Le secteur de l’agroéquipement génère chaque année 40 milliards d’euros (Md€) de chiffre d’affaires dans l’Union européenne et emploie 150 000 personnes. Un secteur qui pèse donc de manière importante dans le milieu agricole. Celui-ci fait face à de nombreux défis, comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). En effet, l’agricole représente 10 % des émissions totales dans l’Union européenne. Et 1 % supplémentaire est directement lié à l’utilisation de combustibles fossiles par les machines.
Rien qu’en France, le domaine agricole devra réduire de 13 mégatonnes d’équivalent CO2 ses émissions d’ici 2030, d’après le secrétariat général à la planification écologique.
Le point de vue de la CEMA
Pour décarboner rapidement et efficacement son secteur, l’association de l’industrie agricole européenne (CEMA) a publié à l’automne un rapport sur les diverses alternatives aux énergies fossiles, intitulé « Carburants renouvelables et à faible teneur en carbone pour les machines européennes intelligentes face au climat : l’agriculture circulaire en action ».
Son postulat de départ ?
« L’agriculture ne pourra devenir durable que lorsqu’elle aura surmonté sa dépendance majeure à l’égard des combustibles fossiles ».
Pour y arriver, elle préconise une « combinaison de diverses énergies » en l’absence d’une « solution de substitution universelle ».
En effet, si l’électrification des véhicules est souvent mise en avant comme une solution durable pour la mobilité douce, « elle ne constitue pas une alternative pratique aux moteurs à combustion » pour les engins agricoles de moyenne et grande taille à forte puissance.
Dès lors quelles solutions ? Pour la Cema, elles se trouvent dans un large panel de carburants dit renouvelables, utilisables purs ou mélangés.
Les combustibles issus de la biomasse
En 2021, la part des énergies renouvelables était de 22,2 % en Europe.
La bioénergie (biomasse pour l'énergie) reste la principale source d'énergie renouvelable dans l'UE en termes de consommation finale brute.
Les combustibles issus de la biomasse représentent ainsi 59 % de l’ensemble des énergies renouvelables et 10 % du mix énergétique global.
Leur utilisation est principalement dédiée au secteur du chauffage et du refroidissement (75 %). Celle en carburant se limite à 12 %.
Les alternatives possibles pour la CEMA en l’état actuel des choses concernent donc les carburants issus de la biomasse.
Ils peuvent être :
Liquides
Diesel HVO (huile végétale hydrotraitée) :
c’est un biocarburant produit à partir d'huile végétale, de graisse animale ou d'huile de cuisson usagée dont les propriétés sont très proches du diesel conventionnel et compatibles avec beaucoup de moteurs actuels. C’est l’une des solutions souvent privilégiées par les constructeurs.
Biodiesel
Encore appelé diesel EMAG (pour ester méthylique d’acide gras), c'est un carburant qui utilise les constituants des corps gras présents dans les huiles végétales comme combustible. Ces huiles (majoritairement du colza en Europe) sont traitées pour fournir des esters méthyliques d’huile végétales (EMHV) dont les caractéristiques à la combustion sont proches du fuel. Ces esters sont incorporés à hauteur de 5 % à 30 % au fuel pour leur utilisation dans les moteurs diesel. On parle de B10, B20, B30… B100 en fonction du pourcentage d’incorporation de biocarburant.
Le plus connu, c’est le B7 compatible avec les derniers moteurs Stage V.
L’UE est d’ailleurs le leader mondial de sa production avec 13 millions de tonnes produites par an, l’huile utilisée étant majoritairement du colza.
En 2020, la production européenne de diesel HVO et de biodiesel atteignait ainsi les 15,334 millions de litres.
Huiles végétales :
Huiles produites à partir de plantes oléagineuses directement dans les exploitations agricoles ou dans des raffineries régionales. Elles peuvent être utilisées dans les moteurs diesel mais leur durabilité et leur qualité, et donc leur conformité aux normes et aux limites d'émissions d'échappement, sont difficiles à évaluer pour la CEMA.
Gazeux
Biométhane :
Carburant produit sous forme de biogaz, ensuite transformé en biométhane grâce à la méthanisation. La conception d'un moteur spécifique est nécessaire mais la technologie est facilement disponible. Le biométhane peut être utilisé directement comme gaz (GNC) ou être liquéfié (GNL).
Le GNL offre un stockage d'énergie volumétrique 2,5 fois supérieur à celui du GNC, permettant des intervalles de ravitaillement comparables à ceux des carburants liquides.
Le GNL doit être stocké à basse température pour maintenir le méthane à l'état liquide. En effet, la chaleur affecte lentement les réservoirs de stockage, provoquant l'évaporation du GNL stocké et la production de méthane résiduel qui doit être traité soit par filtre à charbon actif.
Biocarburants, une solution viable ?
Beaucoup de ces solutions demandent une production supplémentaire de biomasse. En France, d’après le ministère de la transition écologique, la superficie de terres agricoles consacrée aux combustibles est estimée à 3 %.
En Europe, une étude menée par l’institut de recherche allemand sur l’énergie et l’environnement (IFEU) a montré que la part de surface de terres fertiles cultivées pour les biocarburants est de 9,64 millions d’hectares (sans tenir compte des coproduits), soit environ 8 fois la taille de l’Île-de-France.
En raison du Green Deal, il est probable que cette surface augmente, l’Union européenne préconisant dans le cadre de l’initiative RePowerEU de passer d’une production de biométhane actuelle de 3 milliards à environ 35 milliards de m3 en 2035.
Cette décision pose nécessairement des questions concernant la part de terres agricoles dédiées directement à l’alimentation du bétail et des humains et celle utilisée pour produire de l’énergie.
La Cema souhaiterait qu’une décision politique forte soit prise pour encourager la mise en place de biocarburants « durables », comme la taxation de chaque carburant en fonction de sa contribution climatique.
Et l’hydrogène « vert » ?
Comme l’électricité, l’hydrogène (H2) est principalement un vecteur énergétique et ne constitue pas une énergie en tant que telle. Il est produit au moyen d’une réaction chimique à partir d’une ressource primaire. Actuellement, l’hydrogène est issu à 95 % de la transformation d’énergies fossiles pour la production de gaz naturel (source : IFPEN).
Dans le cas de l’hydrogène dit « vert », sa production est issue de l’électrolyse de l’eau à partir d’un courant électrique généré par de l’énergie renouvelable (solaire ou éolienne principalement). Il peut être stocké sous forme liquide ou gazeuse (comme le gaz naturel comprimé) pour ensuite être utilisé dans des moteurs à combustion.
Le problème ?
« Son stockage et la capacité de stockage nécessaire », explique la CEMA.
En raison de ses propriétés physico-chimiques, l’hydrogène a besoin d’être transformé pour être stocké dans un volume utilisable. Il nécessite aussi une production d’énergie renouvelable conséquente. Une piste possible pourrait être l’électricité issue de l’éolien offshore.