Grégory Imberdis m’a donné rendez-vous à six heures, ce matin de décembre, à Ambert (Puy-de-Dôme), où se situe le siège de la SARL Héritier qui l’emploie. Lorsque j’arrive au dépôt, le jeune chauffeur, du haut de ses 22 ans, termine de charger son camion-remorque de bois, en rondins de 2 m de longueur. « J’ai chargé hier soir chez un client, mais le camion n’était pas complet, donc j’ai ajouté ce qui manquait avec ce que l’on stocke au dépôt, m’explique-t-il. Normalement, je pars à cinq heures le matin, mais j’ai fini tard hier. Alors, aujourd’hui, je commence à six heures. »

Il ne lui faut qu’une poignée de minutes pour sangler les 19 t de bois, puis nous prenons place à bord du Scania R580 doté d’un moteur V8 de 16 L de cylindrée développant 580 ch. « Le camion est tout neuf. Je ne l’ai que depuis trois semaines », m’expose le conducteur, enthousiaste, tout en élançant le convoi dans l’obscurité. Après environ 1 heure 30 de trajet, nous arrivons à Langeac, dans la Haute-Loire. Nous devons déposer notre chargement sur la plateforme logistique de Fibre Excellence, une société basée à Tarascon, dans les Bouches-du-Rhône, et spécialisée dans la production de pâte à papier à partir de la cellulose du bois. Nos rondins seront rechargés sur un train ou un camion qui l’acheminera jusqu’à l’usine. Après avoir engagé la prise de mouvement du Scania, animant la pompe hydraulique, et déplié le toit escamotable du poste de commande, Grégory Imberdis prend place sur le siège installé en haut du pied de grue.

Habileté et rapidité
Le jeune chauffeur dispose de deux leviers sous chaque main, ainsi que d’une paire de pédales pour manœuvrer la grue Kesla, d’une capacité de 17 tm. Le jeune homme n’en est pas à son coup d’essai. Il manie le grappin SuperGrip avec une habileté déconcertante, comme s’il s’agissait de l’extension de son propre bras. Moins de 30 minutes lui sont nécessaires pour décharger le camion porteur et la remorque. Il donne ensuite un coup de balai sur les plateaux pour les débarrasser des écorces et des branches restantes, puis nous repartons vers un centre commercial voisin pour faire le plein. Pendant que la pompe à carburant ravitaille le Scania, nous faisons le tour du camion.

« Les jantes Alcoa en alliage sont mates sur le camion et brillantes sur la remorque Billaud. J’aurais préféré uniquement des brillantes : elles sont plus faciles à nettoyer. Je suis obligé de laver celles du camion à l’éponge pour ne pas laisser de traces », détaille Grégory Imberdis. En effet, tous les vendredis, il consacre une heure ou plus à redonner toute sa brillance à sa monture. La pause de 15 minutes, correspondant à la première fraction des 45 minutes obligatoires au bout de 4 heures 30 de conduite, étant terminée, nous pouvons reprendre la route. Cette fois, nous allons récupérer des billes de 5,1 m de longueur au bord d’une petite route de montagne. Grégory Imberdis effectue le chargement rapidement, puisqu’il ne peut confectionner que deux piles de bois : l'une sur le camion, l’autre sur la remorque.

Des chaussées enneigées
Nous reprenons ensuite la route en direction de Sembadel (Haute-Loire). L’itinéraire nous fait emprunter des routes d’altitude sur lesquelles une couche de neige s'est déposée. Mon chauffeur apprécie le comportement de son véhicule. « Le camion tient bien la route, et la remorque ne bouge pas particulièrement. Seules les roues directrices, à l’avant, ont parfois tendance à glisser quand l’adhérence est précaire. » Lorsque nous arrivons à la scierie où nous devons décharger, Grégory Imberdis stationne son camion le long d’une pile de bois, sur une bande d’herbe enneigée.

Après avoir procédé au déchargement, nous remontons en cabine, mais le Scania ne veut rien savoir. Ses quatre roues motrices patinent, et il ne recule pas d’un centimètre. Son conducteur s’arme alors d’une pelle, rangée derrière la cabine, et gratte le sol pour retrouver la terre sous la couche de glace. Il reprend ensuite place derrière le volant et, au bout de quelques allers-retours, parvient enfin à arracher l’ensemble du piège tendu par les températures négatives. Tout juste à l’heure pour faire la coupure de midi, d’au moins 30 minutes qui, additionnées aux 15 minutes du matin, forment la coupure obligatoire de 45 minutes. L’après-midi s’est passé au même rythme que la matinée, avec deux chargements. Lors du premier voyage, nous avons acheminé des billes de 3 m entre deux scieries, dont la première sous-traite du travail à la seconde.

À l’épreuve du vent et du froid
Pour finir la journée, nous avons rechargé des rondins au bord d’une route, proche de Cistrières, dans la Haute-Loire. Le vent et la neige ont motivé mon chauffeur à s’activer pour empiler le bois. En effet, malgré le canopy lui protégeant le dos et la tête, il ressent bien la fraîcheur, juché en haut du pied de grue. Après avoir arrimé le chargement, emmitouflés dans nos parkas et bonnets sur la tête, nous regagnons avec hâte la cabine du Scania, dont nous apprécions le chauffage et le confort.

Nous redescendons alors en altitude pour rejoindre une importante scierie à Dore-l’Église (Puy-de-Dôme). Il est presque dix-huit heures, et le jour a laissé place à l’obscurité du soir. Ceci ne pose pas de problème à Grégory Imberdis qui dispose d’une multitude d'éclairages à LED sur sa grue et tout autour du camion. Sous les feux des projecteurs, les derniers rondins de la journée quittent le plancher du Scania et de sa remorque. Mon chauffeur d’un jour peut désormais rentrer chez lui pour se reposer, avant de « rattaquer » à cinq heures le lendemain matin.