Le capteur NIR, doté de la technologie proche infrarouge, embarqué sur les ensileuses de l’ETA Guillon-Barbot (Ille-et-Vilaine) est désormais exploité pour valoriser les chantiers d’épandage de l’entreprise. Positionné au niveau de l’alimentation de la rampe à pendillards ou de l’enfouisseur, ce capteur Manure Sensing de John Deere mesure en temps réel les valeurs fertilisantes N, P et K (azote, phosphore et potassium) des déjections animales. Il pilote ensuite la vanne du débitmètre DPA et régule la vitesse d’avancement du tracteur en fonction de la dose souhaitée. Deux tonnes à lisier de l’entreprise sont équipées de ce capteur : les Samson PG25 et Samson Genesis PG20. L’investissement représente 16 000 € HT pour le capteur, qui s’installe aussi bien sur les machines de récolte que sur les tonnes à lisier, auquel s’ajoutent 5 000 € HT pour la courbe d’étalonnage de lisier et 2 600 € HT pour le kit de fixation sur la tonne à lisier.

« Nous constatons des disparités de valeurs fertilisantes des lisiers selon les fosses, notamment lorsque leur profondeur est plus importante, et leur diamètre plus faible. Le lisier de porc s’avère plus riche en profondeur, tandis que celui de bovins gagne en valeur en surface. Plus cette valeur est élevée, plus l’impact est important. Même si le brassage de lisier est effectué dans la fosse, 50 % des sédiments se redéposent dans les deux heures qui suivent. De même, nous utilisons un malaxeur interne à la tonne à lisier, mais cela ne suffit pas », évoque Jérôme Guillon, responsable de l’entreprise.
Deux raisons motivent le choix de l’entrepreneur de proposer cette prestation à ses clients depuis cinq ans. Il s’agit tout d’abord d’homogénéiser la valeur fertilisante épandue sur les parcelles.
« Naturellement, les chauffeurs ont tendance à commencer et finir les chantiers d’épandage par les mêmes côtés des parcelles. Cela crée des carences qui se creusent au fil des années et accentuent l’hétérogénéité de nutrition en éléments fertilisants. L’utilisation du capteur permet de stopper ces écarts de dosage en uniformisant l’épandage au sein des parcelles. Le rendement se trouve ainsi amélioré. »
Un moindre volume à l’hectare pour un même apport d’azote
De plus, cet outil procure un gain économique, car il permet de raisonner le volume à l’hectare appliqué en fonction de la valeur du lisier connue selon la distance entre la fosse et le champ.
« Pour les lisiers plus riches en fond de fosse, plus on s’éloigne de cette dernière, plus on peut réduire le volume épandu à l’hectare, tout en conservant le même apport d’unités d’azote. Pour une même dose de fertilisant à 90 unités par hectare, si le volume appliqué passe de 30 à 20 m3, cela limite le temps de transport et entraîne ainsi une réduction de 30 % de la facture. De plus, on ne pénalise pas la culture. L’azote ammoniacal disponible pour la plante s’élève respectivement à 2,2 unités d’azote ammoniacal pour le lisier de porc, 1 unité pour celui de bovins et entre 1,2 et 6,6 unités pour le digestat. L’épandage de ce dernier demande ainsi plus de précaution et de prudence dans le choix de l’équipement d’épandage. »
Rapporté au mètre cube, la valeur économique équivalent engrais N, P, K s’élève entre 10 et 12 € pour le lisier de porc, entre 6 et 8 € pour celui de bovins et entre 6,5 et 23 € pour le digestat.
Un coût d’analyse de 0,08 € par unité épandue
L’entrepreneur facture un coût d’analyse de huit centimes d'euro par unité d’azote épandue avec le capteur NIR. Celui-ci est couvert par les économies liées au temps de transport réduit. Malgré ses intérêts économiques et agronomiques, il ne rencontre pas encore le succès mérité auprès de la clientèle. Jérôme Guillon reste toutefois optimiste, convaincu de l’utilité de cet outil.

« Cet investissement représente une corde de plus à notre arc. Il s’inscrit dans notre approche tournée vers l’innovation et dans notre vision de l’agriculture compétitive. Je souhaite créer de la fidélisation avec mes clients. Je dois m’armer de patience pour faire comprendre les bienfaits de ce capteur à ceux qui demeurent réticents. Plus le lisier a de la valeur, plus il est facile d’argumenter dans ce sens. Cela passe aussi par la sensibilisation des chauffeurs sur les gains procurés, lesquels peuvent ensuite diffuser les messages auprès des clients en tant qu’ambassadeurs de la technique. »