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Machinisme de demain, le défi humain !  Séparer les urines pour mieux les valoriser en engrais

Vue du tapis Delta X après passage du racleur : la forme du revêtement entraîne les liquides dans les deux rainures situées à mi-distance de l’axe et du bord du couloir.
Vue du tapis Delta X après passage du racleur : la forme du revêtement entraîne les liquides dans les deux rainures situées à mi-distance de l’axe et du bord du couloir. (©Denis Lehé)
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Par la conception de son revêtement et grâce à des courroies en mouvement dans deux rainures, le Delta X de Bioret permet d’évacuer en continu les urines des laitières en les séparant des bouses. L’objectif ? Préserver les pattes des animaux, baisser le taux d’ammoniac dans l’air et valoriser cet effluent. Visite de l’installation en test sur une ferme de Loire-Atlantique.

David Forget est, avec son épouse, cogérant de la SCEA du Buisson, à Abbaretz (Loire-Atlantique), au nord de Nantes. L’exploitation est située à proximité du siège de la société Bioret, fabricant spécialisé dans les équipements d’élevage. Ce constructeur sollicite régulièrement l’éleveur pour tester de nouveaux produits, comme le tapis Delta X, un concept innovant pour séparer les urines et les bouses des vaches laitières. La firme l’a installé dans l’un des deux couloirs de la stabulation en début d’année 2022.

Des symptômes de boiterie très rares

La surface antidérapante du tapis Delta X est formée par des points d’accroche en forme de losange. Vu en coupe transversale, ce tapis a un profil en « W » avec des pentes à 3 % qui convergent vers deux rainures situées de part et d’autre de l’axe du racleur. Ces découpes dans le béton mesurent 6 cm de large pour une profondeur de 7 cm. Elles ont été réalisées par une entreprise spécialisée dans ce domaine. Bioret a placé dans chaque rainure des profils en PVC pour guider une longue courroie plate en caoutchouc armé. En surface, la largeur de la rainure est alors réduite à 3,5 cm – ce qui est inférieur à celle des fentes de caillebotis béton, par exemple – et ne perturbe pas les vaches.

La courroie circule en boucle dans le profilé encastré dans une rainure. La partie haute entraîne les bouses solides vers la fosse, la partie basse fait remonter les urines à l’autre extrémité du hangar. ( © Bioret)

Cette installation n'affecte pas le fonctionnement du racleur. Des bavettes ont été installées pour l’adapter au relief du tapis. La courroie est reliée à chaque extrémité à des poulies et des tendeurs. Son entraînement est assuré par deux moteurs électriques. Quand la poulie est en action, la partie haute de la courroie avance dans le même sens que le racleur et emporte une partie des bouses jusqu’à la fosse située au bout du couloir. En parallèle, mais dans l’autre sens, la partie basse de la courroie glisse dans le fond du profilé. Elle recueille ainsi les liquides qui s’écoulent par gravité dans le bas de la rainure et les fait remonter à l’autre extrémité du couloir. L’urine est ainsi renvoyée jusqu’à un puisard placé juste après le point de départ du racleur.

L’installation est située au bout du racleur, dans la partie haute du couloir. Deux puisards récupèrent les urines collectées par des courroies en rotation continue. ( © Denis Lehé)

« Avec ce principe de courroie, l’urine remonte une pente à 1,5 % sur toute la longueur du bâtiment, explique l’éleveur. Le liquide est pompé et stocké dans des cuves. Pour un couloir, il faut créer deux rainures supplémentaires, mais ces dernières sont moins larges que celles du racleur. Cela ne perturbe pas les vaches. La surface du tapis est bien conçue, car l’humidité s’évacue très rapidement vers les rainures. En termes de confort pour les animaux, le Delta X me paraît équivalent au tapis Magellan, posé dans le couloir d’alimentation. Les vaches passent tout leur temps dans le bâtiment, et les symptômes de boiterie sont très rares. »

Baisse de 70 % de la volatilisation de NH3

Les courroies sont actionnées en continu. Ainsi, les urines ne stagnent ni sur le tapis, ni dans le fond de la rainure. En plus de protéger les sabots des vaches, cela contribue à une meilleure ambiance. Le constructeur estime que la volatilisation d’ammoniac (NH3) dans l’air est fortement réduite, avec une concentration dans le bâtiment qui baisse de 70 %. Autre avantage, l’azote peut ensuite être valorisé sous la forme d’un fertilisant produit sur l’exploitation. C’est le second volet de cette innovation, développée par Bioret sous le nom de « Ferti’Soluce » (lire notre encadré ci-dessous). Le constructeur souhaite qu’à terme l’épandage de cet engrais de ferme sur les cultures amortisse le prix de l’installation, tout en offrant un plus pour le bien-être animal et l’environnement.

Les urines sont stockées dans des cuves. Il reste désormais à valider le principe de filtration pour exploiter cet effluent comme engrais pour les cultures. ( © Denis Lehé)

Dans sa communication, Bioret table en effet sur une amélioration du bilan carbone de l’exploitation à hauteur de 4 t de CO2 par vache et par an. Un résultat obtenu notamment en réduisant les achats d’engrais de synthèse, dont la production et le transport sont coûteux en énergies fossiles. « Pour le moment, nous n’avons pas encore pu tester la fertilisation dans nos champs avec ce produit, reconnaît David Forget. Il faudra juger de l’intérêt de cette innovation dans sa globalité. Le constructeur a déjà apporté quelques modifications pour fiabiliser le dispositif de séparation des urines. L’expérience doit nous permettre de chiffrer avec précision le coût de fonctionnement des moteurs qui entraînent les courroies et les charges d’entretien global du système. »

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