Contenu réservé aux abonnés

Entretien du foncierSARL Douineau Pierre : niveler les parcelles pour récolter toute la surface

Les pneumatiques de 1 000 mm à l’avant et de 1 100 mm à l’arrière permettent de passer la puissance au sol sans tasser exagérément.
Les pneumatiques de 1 000 mm à l’avant et de 1 100 mm à l’arrière permettent de passer la puissance au sol sans tasser exagérément. (©SARL Douineau Pierre)

À quelques kilomètres de Nantes, la SARL Douineau Pierre est spécialisée dans le nivellement de parcelles afin de faciliter l’écoulement des eaux de surface. Forte d’une quinzaine d’années d’expérience, elle s’est diversifiée dans la commercialisation d’équipements spécifiques de cette activité.

Lorsque l’eau stagne à la surface des parcelles agricoles, les cultures souffrent d’asphyxie ou de la présence de parasites. Ceci entraîne indéniablement une baisse du rendement. Pour lutter contre ce phénomène, le drainage peut être mis en œuvre afin de collecter l’excédent d’eau et l’évacuer au travers de drains et de collecteurs. Ceci suppose néanmoins que le sol soit suffisamment poreux pour que l’eau puisse s’y infiltrer. Le nivellement de surface se pose donc comme une solution de remplacement, ou complémentaire selon les cas, du drainage en profondeur. En facilitant l’écoulement de l’eau vers l’extérieur de la parcelle, une partie, voire la totalité, du problème de stagnation peut se résoudre. Le nivellement n’en est qu’à ses prémices en grandes cultures, à l’exception peut-être de zones de production de maïs, dans le sud-ouest de l’Hexagone. En revanche, dans les régions de cultures maraîchères, cette solution se déploie depuis de nombreuses années.

Pierre Douineau s’est spécialisé dans le nivellement de parcelles agricoles grâce à des outils dédiés.

À Divatte-sur-Loire, dans le bassin est-nantais, parmi les serres et les plantations de légumes en planche, Pierre Douineau en a fait sa spécialité. Ce fils de maraîcher a rapidement compris que les terrassiers en travaux publics, à qui était confié ce genre de travaux, savaient faire des plateformes parfaitement rectilignes, mais sans tenir compte du relief des parcelles, et en déplaçant de grandes quantités de terre. Il fonde alors sa société en 2008 et investit dans un bulldozer Caterpillar D6. Son idée consiste à déplacer le minimum de terre afin de faciliter la remise en culture. Ici, il n’est plus question de former une pente linéaire sur l’ensemble de la parcelle, mais plutôt de boucher les creux en collectant de la terre depuis les zones les plus élevées. « Au départ, Pierre nivelait tout à l’œil, se remémore son épouse, Gwenaëlle Douineau. Ensuite, il s’est aidé d’un laser. Mais c’est lorsqu’il a eu son premier smartphone que tout a changé. En effet, ceci lui a permis de consulter des groupes de niveleurs du monde entier sur les réseaux sociaux. Il a ainsi découvert les méthodes de travail et les machines utilisées, notamment en Australie et aux États-Unis, où la gestion des eaux de surface est optimisée, ainsi qu’au Canada, où celle-ci doit être évacuée au moment du dégel. » L’entrepreneur s’est alors mis en quête de solutions transposables sur les terres de Loire-Atlantique. Il a découvert le logiciel OptiSurface, développé en Australie et spécialement adapté au nivellement de parcelles agricoles.

La société exploite cinq scrapers Toomey, dont quatre modèles de 3,5 m de large comme celui-ci.

Le modelage de parcelles à la carte

Ce programme permet de visualiser les parcelles en trois dimensions et de simuler les zones de retenue d’eau. Il calcule ensuite les volumes de terre à déplacer pour rectifier les pentes. L’utilisateur peut lui imposer de nombreuses contraintes, comme l’épaisseur maximale de terre à décaper, des pentes minimales et maximales… Le logiciel génère alors un plan final et une carte de déblai-remblai, utilisée ensuite par les engins de nivellement. Benoît Mahé, le spécialiste de la cartographie de la SARL Douineau Pierre, arpente les parcelles des clients avec un pick-up Ford Ranger muni d’une antenne GPS. « Je trace des lignes parallèles, afin d’enregistrer un point tous les 3 m, explique-t-il. Sur des chaumes, par exemple, je peux rouler assez vite. J’arrive à couvrir jusqu’à 8 ha/h. Après avoir cartographié la parcelle, je fais une proposition au client avec le plan généré par OptiSurface et le chiffrage en fonction du volume de terre déplacé et des distances à parcourir dans la parcelle. Selon ses contraintes, je peux toujours modifier le plan, par exemple pour tenir compte de l’emplacement d’un fossé ou d’un chemin. En général, le coût avoisine les 1 000 €/ha, ce qui est environ quatre fois moins cher qu’un drainage. Cet investissement se rentabilise vite en rendant les surfaces difficiles à exploiter productives. »

La commande en cabine du scraper a été conçue et fabriquée par l’entrepreneur, à partir de pièces imprimées en 3D.

La société a acquis une expérience suffisante avec ce logiciel OptiSurface pour en être aujourd’hui le distributeur officiel dans l'Hexagone. Ses clients se trouvent principalement dans le département des Landes et en Camargue, régions cultivant respectivement en majorité le maïs et le riz. Les entrepreneurs dans ces zones utilisent des lames niveleuses dont la hauteur est pilotée par GPS. Chez Pierre Douineau, la seule lame niveleuse du parc sert à intervenir à l’intérieur des serres. Elle est tractée par un John Deere 6430 dépourvu de cabine pour permettre à ce dernier de se faufiler dans les espaces exigus. Son moteur a été boosté jusqu’à environ 150 ch, puisqu’il n’existe pas, dans la gamme du constructeur américain, de modèle plus puissant en version plateforme. Un petit scraper Martorell venu d’Espagne peut également être attelé à ce tracteur. Pour les chantiers au grand air, en plus du bulldozer, ce sont cinq scrapers Toomey d’origine australienne qui effectuent cette tâche. Ceux-ci offrent l’avantage de pouvoir charger et décharger de la terre sur demande, facilitant ainsi la collecte sur une zone de la parcelle et le remblaiement d’une autre, tout en s’affranchissant de la distance à parcourir.

L’arpentage permet de créer un point tous les 3 m et de définir le relief originel de la parcelle.

De larges pneumatiques

Quatre de ces scrapers profitent d’une capacité de 12 m3, tandis qu’un plus petit embarque pour sa part 8 m3. Les premiers affichent une largeur de 3,5 m, et le second de 3 m. Pour tirer ces équipements hors normes, la société utilise cinq tracteurs John Deere : un 8400R, trois 8R 410 et un 8R 295. Pour les travaux dans les exploitations agricoles, les plus puissants reçoivent des pneumatiques Goodyear de 1 000 mm de large à l’avant et de 1 100 mm à l’arrière. Ces dimensions très larges s’avèrent nécessaires pour assurer la traction des scrapers tout en limitant le tassement du sol. Le tracteur conduit par Pierre Douineau, plutôt destiné aux chantiers de terrassement en travaux publics, bénéficie pour sa part d'une monte de pneumatiques arrière typés génie civil. En effet, lors des chantiers de TP, plus abrasifs et nécessitant le déplacement d’importants volumes de terre, l’effort de traction est tel que les crampons des pneus agricoles se découpent. Les scrapers, quant à eux, reçoivent quatre pneumatiques également typés génie civil. Ceux-ci sont disposés par deux sur des balanciers indépendants à l’arrière de la caisse. Celui de gauche reçoit un vérin permettant, par exemple, de relever le châssis lors des passages délicats ou pour franchir un talus. Le balancier de droite, lui aussi monté sur vérin, autorise la correction de l’assiette du scraper, asservie automatiquement par le GPS, en fonction du plan établi sur OptiSurface. Ceci facilite la création de pente ou, au contraire, le nivellement, en s’affranchissant du dévers subi par l’ensemble tracteur-scraper.

Après avoir renseigné un certain nombre de contraintes, le logiciel OptiSurface propose un nouveau profil.

« Le guidage ne fait pas tout, tempère Gwenaëlle Douineau. Nous avons la chance de confier nos ensembles à des chauffeurs passionnés et compétents. Quand ils arrivent dans une parcelle, ils visualisent rapidement l’organisation à mettre en place afin d’optimiser les déplacements. Ils ont également un bon relationnel avec nos clients et savent répondre à leurs besoins et à leurs souhaits. » Et Benoît Mahé d'appuyer : « Lorsqu’ils voient des améliorations à apporter à la cartographie, ils m’appellent et je procède aux modifications selon leur ressenti sur le terrain. C’est un vrai travail d’équipe ! Leur retour permet de toujours améliorer la qualité du travail fini. Par exemple, ils peuvent voir qu’il est plus intéressant de prendre la terre dans une certaine zone plutôt qu’une autre. Dans ce cas, je leur envoie le nouveau plan, qu’ils intègrent au guidage de leur tracteur, le tout depuis mon bureau. » Lorsque tout est prêt, les machines peuvent entrer en action. Les scrapers travaillent en plusieurs passes, afin de prélever une fine couche de terre et de la déposer dans les creux à combler. Les balises GPS disposées au-dessus de la caisse pilotent la hauteur de la lame. La succession des passages permet de compacter suffisamment la matière pour éviter de former des zones potentiellement propices à l’enfoncement lors du passage des machines agricoles. Lorsque le profil de la parcelle colle à celui que le plan a défini, le chauffeur effectue un dernier passage sur l’ensemble de la surface traitée afin d’obtenir une finition propre, gommant ainsi les traces laissées entre les passages.

Cette carte de déblai (jaune, orange) et de remblai (bleu) sert à piloter automatiquement le chargement et le déchargement des scrapers.

Le nivellement adapté à l’itinéraire cultural

Les scrapers embarquent 11 dents de ripper, positionnées devant la lame de chargement. Celles-ci sont utiles lorsque le sol s’avère particulièrement dur, afin de le fissurer et de faciliter le chargement de la terre. « Nous préconisons à nos clients de labourer leurs parcelles avant notre intervention, commente Benoît Mahé. Ce travail permet de mélanger la matière organique de surface avec la terre des premiers centimètres du sol. Ainsi, lors du déplacement de terre par les scrapers, ceci évite de se retrouver avec des zones complètement dépourvues de matière organique et d’autres trop riches. Nous travaillons avec une majorité d’agriculteurs pratiquant un itinéraire cultural sans labour, voire en semis direct. Cela les surprend parfois de devoir labourer leurs parcelles, mais le résultat est bien meilleur. En revanche, après notre passage, les avantages du nivellement se ressentiront davantage avec un itinéraire simplifié, puisque l’écoulement de l’eau ne sera pas perturbé par le travail du sol. Chez les agriculteurs pratiquant le labour, j’ajoute comme contrainte dans OptiSurface de créer un creux dans les fourrières des parcelles. En effet, lors du labour, de la terre est toujours tirée vers les bouts de raies et a tendance à en faire remonter le niveau petit à petit, au fur et à mesure des années. Nous rencontrons la même problématique avec les cultures légumières en planche. L’érosion a tendance à drainer le sable vers les bouts des parcelles. Nous passons alors un coup de scraper lorsque cela est nécessaire pour enlever l’excès. »

Le scraper charge la terre dans les zones les plus élevées pour la déposer dans les creux susceptibles de retenir l’eau en surface.

Entre les chantiers, les ensembles transitent soit par la route, soit sur le semi-remorque porte-engin de l’entreprise. Leur largeur impose la circulation en convoi exceptionnel de catégorie 2. L’ensemble du personnel a été formé pour conduire la voiture pilote. L’acheminement par camion s'opère en fonction de la distance à parcourir, et si les itinéraires réglementés n’imposent pas de grands détours. Cette solution est privilégiée surtout au nord de la Loire et en Bretagne, où les doubles voies limitées à 110 km/h facilitent la circulation en camion, à la vitesse de 70 km/h, limite correspondant à ce type de convoi. Les chantiers se situent dans un rayon de 300 km environ autour du siège de Divatte-sur-Loire. Par ailleurs, profitant d’une solide expérience avec les scrapers Toomey, la société de Pierre Douineau représente la marque australienne en France et en Europe. Les modèles commercialisés ne seront dorénavant plus importés mais construit dans la Loire-Atlantique par la SARL Douineau Pierre.

Réagir à cet article

Les dernières annonces de matériel agricole d'occasion