La première question que j’ai posée à Emmanuel Lévêque lors de notre entrevue portait sur le succès de l’AmaSpot, au catalogue d’Amazone depuis plusieurs années. Ce système détecte et déclenche la pulvérisation ciblée d’une adventice dans les parcelles après la récolte et avant le semis. « Cette technologie rencontre un grand succès en Australie et en Amérique du Nord. Les agriculteurs de ces régions du monde, souvent en semis direct, bénéficient en effet de très grandes surfaces pour obtenir un réel retour sur investissement avec ce genre de produit, explique Emmanuel Lévêque. En France, et plus généralement en Europe, ce système “vert sur marron” a bien moins de succès, car les surfaces ne permettent tout simplement pas d’amortir le surcoût. » La pulvérisation ciblée capable de traiter avant mais surtout après le semis, en « vert sur vert », semble donc la solution prioritairement envisageable dans les fermes de France. Celle-ci ne devrait pas pour autant coûter beaucoup plus cher que la technologie « vert sur marron ».
Efficace sur les cultures en rang
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la pulvérisation ciblée sur cultures levées se montre plus utile et efficace sur celles qui présentent un interrang large. Ainsi, le maïs, les betteraves, le tournesol et le colza en profiteront en priorité, car ils sont plus sensibles à la compétition entre le semis et la récolte. « Lors de nos tests, nous arrivons à traiter sur un interrang de 35 cm à 12 km/h », confie Emmanuel Lévêque.
Cibler ne veut pas dire déraisonner
Au cours de la recherche et du développement, Amazone s’appuie sur l’expertise de BASF via la joint-venture One Smart Spray, avec Xarvio pour le moteur de décision agronomique et Bosch pour l’algorithme de détection. Ce partage de connaissances permet la naissance d’une intelligence artificielle capable non seulement d’identifier une adventice (espèce), mais aussi de déterminer l’impact présent et futur de sa présence. Ainsi, l’algorithme peut choisir de déclencher ou non la pulvérisation. « Avec notre solution, le chauffeur peut influencer la prise de décision en sélectionnant l’un des trois modes de fonctionnement : “Total”, pour traiter toutes les adventices détectées, “Eco”, pour ne cibler que les zones à risque très important, et “Balanced”, qui se présente comme un choix intermédiaire », explique le chef de produit.
Économies variables
Après analyse des nombreux essais, Emmanuel Lévêque observe une variation importante des économies d’intrants réalisées par l’utilisation de la pulvérisation ciblée. « Si les économies montent jusqu’à 70 % dans certaines parcelles lors de nos essais, on constate surtout qu’elles varient en fonction du nombre d’adventices dans le champ, de leur répartition et des conditions d’application. Le fait d’utiliser, en association avec la pulvérisation ciblée, un espacement de buses à 25 cm au lieu de 50 cm constitue un levier supplémentaire d’économies important », précise Emmanuel Lévêque.
Deux produits en un passage
L’utilisation de la pulvérisation ciblée a levé une problématique. Cette technologie est adaptée uniquement aux traitements foliaires. Il n’est donc pas possible de mélanger les produits ciblant la racine dans la bouillie pour effectuer un traitement préventif. Ainsi, un second passage du pulvérisateur devient nécessaire, multipliant les coûts d’utilisation et les charges salariales. L’économie obtenue lors d’une pulvérisation ciblée peut ainsi être engloutie. « Pour y remédier, Amazone prévoit de configurer ses pulvérisateurs avec deux cuves et deux lignes de porte-jets afin de réaliser deux traitements en un seul passage, indique le responsable de produit. Ces lignes prendront place sur la même rampe. La première sera reliée à une cuve frontale plus petite, dédiée à la pulvérisation ciblée. La seconde sera associée à une cuve plus grande, pour effectuer un traitement en “plein”. Les cuves se vident, en général, à la même allure. »