« L’épidémie de Covid nous a conforté dans l’idée de nous diversifier dans des activités obéissant à des cycles différents de ceux de l’automobile », explique Pierre-Yves Delespine, le secrétaire exécutif d’Emil Frey. Ce groupe né à Zurich en 1924 de l’esprit d’entreprise d’un mécanicien et pilote moto, s’était, dans un premier temps, développé dans son pays en important des automobiles, d’abord anglaises, ensuite japonaise, puis en se diversifiant dans le leasing, la commercialisation de moteurs et de pièces détachées. Dès le début des années 70, il a essaimé dans les pays limitrophes, notamment en France, où il est arrivé en important Toyota. Il s’est ensuite développé grâce à des marques telles que Subaru, Chevrolet, Pontiac, Hyundai et en multipliant les acquisitions de concessions automobiles. Aujourd’hui, Emil Frey s’est implanté dans la plupart des pays européens, de la France à la Pologne et de l’Allemagne à l’Albanie. Sa filiale Emil Frey France compte dans notre pays, mais aussi en Belgique et au Luxembourg, 300 concessions automobiles grâce à son réseau Autosphère. Elle annonce vendre actuellement plus de 140 000 voitures neuves et près de 110 000 occasions avec un effectif de plus de 10 000 personnes. Elle a réalisé un chiffre d’affaires de 5,4 milliards d’euros en 2023.

La maîtrise de toute la chaine de valeur
Son souci de diversification n’est pas nouveau et peut se comprendre comme une recherche de la maîtrise totale de la chaîne de la valeur. Ainsi, dans le secteur de la distribution automobile, il s’est positionné sur des activités de financement, sur la location longue durée et la distribution de pièces. Il a, pour cela, repris les plateformes de distribution des pièces d’origine du groupe PSA ainsi que les activités des grossistes Flauraud, MGA et Barrault. Il a également développé une véritable approche industrielle de la préparation des véhicules d’occasion en installant à Lyon (Rhône), Ingrandes (Maine-et-Loire) et Lens (Pas-de-Calais) des centres de reconditionnement occupant chacun près de 150 salariés. Sa démarche de diversification en dehors de la distribution automobile est plus récente. Il l’a inscrite dans son plan stratégique Aéro 2025 et elle s’est concrétisée dans un premier temps par une prise de participation dans le distributeur des poids lourds KerTrucks. Implanté sur tout le grand ouest de la France, ce groupe s’était, lui aussi, engagé durant les vingt dernières années dans une démarche de diversification autour de son métier de base. Aujourd’hui, en plus de ses 21 sites revendant des camions Renault Trucks et des bus Iveco, il s’est orienté vers la distribution de remorques routières, dans le négoce et le rechapage de pneumatiques, mais aussi dans la location longue durée et la gestion de flottes ou encore les véhicules frigorifique ainsi que la maintenance hydraulique et électrique. « Nous connaissions déjà la distribution du poids lourds car, dans notre groupe, nous possédions déjà des concessions Daimler Trucks à Niort et à la Rochelle et nous avions pris une participation dans le groupe Bernard, l’important distributeur auto et poids lourds basé à Bourg-en Bresse, relativise Pierre-Yves Delespine. Entre l’automobile et le camion, les approches des clientèles sont très différentes, l’une est B to C, l’autre B to B. En revanche, les deux métiers partagent un ADN commun et des schémas de fonctionnement proches se déclinant dans la vente, la distribution de pièces et les services. Des synergies peuvent être trouvées entre ces différentes activités dans des achats de pièces, de lubrifiants ou dans les charges des services généraux ».

Une activité agricole à contre-cycle
La diversification d’Emil Frey dans la distribution du machinisme agricole est récente. Son acquisition de Bretagri, concessionnaire Case IH en Ille-et-Vilaine date de février 2024 et celle de Gabagri, distribuant Case IH et New Holland en Bretagne et Pays-de-Loire avec Gabillet, Mac et Terrinov, de la fin mai. Ces deux établissements apportent déjà un volume d’activité générant, avec leurs 220 salariés un chiffre d’affaires de 110 millions d’euros. « Notre intérêt est de nous développer sur une nouvelle base de chiffre d’affaires obéissant à des cycles différents de ceux de l’automobile, éclaire Pierre-Yves Delespine. Nous nous sommes facilement retrouvés avec le groupe CNH Industrial autour d’une relation de confiance pour construire un partenariat de long terme sur un secteur géographique où nous pourrions nous développer. » Dans l’intégration de cette nouvelle activité, le groupe veut se placer dans une démarche humble et s’appuyer sur les savoir-faire techniques des équipes en place et leur connaissance de la clientèle. « La distribution de machines agricoles est un secteur assez proche de nos savoir-faire historiques. Nous devons poursuivre le bon travail réalisé par ces entreprises familiales, assurer la continuité et garder une proximité permettant d’apporter une décision rapide à nos clients. En même temps, nous pourrons échanger sur les approches managériales et apporter grâce à des synergies ou des outils plus performants, plus de fluidité dans l’organisation. » Quelle croissance pourrait entrevoir le groupe Emil Frey dans le machinisme agricole ? « L’augmentation de la taille des concessions est nécessaire pour accompagner l’arrivée de nouvelles technologies et le besoin de nouveaux métiers de techniciens spécialistes de l’électronique ou des automatisme. Désormais les structures accomplissant 100 millions d’euros de chiffre d‘affaires deviennent courantes. À présent, nous pouvons envisager des plateformes réalisant 200 millions d’euros. »
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