« On a eu la chance d’être plusieurs à travailler sur notre exploitation afin de nous dégager du temps pour aller voir ailleurs et trouver des créneaux de diversification. » Pierre Jargot, associé depuis 1993 avec son frère, Philippe, dans l’EARL Saint-Louis, à Anthon (Isère), est bien conscient des conditions favorables dont il a bénéficié pour imaginer de nouvelles activités. Leur père et leur oncle, expropriés de la ferme familiale savoyarde, avaient choisi cette structure agricole à reprendre au lieu-dit Saint-Louis, limitrophe des départements de l’Ain et du Rhône, pour s’y installer en 1985. Dans cette zone à dominante céréalière, l’exploitation au parcellaire regroupé compte aujourd’hui 120 ha de surface agricole utile, dont 80 ha de maïs irrigué destiné à l’ensilage, de 10 à 15 ha de luzerne et 10 ha de céréales à paille. « À l’origine, nous produisions 700 000 L de lait et des taurillons. Mais compte tenu du temps de travail conséquent et de l’absence de perspectives, nous avons arrêté cette activité en 2012. » Les associés se recentrent alors sur l’atelier viande et le portent à 800 places d’engraissement, aujourd’hui toujours rentable grâce à une valorisation en filière non-OGM. Cette décision de réorientation a été facilitée par les activités de compostage et de travaux agricoles qu’ils avaient déjà commencé à développer.
Dans notre zone périurbaine aux portes de Lyon, le potentiel est là !
La famille Jargot avait engagé, dès le milieu des années 2000, une réflexion sur une activité de collecte de déchets verts. « Dans notre zone périurbaine aux portes de Lyon, le potentiel est là ! La rencontre avec Valterra, société spécialisée dans la cogestion de plateformes de compostage [voir encadré], et le partage des mêmes objectifs seront décisifs. » En 2009, les exploitants s’associent à parts égales avec cet opérateur au sein de la structure baptisée « Confluence Amendements ».
Capacité totale de 26 600 t
À 500 m des bâtiments d’élevage, les associés aménagent sur 1 ha un premier site de 15 700 t de capacité soumis à autorisation, dénommé « Les Garennes ». Celui-ci traite déchets verts et boues de stations d’épuration (de 20 à 25 % de matière sèche) compatibles avec un épandage agricole. Il génère in fine un compost normé « NF U44-095 ». En 2013, Confluence Amendements récidive avec la mise en service de la plateforme dite des « Grandes Forêts », à 1 km environ de la ferme.

La plateforme des Grandes forêts, l’un des deux sites de compostage de Confluences Amendements, est dimensionnée pour accueillir jusqu’à 10 900 t de déchets verts chaque année.
Crédit : Valterra Environnement
D’une capacité d’accueil maximale de 10 900 t de déchets par an, celle-ci est soumise à déclaration. Dédiée exclusivement au traitement des déchets verts, elle répond à une demande en fertilisants organiques de producteurs en agriculture raisonnée, biologique ou en conversion. Sur cette plateforme, le produit final est un compost normé « NF U44-051 ».
Nous apportons notre connaissance du territoire et Valterra, avec son expertise de traiteur de déchets, assure la gestion des flux entrants, les analyses et la traçabilité.
Le succès de l’entreprise est au rendez-vous. « Confluence Amendements réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires avoisinant 1 M€, confie Pierre Jargot. Nous apportons notre connaissance du territoire et Valterra, avec son expertise de traiteur de déchets, assure la gestion des flux entrants, les analyses et la traçabilité. Ce partenaire rassure également les établissements bancaires. » Les deux sites sont certifiés ISO 9001 et ISO 14001. Entièrement imperméabilisés, ils disposent chacun d’un système de récupération des jus, épandus périodiquement sur les tas, et d’une réserve d’incendie. Les déchets proviennent de collectivités locales, de paysagistes, de gros collecteurs et de stations d’épuration avoisinantes. Le produit entrant est pesé au pont-bascule de la ferme qui génère un ticket à code indispensable pour pénétrer dans l’enceinte sécurisée de chaque plateforme de compostage. Chaque fournisseur verse entre 30 et 40 € par tonne de déchets livrée. Un prestataire se déplace périodiquement sur chaque plateforme pour broyer les déchets. L’exploitant l’assiste dans cette tâche. « Nous évacuons les matériaux broyés puis procédons à la mise en andains selon des proportions bien précises : 5 volumes de refus de criblage structurants, 3 de boues urbaines et 2 de déchets verts broyés. » Ce mélange entre alors en fermentation pour une durée de 25 jours. S’ensuit une période de maturation de 30 jours. Les andains sont retournés au godet environ six fois, ou seulement trois fois en présence de l’aération forcée de la plateforme des Garennes.

La plateforme des Garennes est équipée d’une ventilation pilotée : en fonction de la température et de l’hygrométrie, un automate injecte périodiquement de l’air dans les tas en fermentation via des gaines de ventilation situées sous les andains, afin de stimuler la dégradation de la matière organique.
Crédit : Matériel Agricole

À l’issue de la phase de maturation, l’opération de criblage vise à séparer les composants du compost selon leur granulométrie.
Crédit : Valterra Environnement
L’exploitant crible ensuite lui-même la matière pour dissocier le précompost des parties plus grossières réutilisées dans le cycle de traitement suivant. Après analyse, le produit est prêt à l’emploi. Les 26 600 t de déchets s’assèchent au cours du process, et le produit final affiche autour de 60 % de matière sèche. L’exploitant sort 12 000 t de compost chaque année.
Maîtrise du prix de vente
On fixe nous-mêmes les prix du compost.
Une bonne part du compost est valorisée auprès d’une quarantaine d’agriculteurs et, dans une moindre mesure, auprès de paysagistes. Plus de la moitié du tonnage vendu est transportée et épandue. « Le compostage est l’activité la plus lucrative, devant les travaux agricoles puis l’exploitation, confie Pierre Jargot.

On fixe nous-mêmes les prix du compost. Selon le volume vendu, il s’élève à 4 €/t pour un compost de déchets verts. Il oscille entre 4,80 et 6 €/t pour un compost avec boues, plus riche en éléments fertilisants. Sans même prendre en compte les bénéfices de la matière organique, le prix d’une fertilisation minérale équivalente dépasserait les 15 €/t ! »
Matthieu Schubnel