Gauthier Thévenon, 36 ans, maraîcher [Chambles (Loire)] « Le robot me rend bien service »
« C’est en 2021 que j’ai fait l’acquisition d’un robot Oz, explique Gauthier Thévenon, maraîcher sur une surface totale de 2,5 ha à Chambles, dans la Loire . J’étais allé auparavant en voir fonctionner un chez un confrère, et cela m’a semblé adapté à mes besoins. Je l’utilise principalement pour semer et biner des rangs de carottes en plein champ ou sous serre. Auparavant, avec un tracteur classique, il fallait un chauffeur et un opérateur en plus sur la bineuse pour ajuster la trajectoire. Désormais, en quelques minutes, je programme le circuit, et il se débrouille tout seul. En cas d’incident, le robot s’arrête, et je reçois un message sur mon téléphone. Depuis que je l’ai, il me rend bien des services. »
Entièrement électrique
Ce petit module à quatre roues ne mesure que 47 cm de large pour 1,5 m de longueur et 83 cm de hauteur. Il est construit par le fabricant Naïo Technologies, installé à Toulouse. Son fonctionnement est entièrement électrique avec une batterie affichant environ huit heures d’autonomie. « J’avais un vieux tracteur de 35 ch que je n’utilise pratiquement plus depuis que je suis équipé, ajoute le maraîcher. Le robot Oz est beaucoup moins puissant et n’a pas la même productivité – car il avance seulement à 1 km/h –, mais comme je peux faire autre chose quand il travaille, je gagne du temps. » Le robot se repère par RTK et repasse systématiquement dans les mêmes traces pour le travail du sol, le semis et le binage. « Sur un terrain bien préparé, la précision est d’environ 3 cm. Pour le binage cela convient, ajoute Gauthier Thévenon. La principale limite se situe dans les parcelles en dévers où il est plus difficile de conserver la même trajectoire. Mais, chez moi, tout est à plat, je n’ai donc pas de problème. Je m’en sers aussi pour ouvrir un sillon quand je repique des oignons. Il peut également me suivre en transportant des outils ou des cageots. Ce matériel fait partie de mon organisation, et j’adapte ma manière de travailler au robot, comme autrefois les agriculteurs se sont adaptés au tracteur. »
Gauthier Thévenon a acquis un robot adapté à ses besoins il y a deux ans. Aujourd'hui, celui-ci lui rend bien des services. ( © Naio Technologies)
Didier Pellerin, 59 ans, éleveur [Les Monceaux (Calvados)]
« Il est important de garder le contact avec les animaux » « Le robot a pour but de soulager l’éleveur dans ses travaux et non de le remplacer. Il faut plutôt s’en servir pour simplifier les tâches du quotidien que d’en être dépendant » , estime Didier Pellerin, éleveur de 100 vaches mères et de leur suite. Agriculteur aux Monceaux (Calvados), il exploite également 200 ha de prairies en agriculture biologique. « En élevage, il est important de conserver le contact humain avec nos animaux » , continue-t-il. Didier Pellerin n’est tout de même pas réticent à l'idée d'investir, par exemple, dans un robot repousse-fourrage ou dans une mélangeuse distributrice autonome pour faciliter ses tâches quotidiennes. Cependant, ses bâtiments d’élevage présentent une superficie limitée ou un mauvais agencement pour accueillir ces types de robots. De même, par leur ancienneté, ces infrastructures ne disposent pas d’un sol adapté, non structuré en béton, pour le déplacement de certains robots du marché, et devront donc être rénovées, ce qui peut représenter un investissement important.
Didier Pellerin estime qu’un robot agricole doit soulager l’éleveur dans ses tâches quotidiennes sans que celui-ci n'en devienne dépendant. ( © Didier Pellerin)
Corentin Masson, 29 ans, producteur de légumes bios [Chèvreville (Oise)]
« Le robot de désherbage réduit la charge de travail » « J’envisage d’investir dans la robotique dès que des modèles plus polyvalents, avec un travail sur buttes et entre les plants, verront le jour » , répond d’emblée Corentin Masson, céréalier et producteur de légumes de plein champ sur 260 ha à Chèvreville, dans l’Oise. Ce dernier cultive 15 ha de pommes de terre, 12 ha de carottes et 5 ha d’oignons en agriculture biologique. Son activité légumière représente une lourde charge de travail en matière de désherbage mécanique. « Les robots d’aujourd’hui effectuant ce genre de tâche, comme le FarmDroid, travaillent uniquement en plein champ. Or mes cultures de carottes poussent sur buttes, ce qui me limite dans l’utilisation de ce type d’automate » , ajoute Corentin Masson. L'agriculteur est conscient qu’un robot de désherbage ne sera pas en mesure de remplacer totalement la main-d’œuvre nécessaire. « Je n’ai pas l’impression qu'il y ait actuellement sur le marché des modèles me permettant de travailler entre les plants de mes cultures. Je devrais donc réaliser un passage à la main pour cette tâche. Néanmoins, celui du robot entre les rangs allégerait fortement ma charge de travail » , affirme Corentin Masson. De plus, il estime que le seuil de rentabilité pour l'achat d'un robot s'établit à 15 ha de surfaces travaillées.
Corentin Masson serait prêt à investir dans un robot de désherbage mécanique dès lors que des modèles adaptés aux cultures en butte verront le jour. ( © Corentin Masson)
Gilles Taveau, 67 ans, céréalier [Saint-Mesmes (Seine-et-Marne)]
« Un robot devient rapidement obsolète » « Les robots sont des produits dotés d’une technologie évoluant très rapidement, les rendant vite obsolètes » , telle est la pensée de Gilles Taveau, céréalier sur une surface totale de 175 ha en blé, colza, betteraves et pommes de terre à Saint-Mesmes, en Seine-et-Marne. L’agriculteur étoffe sa réponse en faisant un parallèle avec les propos que lui avait tenus son concessionnaire automobile : « Si vous souhaitez passer à la voiture électrique, il est préférable de la louer. En effet, les progrès technologiques évoluant à très grande vitesse, dans deux à trois ans, l’automobile n’aura quasiment plus de valeur. » Gilles Taveau considère également que, s'il peut réduire la présence humaine au champ, un robot doit néanmoins rester un complément pour l’exploitant. De même, ce dernier se doit d’être bien informé pour réparer les éventuelles pannes des automates ou alors s’assurer la souscription d'une assistance 24 h/24 auprès du constructeur. « En région parisienne, nous connaissons beaucoup de vandalisme. Laisser un automate de grande valeur sans surveillance peut devenir ici risqué… » , termine-t-il.
De l'avis de Gilles Taveau, la technologie des robots évolue très vite, les rendant rapidement obsolètes. ( © U.D.)
Jean-François Vanel, 52 ans, éleveur et céréalier [Cagny (Calvados)]
« Je peux confier certains chantiers à des chauffeurs peu expérimentés » À la tête d’une exploitation dans le Calvados, Jean-François Vanel répartit son temps entre 80 ha de cultures céréalières, 50 ha de prairies, un troupeau de 40 vaches allaitantes et un gîte à la ferme. Il utilise depuis septembre 2021 deux matériels de la marque Kubota équipés de la technologie TIM, un tracteur M7 133 et une presse à balles rondes BV 5160. « Avec la fonction TIM, c’est la presse qui gère le tracteur en adaptant la vitesse et le régime moteur au niveau d’avancement de la botte, explique l’agriculteur. Quand la chambre est pleine, le tracteur s’arrête tout seul, puis le liage, l’ouverture de la porte, l’éjection de la balle et la fermeture s’enclenchent sans intervention de ma part. Je dois uniquement valider le redémarrage. Récemment, j’ai même pu tester un capteur supplémentaire qui guide le tracteur selon la forme de l’andain. L’avantage, c’est que l’on peut confier certains chantiers à des chauffeurs peu expérimentés. Cela demande moins d’attention, c’est donc bénéfique pour la santé et la sécurité, avec, en plus, un gain en performance. Demain, il n’y aura plus besoin de conducteur au volant, j’en suis sûr. Il faudra moins de personnel, et les compétences requises seront sans doute plus simples à trouver. » Jean-François Vanel est prêt à passer le cap et à acheter un tracteur autonome. « Avoir, par exemple, un ensemble qui déchaume tout seul mon champ pendant que je m’occupe des vaches, cela me fera gagner du temps. Même chose avec le tracteur et la presse qui pourraient botteler toute la parcelle en suivant les itinéraires GPS de la moissonneuse. Plus besoin d’être suréquipé pour réussir à tout faire. »
Jean-François Vanel considère que la technologie actuelle est suffisamment aboutie pour envisager une robotisation de certains chantiers. ( © D.L.)
Alexandre Villain, 43 ans, ETA Agri-Précision [Varaize (Charente-Maritime)]
« Un robot pourrait compenser le départ d’un salarié » Dans la Charente-Maritime, l’ETA Agri-Précision d’Alexandre Villain emploie trois salariés et réalise surtout des travaux de A à Z en grandes cultures. Face à sa problématique de main-d’œuvre, le gérant s’interroge sur l’achat d’un tracteur robotisé. « Il est très compliqué de recruter, car nous recherchons des chauffeurs sachant aussi utiliser un guidage, paramétrer des outils, les entretenir ou assurer la traçabilité, explique-t-il. Nos chantiers sont chronophages, avec des actions souvent répétitives. L'un de mes salariés souhaite s’installer sur sa ferme d’ici quelques mois. Plutôt que de le remplacer, j’étudie la possibilité d’investir dans un robot. » Le projet intègre un tracteur autonome avec un déchaumeur, un broyeur et un combiné de semis, le tout en 3 m de largeur. Par ailleurs, l’ETA revendrait deux tracteurs de 300 ch et son matériel de 6 m. « Je conserverais un tracteur intermédiaire et un plateau pour les déplacements, précise l'entrepreneur. Cela suppose une nouvelle organisation, avec une personne qui débute de bonne heure le matin pour installer le chantier, et une autre qui prend le relais l’après-midi. En soirée, le matériel serait mis à tourner dans une grande parcelle pour travailler la nuit en complète autonomie. Techniquement, c’est faisable si la réglementation autorise enfin les robots à évoluer seuls dans les champs. Le dernier point à éclaircir est celui de la rentabilité économique, car, à ce jour, personne ne connaît la valeur de revente de ce matériel dans trois ans et demi, ou sept ans. Mais tôt ou tard, nous y viendrons, c’est sûr. »
D'après Alexandre Villain, un tracteur autonome pourrait lui faire gagner du temps de main-d’œuvre sur son ETA. ( © Alexandre Villain)