Nous avons pris en main le Claas Arion 530 équipé de la variation continue Cmatic de fabrication maison sur ma petite ferme familiale, dans les coteaux du Gers, pour mettre ce quatre-cylindres de 145 ch à l’épreuve de la traction.
Un tracteur à quatre cylindres peut-il s’attaquer de front aux parcelles présentant de forts dévers ? Le débat fait rage sur certaines petites et moyennes exploitations qui ne souhaitent pas investir dans des tracteurs équipés de moteurs à six cylindres désormais disponibles, pour certaines marques, uniquement au-delà de 180 ch. Pour mettre un terme à ces discussions, j’ai proposé à Claas de nous mettre à disposition l’un de ses tracteurs de la gamme Arion à petit châssis. Notre modèle d’essai, un Arion 530, se dote d’un bloc-moteur à quatre cylindres Deere PowerTech PSS de 4,5 L de cylindrée fournissant 145 ch à son régime maximal sur le papier. Il est également pourvu de la variation continue Cmatic, conçue et produite par le tractoriste dans son usine de Paderborn, en Allemagne, une boîte qui équipe les modèles des séries Arion 500 et Arion 600. Les transmissions à variation continue pouvant être parfois pointées du doigt pour leur perte de rendement sur certaines plages de fonctionnement, cet essai nous offre l’occasion de vérifier leur efficacité dans les coteaux. Au menu : déchaumage et transport de céréales dans des conditions mettant à rude épreuve la mécanique.
Le Claas Arion 530 Cmatic n’est pas des plus légers : il affiche 7,6 t au pont-bascule des Silos de Goujon, le négoce du village, avec toutes les jauges de carburant à leur maximum. En revanche, il surprend par sa répartition des masses proche du 50/50, avec 47 % sur l’essieu avant et 53 % sur l’essieu arrière après nos pesées. Ceci s’explique, entre autres, par l’assemblage du relevage avant avec suspension, sur un châssis boulonné aux longerons, faisant office de renfort. Globalement, la structure du tracteur en impose visuellement, donnant une impression de robustesse. Cette configuration le rend particulièrement adapté aux travaux lourds à l’arrière. Il ne sera pas forcément nécessaire de l’équiper d’une masse frontale importante. Toutefois, par précaution, je commence la journée avec une masse de 900 kg sur le relevage avant. J’attelle ensuite le déchaumeur Cenio Super de 3 m d’envergure prêté par Amazone, via son concessionnaire local Montaut et Fils. L’empattement court et le rayon de braquage de ce tracteur compact font de lui un allié de choix pour circuler dans mon petit corps de ferme ou pour aller chercher des outils dans des bâtiments exigus.
Mission du jour ? Reprise d’un labour effectué au début de l’automne dernier. L’outil de 2,5 t, équipé d’un rouleau U, travaillera entre 20 et 25 cm de profondeur pour casser la semelle de labour dans une terre argilo-limoneuse. Le porte-à-faux impressionnant ne dérange pas le tracteur du fait de la répartition avant-arrière qu’il affiche grâce à la masse frontale sur son relevage avant. La technologie Cemos, après de rapides indications sur les conditions et la configuration de l’outil, nous conseille le lestage idéal et la pression pneumatique adéquate. Après de brefs réglages, nous voilà prêts à faire face à la colline. J’enclenche le pont avant automatique et sa suspension. À l’aide des boutons en bout d’accoudoir, je sélectionne, parmi les trois plages de vitesse de fonctionnement de la Cmatic, celle qui est le plus adaptée aux travaux lourds. Je la règle de 0 à 10 km/h et indique une vitesse cible de 8 km/h. Une fois le relevage baissé, l’outil se plante, et nous affrontons directement le dévers, de face, sans élan. Je pousse le joystick de pilotage Cmotion vers l’avant, déclenchant ainsi l’avancement de l’Arion 530. Une pression sur un bouton à l’aide du pouce/index, et le tracteur cherche alors à atteindre sa vitesse cible. Il escalade sans trop de mal la parcelle. Il atteindra, à 30 % de pente, 6 km/h avec le contrôle d’effort réglé au quart, ce qui est pleinement satisfaisant. En fourrières, l’enregistrement des manœuvres de bout de champ se fait rapidement. En marche arrière, les non-initiés peuvent être perturbés par le fait de devoir pousser le joystick vers l’avant pour augmenter l’allure. Il en résulte parfois des situations dangereuses à la prise en main, surtout sur les parcelles près de ravins. L’outil levé et le rouleau pourtant rempli de terre à cause des conditions humides lors de notre essai ne perturbent pas l’adhérence du tracteur. Signe pour moi de passer à des masses plus petites, de 600 kg. Là encore, le tracteur remplit pleinement son office. La plupart des paramètres se définissent depuis le terminal tactile Cebis du tracteur positionné en bout d’accoudoir. Cependant, les chauffeurs les moins à l’aise avec l’informatique peuvent tout de même prendre en main l’engin grâce aux commandes des principaux réglages sur le montant arrière droit de la cabine. Cette cabine à quatre montants est d’ailleurs particulièrement adaptée à la surveillance de l’outil grâce à des cadres arrière bien avancés et à une vitre bombée de grand format. La vue sur l’attelage s’avère ainsi parfaitement dégagée, même avec des outils plus larges comme les herses étrilles.
Après avoir terminé le déchaumage de la parcelle, je retourne à la ferme pour atteler une remorque prêtée par Gourdon, une G180 à deux essieux affichant une charge utile de 18 t. L’attelage et la circulation dans notre espace de stockage à la ferme, très exigu, sont néanmoins facilités par le gabarit compact du tracteur. Je remplis la benne au maximum, avec de l’orge, pour un chargement du contenant de 14 t. En montant dans la cabine pour partir en direction du point de livraison, j’actionne par inadvertance, en glissant, le monolevier électrique pilotant les distributeurs assignés à la commande d’ouverture de la porte de la remorque. Fort heureusement, l’Arion verrouille les commandes des distributeurs et de relevage après chaque extinction du tracteur. Les manœuvres de déverrouillage, au démarrage, paraissent tout de suite beaucoup moins contraignantes lorsque ce genre d’erreur arrive ! Avant de me lancer sur la route, je sélectionne la plage d’utilisation la plus large de la variation continue puis la paramètre de 0 à 50 km/h. Je préfère l’utilisation de la Cmatic en mode pédale, car celle-ci s’avère plus confortable et précise, selon moi. Cependant, seule l’utilisation du Cmotion, en le tirant vers l’arrière, permet de bénéficier du frein moteur et de la transmission. Heureusement, le passage d’un mode à l’autre ne requiert aucune manipulation. Je peux donc accélérer à la pédale et ralentir avec le joystick. Sur la route, malgré la charge, le tracteur se déplace en sécurité. Il filera, pied au plancher, sans élan, à une vitesse de 10 km/h sur les pics à 31 % d’une route pentue. Une vitesse plutôt honorable au regard du chargement. Le freinage jusqu’à l’arrêt de l’ensemble reste souple et ferme, même en situation d’urgence.
Sur la route semée de nids-de-poule et autres imperfections, la cabine suspendue sur quatre points – spécialité du constructeur – associée au pont avant suspendu offre une conduite confortable. Le chauffeur peut affronter la route sans à-coups. En revanche, une sensation de ballottement peut être ressentie par rapport à une suspension de cabine hydraulique réglable avec plus de fermeté. Concernant la transmission, cette variation continue utilise quatre rapports. Si ceux-ci se gèrent automatiquement, il m’est arrivé de percevoir leur passage, en particulier sur les enchaînements de faux plats. La sensation peut paraître étrange. À l’heure du bilan, l’Arion 530 Cmatic prouve qu’il a les épaules pour assumer les travaux de traction les plus difficiles malgré un empattement court, tout en se montrant à l’aise dans les environnements exigus ou les demi-tours serrés en bout de champ. Ma grand-mère, agricultrice ayant gravi ces coteaux pendant cinquante ans au volant de nombreux tracteurs, a suivi chaque étape de cet essai avec un regard avisé. Fidèle d’entre les fidèles aux six-cylindres, elle est pourtant restée bouche bée face aux performances de l’engin.