« En 2019, quand j’ai découvert l’automoteur autonome , j’ai tout de suite été intéressé par ce nouveau concept, se souvient Jérôme Mazière, dirigeant des Établissements Hervé, concessionnaire Massey Ferguson basé dans les Côtes-d’Armor.Il s’agit en effet du premier système autonome capable d’assurer le désilage, le mélange et la distribution d’une ration complète. Ce matériel se démarque des robots d’alimentation concurrents à plusieurs niveaux. Son gros point fort est notamment de se servir directement dans le tas d’ensilage, ce qui évite d'avoir à charger un stock tampon. L’agriculteur n’a donc pas besoin de prévoir une cuisine devant être réapprovisionnée tous les deux à trois jours. Autre atout : cet engin passe presque partout et se repère dans l’espace grâce au système RTK, sans balisage à poser au sol. » Convaincu que ce matériel intéressera à l’avenir les nombreux éleveurs laitiers qui constituent plus de la moitié de sa clientèle, Jérôme Mazière a alors décidé de se positionner en tant que distributeur. « En échangeant avec mon associé, Ludovic Le Normand, également concessionnaire Massey Ferguson sur l’ouest et le sud de la Bretagne, j’ai constaté qu’il avait le même projet que moi. D’où l’idée de créer une structure commune pour assurer la commercialisation de l’appareil sur l’ensemble de nos territoires commerciaux. C’est ainsi qu’est née la société Bréa Technologies. »
Les Établissements Hervé commercialisent déjà l’ensemble des matériels conventionnels Kuhn. Le groupe Le Normand distribue de son côté la gamme d’élevage, à travers deux filiales. Dès 2021, les deux hommes étudient le projet et posent les bases de cette nouvelle structure. Ils décident qu’elle sera indépendante de leurs concessions sur les plans juridique et financier, mais qu’elle pourra s’appuyer sur les moyens humains et matériels existants. L’idée est présentée aux responsables de Kuhn qui la valident et octroient à Bréa Technologies la carte de distributeur exclusif de l’Aura dans les départements du Finistère, des Côtes-d’Armor et du Morbihan. Le territoire correspond exactement à celui que couvrent les deux associés à travers leurs concessions. La société est officiellement opérationnelle depuis mai 2023. « Avec cette association, nous mutualisons nos moyens et proposons à la clientèle une offre solide sur les plans commercial et technique, ajoute Jérôme Mazière. Si nous nous étions tous les deux lancés individuellement dans cette aventure, nous n’aurions pas pu proposer le même niveau de services et de compétences. »
Neuf techniciens formés
En effet, pas moins de neuf techniciens provenant des deux concessions ont été formés pour la maintenance et le SAV du robot Aura. Dans un souci de bien-être des salariés, des permanences sont organisées à tour de rôle avec une assistante téléphonique pour les clients, ainsi qu’une astreinte de dépannage 7 jours sur 7, de 6 heures à 22 heures. Pour la promotion et la vente du matériel, Bréa Technologies a recruté Damien Pellan. Après une formation en agrobusiness (Agricadre) à l’École supérieure des agricultures (ESA) d’Angers, il a commercialisé pendant neuf ans des robots de traite et de l’équipement d’élevage et d’alimentation. Il a aussi travaillé durant trois ans chez un spécialiste de la nutrition animale. « C’est un profil qui correspond bien aux attentes de nos clients, souligne Jérôme Mazière. En effet, les éleveurs intéressés par le système Aura nous questionnent très peu sur le moteur ou sur les composants mécaniques du matériel. Ils recherchent surtout des performances zootechniques et veulent connaître, par exemple, le temps de fonctionnement de la machine ainsi que son niveau de précision, l’objectif étant de garantir un mélange de qualité et le plus homogène possible. Le Kuhn Aura ramène régulièrement de petites quantités de fourrage pour toujours proposer une ration fraîche. En facilitant l'ingestion, ce type d’alimentation régulière booste la production laitière et est bénéfique pour la santé des vaches. Avoir un interlocuteur qui connaît bien leurs besoins en alimentation animale les rassure. Cela nous donne aussi de la crédibilité. Du côté des techniciens, nous avons proposé la formation à notre personnel. Cela reste abordable pour un salarié motivé et bien formé à la diversité des technologies employées en machinisme agricole. »
Déjà 60 demandes
Après neuf mois d’existence, la jeune société a déjà mis en service deux installations. Six autres dossiers sont également finalisés. Actuellement, l’entreprise est en contact avec plus de soixante exploitations potentiellement intéressées. « Toutes les demandes n’aboutiront pas, mais cela représente tout de même un très bon potentiel, précise Damien Pellan. Monter un tel projet prend entre 9 et 24 mois. La première étape se passe sur l’exploitation, avec une étude de faisabilité technique. En effet, cet automoteur autonome ne peut pas couper une route ou circuler dans un espace public. Les silos et les bâtiments des animaux doivent donc être situés sur le même site. C’est la principale contrainte à respecter. L’Aura est équipé de différents capteurs et d’un système Lidar avec lequel il se repère en permanence et détecte les obstacles ou d’éventuels intrus, qu’il s’agisse d’animaux ou d’êtres humains. En cas de présence anormale, il s’arrête instantanément et envoie une alerte. Évidemment, plus les distances à parcourir sont faibles, plus il pourra nourrir d’animaux sur la journée, car il ne compte pas ses heures ! » Sa vitesse de déplacement maximale est de 7,2 km/h. Dans une configuration optimisée, un seul Aura suffit à nourrir environ 500 animaux, avec un nombre de rations pratiquement illimité. Son moteur lui offre une grande autonomie. Il est conçu pour se déplacer sur différents types de sols, bétonnés ou non, et franchir des côtes allant jusqu’à 20 %. « Quand des aménagements sont à prévoir, ils concernent surtout la sécurité, notamment au niveau des silos, précise Damien Pellan. Les déplacements sont faciles. Une fois ces questions levées, je m’intéresse aux attentes de l’éleveur. Combien de rations ? Pour qui ? À quelle fréquence ? Tout cela est traduit en litres de lait produits, ou en UGB [unité de gros bétail], et sert de base à l’étude financière. »
Une nécessité de proximité
Lors des mises en service, des techniciens du constructeur Kuhn se déplacent sur l’exploitation pendant plusieurs jours, en appui du personnel de la concession. L’objectif, à terme, est de déléguer au maximum cette étape au distributeur. Pour le SAV ou la gestion des pièces, chaque client sait qu’il bénéficie d’un support technique fourni par la concession la plus proche de chez lui. Cela représente onze bases au total. « Travailler avec une grande marque telle que Kuhn rassure le client, en raison de sa solidité financière et sa proximité géographique, ajoute Jérôme Mazière. Par ailleurs, l’Aura est conçu et produit en Vendée : c’est un plus en termes de réactivité. Et pour nous qui vendons des tracteurs fabriqués en France, cela a également du sens. »
Actuellement, la gamme ne compte qu’un modèle unique, avec une seule capacité de cuve. Si elle couvre les besoins d’une grande partie des exploitations du secteur, les deux associés misent sur une diversification de l’offre dans les années à venir. Kuhn a notamment présenté sur le dernier salon Agritechnica un prototype de tracteur autonome dénommé « Karl ». Ce robot pourrait intéresser les maraîchers, nombreux en Bretagne. « Tous nos clients sont confrontés à des soucis de disponibilité en matière de main-d’œuvre. La robotisation apporte une vraie solution, estime Jérôme Mazière. C’est ce qui motive la majorité des agriculteurs que nous rencontrons. De plus, sur le plan qualitatif, la précision de la tâche est même améliorée par rapport à un être humain, qui perd en attention au bout de quelques heures. Les demandes devraient donc se multiplier à l’avenir. Dans notre organisation, c’est la société Bréa Technologies qui assure la promotion et la commercialisation du Kuhn Aura. Mais, pour les différentes concessions, les retombées ne sont pas négligeables, notamment en termes d’image. Aux établissements Hervé, par exemple, depuis que nous présentons l'Aura, nous avons vu augmenter nos ventes de mélangeuses automotrices classiques. Preuve que la promotion de cet automoteur particulier met aussi en avant le reste de la gamme. »
