« Sain, loyal et marchand » : voici comment Gilles Billon, agriculteur et gérant, avec son fils Guillaume, de la SARL de la Tuilerie, située à Perceneige (Yonne), résume les critères qu’ils appliquent pour veiller sur la récolte qu’ils stockent chez eux. Les agriculteurs sont prestataires de services pour la Cocebi, une coopérative agricole 100 % biologique spécialisée dans les métiers du grain dont ils sont également adhérents. Ils stockent pour elle jusqu’à 9 600 t de produits bios provenant des adhérents de la coopérative, uniquement à partir de la deuxième année de conversion C2. L’installation permet de réceptionner leurs récoltes puis de les expédier à une clientèle de meuniers, de marchands d’aliments du bétail, de malteries, de producteurs de flocons…

« Notre travail consiste à alloter, à homogénéiser, à conserver et à trier, expose l’agriculteur. Pour être saine, loyale et marchande, la récolte doit être propre, dénuée d’insectes vivants, aux normes PS [poids spécifique] et aux taux de protéines et calibrage requis. »
Pour cela, les gérants utilisent deux nettoyeurs et des systèmes de refroidissement par air naturel. Pour contrôler les lots, toutes les cellules sont dotées de sondes et de capteurs. Les données enregistrées sur un tableur Excel permettent ainsi de visualiser régulièrement les températures. Du côté de l’agriculteur, cela impose une grande rigueur :
« Nous avons établi des protocoles précis de réception et d’expédition des céréales, ce que nous n’aurions pas fait à titre individuel. »

3 tranches de fabrication
Ce type de stockage nécessite un système à multiples cellules (22 au total, sans compter les 5 aires couvertes de stockage à plat) en raison du nombre élevé d’espèces (orge, pois jaune, blé, tournesol, épeautre, avoine et maïs) et de variétés d’orge brassicole, et de l’année de conversion au bio (C2 ou AB) des récoltes stockées. Pour mener à bien le projet de construction de l’installation de stockage, les agriculteurs se sont adressés à la société voisine TPLG (Tout Pour Le Grain) pour son savoir-faire. Ils ont investi en plusieurs tranches. L’histoire débute à la suite de l’incendie, en 2004, d’un ancien silo logé dans un bâtiment en bois.

« À sa reconstruction en 2006, je souhaitais remonter un hangar offrant la même capacité de stockage, mais modulable afin de pouvoir ajouter des rehausses de 15 t à certaines cellules, soit 155 ou 170 t de capacité chacune, détaille Gilles Billon. Cela arrive dès 2008. L’ajout de petites unités, de 30 t de capacité chacune, permettra aussi de stocker des semences ou d’éviter d’entamer une grande cellule… Cette même année, la coopérative Cocebi cherche davantage de capacités de stockage. »
Comme ils étaient convertis en bio depuis 2004 et qu’ils possédaient, en raison du moindre rendement, un stockage quasiment deux fois trop grand, les agriculteurs décident de signer un contrat de prestation avec cette coopérative. En 2016, la deuxième tranche de travaux est lancée, avec six cellules de 520 t chacune ainsi que l’ajout d’un deuxième nettoyeur, d’un pont à bascule et d’une sonde de prélèvement d’échantillon.

Véhiculer une image positive
En 2022, la troisième tranche de travaux débute. Elle comprend trois cellules de 620 t chacune, deux cellules de 180 t servant au stockage de produits en attente d'un passage au séchoir de 42 t. Ce dernier permet d’éviter le transfert de grains humides de tournesol et de maïs. Il complète également les capacités de la coopérative, leurs propres séchoirs arrivant à saturation. En raison de la charge de travail, les agriculteurs embauchent un responsable de silo. Attachés à leur renommée de site compétitif et performant, ils disposent également d’une fosse de 75 t dimensionnée pour la réception de plus de deux camions, et, grâce à deux autres fosses, ils peuvent limiter les temps d’attente. De même, les élévateurs, selon les tranches de construction, débitent 50 ou 100 t/h. Parmi les points d’amélioration, ils comptent réduire les stockages à plat, moins confortables en termes de gestion du site, ajouter des pesons sur certains boisseaux et, éventuellement, investir dans un groupe refroidisseur pour l’orge brassicole. Cette dernière perd en effet de sa capacité germinative (92 %) si elle n’est pas refroidie rapidement. L’objectif est de baisser rapidement la température des lots sous les 5 °C, le label bio ne permettant pas d’utiliser de produit pour tuer les insectes.
