
La neige tombe à gros flocons ce matin-là à Saint-Chef, dans la campagne iséroise. De l’usine de la SAS TPA Fumeterre s’échappe un épais panache de vapeur d’eau. C’est sur cette commune proche de Bourgoin-Jallieu que Georges Archimbaud décide de s’installer en 1963 en défrichant un marais pour implanter du maïs sur ces terres noires humifères reposant sur du sable. Moins d’une dizaine d’années plus tard, il se diversifie dans la luzerne déshydratée en acquérant une machine d’occasion. En 1976, il construit l’usine et fait fabriquer une machine plus adaptée à la déshydratation du fumier de bovin, toujours en service à ce jour. En parallèle, il développe sa présence commerciale sur les foires en ciblant, au départ, les maraîchers et viticulteurs. Mais ce fertilisant commode d’utilisation intéresse peu à peu les revendeurs de produits agricoles à travers la France, en Suisse et même jusqu’à Djibouti ! L’activité prend de l’ampleur et incite Georges Archimbaud à s’y consacrer à part entière dans les années 1980. Ses deux fils, Éric et Pascal, s’installent et se consacrent aux productions agricoles de l’exploitation. Alors que Georges Archimbaud prend sa retraite en 2008 à l’âge de 75 ans, sa descendance pérennise l’affaire et la développe en augmentant les ventes d’engrais organiques et en modernisant certaines étapes de la transformation.
« Aujourd’hui, notre société TPA Fumeterre dégage un chiffre d’affaires de 1,1 million d'euros, annonce Éric Archimbaud, 59 ans. Cette activité mobilise deux techniciens d’usine travaillant en alternance, une secrétaire et un commercial, auxquels s’ajoutent deux apprentis. »

15 000 t de fumier
Le rythme de production journalière peut atteindre 22,5 t de bouchons formés à partir de 110 t de fumier. Le site industriel soumis à autorisation est implanté sur une surface de 1 ha. Il se compose d’un bâtiment de 2 000 m2 et d’une plateforme de stockage attenante capable d’accueillir 4 000 m3 de fumier pailleux provenant de litières. Les livraisons de cet effluent s’étalent sur l’année de façon à conserver un stock minimal permanent de 1 000 t de fumier de bovin. Une vingtaine d'éleveurs laitiers, d’engraisseurs et de négociants du nord de l'Isère, de l’Ain, de la Savoie et de la Haute-Savoie assurent l’approvisionnement.
« Certains éleveurs ont trop d’effluents et doivent exporter. Pour d’autres, cela constitue un revenu qui finance une partie de leurs besoins en paille, indique Éric Archimbaud. Plus de 15 000 t de fumier entrent ainsi dans notre usine chaque année. Tout produit entrant est pesé sur notre pont-bascule. Nos deux techniciens se succèdent entre 5 heures et 21 heures pour faire tourner l’usine. »
1 800 t de combustible
Afin que le process de transformation se déroule sans encombre, l’opérateur homogénéise d’abord le fumier de bovin réceptionné avec un épandeur stationnaire Dangreville entraîné par un moteur électrique de 25 kVA. Le débit de chantier pour cette opération atteint 25 t/h. Le fumier récupéré est stocké en tas dans un hangar. L’opérateur le reprend ensuite à l’aide d’un chariot télescopique et le charge dans une trémie doseuse, dont le tapis composant le fond alimente en continu la chaîne de déshydratation.

Le fumier est séché à une température variant entre 40 et 100 °C dans un cylindre métallique – de 11 m de long et 4 m de diamètre – en rotation, similaire à ceux qui sont utilisés pour déshydrater de la luzerne ou de la pulpe betterave. Afin d'alimenter les brûleurs, l’entreprise écoule un volume annuel de 1 800 t de sciure.

Une fois déshydraté à 85 % de matière sèche, le fumier est broyé puis pressé en bouchons sans additif.


Animée par deux moteurs électriques développant 75 kVA chacun, la presse comprime le produit qui sort sous forme de bouchons à une température de 40°C.
Il se conserve bien au sec. Deux silos extérieurs de 250 t de capacité chacun accueillent provisoirement les granulés générés en vrac. Les trois quarts du volume produit sont conditionnés en sacs, le reste en big bags de 500 kg.
« Pour simplifier cette étape, nous avons investi voici cinq ans dans une ensacheuse automatique et dans un palettiseur. »

L’ensacheuse automatique acquise en 2014 assure le conditionnement périodique du produit en sacs de 30, 25 ou 10 kg. Sa cadence atteint 400 sacs/h.

Selon l’exploitant, le fonctionnement de cette chaîne de production génère une facture annuelle d’électricité de 100 000 €.
3 000 t de bouchons
TPA Fumeterre commercialise environ 3 000 t de bouchons de fumier par an à une clientèle en quête de matière organique. L’entreprise ne propose pas de prestation d’épandage. La gamme de fumiers déshydratés comprend quatre produits : le Fumeterre 100 % fumier de bovin, le Fumebien enrichi en fumier de cheval exclusivement disponible dans le réseau de jardineries Gamm Vert, le terreau enrichi en Fumeterre et mycorhizes, et, depuis deux ans, le Fumeterre biodynamisé ciblant essentiellement les viticulteurs adeptes de la biodynamie.
Les produits bénéficient d’une certification « Nature et Progrès » et sont donc utilisables en agriculture biologique. Les granulés se désagrègent au sol avec l’humidité.
« La déshydratation présente l’avantage de détruire tous les germes pathogènes du fumier, explique le responsable. Jardineries, maraîchers, viticulteurs, particuliers… : ce fertilisant déshydraté plaît en raison de sa commodité de transport. En revanche, nous organisons aujourd’hui les livraisons de toute notre production avec des transporteurs dans la vallée du Rhône, en Suisse, dans la Marne, en Bourgogne et jusqu'au Bordelais. Les pics de demande ont lieu surtout au printemps et à l’automne. »
Le volume par client varie beaucoup, entre un sac de 25 kg fourni au particulier, une commande de 1 000 t passée par une coopérative et celle d'un vigneron pour 25 t en big bags. L'entreprise développe depuis deux ans la vente directe sur Internet à destination des particuliers. Alors que l’une des nièces d’Éric Archimbaud est déjà chargée de la vente directe de produits agricoles (voir encadré), son neveu de 27 ans prendra peut-être la relève. « La retraite approche, mais on a encore cinq ans pour se retourner ! »
