Selon le Cema, l’union européenne des constructeurs de machines agricoles, le nombre de tracteurs immatriculés en Europe en 2022 aurait sans doute été plus important si les chaînes d’approvisionnement mondiales n’avaient pas été perturbées. En cause : les répercussions de la pandémie de Covid-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ces gênes ont entraîné des goulots d’étranglement dans la fourniture de matières premières et de composants à destination des fabricants. Ainsi qu’une hausse des prix. Par conséquent, les délais de livraison ont été allongés.
Néanmoins, l’année 2022 est celle qui enregistre le plus d’immatriculations de tracteurs depuis 2017 (à l’exception de 2021). Pour chaque trimestre, les enregistrements ont été proches ou supérieurs à la moyenne des trois années précédentes.

Évolution moyenne des immatriculations de tracteurs entre 2016 et 2022. ©Systematics International
À noter, les chiffres couvrent la plupart des marchés de l’UE et certains pays non-membres.
En ce qui concerne 2023, il devrait s’agir une bonne année. Les carnets de commandes se retrouvent déjà bien remplis. Malheureusement, les délais d’attente sont déjà longs : en moyenne six mois, contre deux à trois pour la période pré-pandémie. Il est possible que les difficultés d’approvisionnement se répercutent encore cette année.
Une demande maintenue
Malgré les difficultés rencontrées par les chaînes d’approvisionnement en 2022, la demande de tracteurs et d’autres machines agricoles en Europe demeure soutenue. Cela s’explique par des prix élevés des produits agricoles pendant l’année, conséquence de la vague de chaleur et des conditions sèches survenues tout l’été.

Les tracteurs de grande puissance privilégiés
La baisse des immatriculations entre 2021 et 2022 a touché de manière inégale les catégories de tracteurs. Les machines de moins de 97 kW (130 ch) ont diminué de 15,2 % par rapport à l’année précédente.
En revanche, pour les tracteurs agricoles plus puissants, le total annuel était supérieur de 3,7 %. Ces machines de plus grande taille représentaient 39 % des immatriculations européennes en 2022, contre 35 % en 2021.

Comparaison des immatriculations de tracteurs selon leur puissance entre 2021 et 2022. ©Systematics International
Le Cema note avec malice, dans son communiqué, que « compte tenu des difficultés liées aux chaînes d'approvisionnement mentionnées ci-dessus, les changements signalés pour les différentes tranches de puissance pourraient ne pas refléter avec précision la demande pour les divers types ». En d’autres termes, les constructeurs auraient-ils privilégié les livraisons de leurs modèles les plus coûteux ?
Des différences importantes entre pays
En 2022, les immatriculations de tracteurs agricoles ont diminué dans chacun des sept plus grands marchés européens. Ainsi, la France et l’Allemagne, qui représentent à elles deux 40% de l’ensemble des tracteurs en Europe, affichent des baisses respectives de 1 % et de 11,9 %. Quant à l'Italie, la Pologne et l'Espagne, qui avaient connu des immatriculations très élevées en 2021, elles se replient fortement (Italie -17.1%, Pologne -17%, Espagne -14,5%).

En Allemagne, le résultat reste tout de même remarquable, les grands tracteurs (plus de 150 ch) ayant augmenté de 2,9 %. Comme les années précédentes, les segments de marché des modèles plus petits ont reculé (-31,9 % pour ceux de moins de 50 ch).
En France, les immatriculations de tracteurs neufs se sont stabilisées en 2022, par rapport à 2021 (35 577 unités) malgré des difficultés de livraison. Cette bonne performance est principalement due à la hausse des immatriculations de modèles standards (+2%) et de tracteurs enjambeurs (+47%). En revanche, les immatriculations côté espaces verts et vignes et vergers ont baissé, respectivement de 8 % et 14 %.
En Italie, une inversion des tendances a été observée entre 2021 et 2022 pour toutes les principales catégories de véhicules. En effet, la baisse des ventes concerne surtout les machines de moyenne et moyenne-haute puissance, en particulier le segment des 56 à 75 kW qui a chuté de 43,7 % par rapport à 2022. Les tracteurs étroits ont diminué davantage que les standards, mais l'augmentation de l'année précédente était plus élevée pour les seconds (40 %) que pour les premiers (34 %). Des baisses ont également été enregistrées pour les moissonneuses-batteuses (-9,7 %) et les télescopiques (-21,2%). La contraction du marché peut être considérée en partie comme une baisse « technique » après la tendance extraordinaire observée en 2021.
En Espagne, la tendance positive des prix des récoltes et de la production animale a permis d’éviter une catastrophe en matière de revenus agricoles après une sécheresse qui a touché presque toutes les régions et toutes les cultures. Néanmoins, la hausse des prix des engrais et de l’énergie a entraîné une baisse des investissements des agriculteurs. En 2022, d’autres facteurs ont également affecté la demande de tracteurs, tels que leur disponibilité et l’augmentation de leurs prix.
En Pologne, l’année s'est achevée sur un résultat inférieur de 17 % à celui de l’année précédente. Il faut cependant rappeler que l’année 2021, malgré la pandémie, a été relativement bonne pour l'industrie. Plus de 14 000 tracteurs ont été immatriculés au total. La dernière fois qu’un résultat comparable a été enregistré, c'était en 2014. Le niveau d'immatriculation de 2022, qui est de 11 727 tracteurs agricoles, reste donc un assez bon résultat. La crise qui touche le pays frappe aussi à la porte de l’industrie des machines et équipements agricoles. Les entrepreneurs enregistrent un nombre beaucoup plus faible de commandes pour les périodes suivantes.
À l’inverse, certains pays, principalement en Europe de l'Est et en Scandinavie, ont enregistré davantage d’immatriculations d’engins agricoles (chariots télescopiques et véhicules tout-terrain compris) que l’année précédente. La Norvège (+6 %), la Serbie et le Monténégro (+30,9 %), la Hongrie (+42,1 %) et l’Estonie (+11.4 %) sont dans ce cas.