Faire fructifier l’argent et cultiver des céréales, qui aurait pu penser cela possible dans une seule et même carrière ?
C’est pourtant tout ce qui fait la singularité du parcours d’Émeric Duchesne, 39 ans, aujourd’hui agriculteur dans le sud de l’Oise, à Borest. Après des études d’économie et de finance suivies à l’EM Lyon, une prestigieuse école supérieure de commerce, le jeune diplômé prend des fonctions de banquier à Londres (Angleterre) pendant dix ans. En 2012, le départ à la retraite de son père lui offre l’opportunité de reprendre l’exploitation familiale. Émeric Duchesne entreprend alors un bac professionnel agricole à distance, parallèlement à son métier de banquier londonien.
« Pour reprendre une exploitation agricole, je devais justifier au minimum d’un diplôme agricole, que ce soit bac professionnel, BTS, école d’ingénieur en agriculture ou agronomie, précise l’ancien banquier. Pourtant, il n’est pas nécessaire, selon moi, de suivre des études agricoles pour gérer une exploitation. »

Issu d’une famille agricole, il a suivi et aidé son père au cœur de la gestion de la ferme durant toute sa jeunesse, comme un bon nombre d’enfants d'agriculteurs. Pris de passion pour ce métier, Émeric Duchesne a toujours réussi à conserver un pied dans le monde agricole, malgré la distance. Face aux différentes difficultés rencontrées ces dernières années à la ferme, il se remémore la vertu qui lui a été enseignée dans son école de commerce :
« Quand on ne sait pas, on demande ».
Avec l’ambition de l’entrepreneuriat, l’exploitant choisit de développer une entreprise de travaux agricoles, dénommée « SNC », réalisant des prestations de services, du semis à la récolte. L’expérience de son premier métier reste bénéfique pour la gestion économique de l’ETA. En 2018, son frère Guillaume, de neuf ans son cadet, diplômé d’AgroParisTech, souhaite rejoindre l’exploitation familiale.
« Deux chefs d’exploitation sur une même ferme n’étant pas une situation envisageable, nous avons réfléchi à une solution de diversification », ajoute Émeric Duchesne.
Cela aboutit au projet de méthanisation, lancé il y a cinq ans, en collaboration avec deux exploitations voisines, et fonctionnel depuis octobre 2021. Son frère Guillaume devient alors responsable de la gestion du méthaniseur DTP Metha, tandis qu’il conserve la gestion des cultures de la ferme et de l’ETA SNC.

De l’agriculture à l’« énergieculture »
La ferme familiale alimente le méthaniseur chaque jour de 30 t de seigle, d’orge, de maïs ensilé, de pulpe de betteraves ou de déchets alimentaires. Cette unité produit du méthane (CH4) par biofermentation, lequel est directement envoyé dans le réseau de gaz de GRDF avant d’être vendu par l’intermédiaire du distributeur Endesa. Les réactions chimiques produites dans les cellules de méthanisation rejettent 30 t/j de digestat sous forme de lisier, cédé à l’exploitation familiale qui l’incorporera dans ses sols ou dans ceux des clients de l’ETA SNC.
« Ce méthaniseur nous fait ainsi passer du statut d’agriculteur à celui d’énergieculteur. Aujourd’hui, nous sommes capables de produire du gaz naturel à partir de nos ressources agricoles. Prochainement, nous projetons d’installer des panneaux solaires sur les toits de nos bâtiments afin de vendre de l’électricité verte », indique Émeric Duchesne.
Il affirme avoir adoré son premier métier de banquier à Londres et en retire beaucoup de bénéfices. Ce poste lui a permis de découvrir un monde totalement différent de celui de l’agriculture auquel il était intimement attaché.
« Les exploitants agricoles associés au méthaniseur de DTP Metha ont également exercé en amont un métier différent de celui d’agriculteur. C’est un point très important qui facilite nos relations professionnelles, permettant ainsi de travailler en collaboration en toute connaissance de cause sur les différentes contraintes et difficultés que peut rencontrer un projet industriel », conclut l’entrepreneur.
