut-il.

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