Les automobilistes de passage aux abords de l’Institut national de recherche agronomique (INRA) de Clermont-Ferrand ont probablement été intrigués par une drôle de machine évoluant dans ses parcelles d’essai. Et pour cause ! Chaque semaine, de mi-mars jusqu’à la moisson, la « phénomobile » venait scruter l’état de santé des différentes variétés de blé, cultivées dans 768 microparcelles. Il faut dire que l'engin a de quoi impressionner : un moteur diesel de 50 ch, quatre chenilles triangulaires, une tourelle et un bras télescopique dont la portée atteint 12 m.

Au bout de celui-ci, une tête de mesure en forme de pyramide contient deux caméras, deux caméras multispectrales et trois lidars, qui caractérisent les distances en émettant un faisceau laser. L’ensemble est éclairé grâce à cinq flashs. Ces technologies combinées collectent des informations sur le stade de croissance et l’évolution de divers caractères visibles des cultures. Cette opération porte le nom de « phénotypage ». Avant l’entrée en fonction de cette machine, en début d’année, ces mesures étaient réalisées visuellement par des agents chargés d’étudier des échantillons. Il faut six heures à la phénomobile pour parcourir le trajet programmé à l’avance, qu’elle suit grâce à une balise GPS.

Des cultures sans eau
Boris Adam, responsable de la plateforme Pheno3C (pour « phénotypage au champ sous contraintes climatiques »), explique le fonctionnement du dispositif : « Nous réalisons des cultures d’essai dans quatre îlots comptant chacun six parcelles. Deux des six parcelles sont utilisées pour l’expérimentation selon une rotation sur trois ans. Chacune comporte les mêmes variétés de blé, disposées en 96 microparcelles de 2 m2. La moitié des parcelles est exposée aux intempéries, alors que l’autre bénéficie d’un système de toit motorisé qui vient la recouvrir dès que la pluie arrive. Depuis le mois de mars, ces parcelles n’ont pas vu une seule goutte d’eau. Ceci permet aux chercheurs d’analyser le comportement des espèces soumises à un stress hydrique.

La phénomobile entre en jeu dans la collecte de données issues de ces tests. Elle suit un parcours préétabli grâce à la balise GPS placée au centre de sa tourelle. Le bras, supportant les outils de mesure, est positionné à l’aide d’une seconde antenne. Il se place à environ 1,5 m au-dessus de la végétation. Les caméras réalisent des clichés de chaque microparcelle, et le lidar forme un nuage de points représentant la hauteur de la végétation. Le positionnement de la phénomobile et de son bras s’opère automatiquement, mais, pour des raisons de sécurité, un agent doit rester en permanence dans la cabine de l’automoteur. Il intervient uniquement en cas de problème, ou lors du déplacement d’un îlot à l’autre. »

Trois machines en France
À la suite du déploiement du projet « Phénome » en France, les entreprises Méca 3D et Robopec se sont associées pour construire trois automoteurs. La première a fabriqué la structure de ces machines, et la seconde les a rendues autonomes. Les phénomobiles sont réparties dans les centres INRA de Clermont-Ferrand, Toulouse et Montpellier.

Le logiciel qui permet de traiter les données collectées est en fin de développement. Ces technologies vont permettre de nouvelles avancées dans le domaine du phénotypage à haut débit. « Ces nouveaux outils, au travers du phénotypage des plantes, nous permettent de mieux comprendre et compléter les connaissances issues depuis des années du domaine du génotypage. Ils nous permettent de mener de nouvelles études sur l’évolution des cultures », conclut Boris Adam.