Viticulture UV Boosting : une cure d’UV pour renforcer les défenses naturelles des vignes
Des études ont montré qu’en exposant certaines cultures à des rayons UV, les plantes devenaient moins sensibles aux maladies. La société UV Boosting a ainsi créé un équipement spécifique déjà en service en viticulture, via des entreprises comme WM Presta, en Champagne.
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Si la luminothérapie peut avoir des bienfaits sur la santé et le moral des humains, pourquoi la technique ne serait-elle pas également bénéfique aux végétaux ? Dans les années 2010, des travaux de recherche menés à l’université d’Avignon démontraient que l’exposition de plantes à des rayons UV de type C renforçait leur résistance aux maladies. Ce flashage stimulait en effet la physiologie des végétaux et renforçait leurs défenses naturelles. Partant de ce constat, des chercheurs ont décidé en 2016 de créer la société UV Boosting afin de proposer des équipements de stimulation adaptés à différentes cultures. La start-up a ainsi conçu des panneaux lumineux, à placer sur un automoteur ou un véhicule tracté pour exposer les plantes à un rayonnement UV suffisamment intense pour être efficace.
Les premiers exemplaires ont été commercialisés à partir de 2020 en ciblant notamment la vigne. L’entreprise de travaux agricoles WM Presta, située à Pierry (Marne), a investi dès 2021 dans une rampe montée sur enjambeur. « Les passages commencent généralement dès le stade deux feuilles et se poursuivent jusqu’en juillet selon la pression des maladies, explique Maxime Mainguet, cogérant de WM Presta. Nos clients recherchent des solutions pour réduire la quantité de produits phytosanitaires utilisés et, avec elles, leur IFT [indicateur de fréquence de traitements phytopharmaceutiques, ndlr]. En trois ans, grâce au matériel UV Boosting, nous avons constaté des effets très positifs, pour les parcelles en bio comme pour celles en production conventionnelle. »
Installation sur un enjambeur électrique
L’entreprise champenoise développe depuis plusieurs années une stratégie très orientée vers la viticulture durable. Elle possède actuellement une flotte de quatre enjambeurs électriques de marque Kremer Énergie. Et c’est sur l’un d’entre eux que la rampe de six panneaux UV a été installée. À chaque passage, la machine traite trois rangs. Les supports sont montés sur vérins pour ajuster l’écartement entre les éléments, comme sur une effeuilleuse.
L’alimentation électrique des panneaux est assurée par un groupe électrogène placé sur la plateforme arrière du tracteur. « A priori, on n’imagine pas que, sur un enjambeur fonctionnant sur batteries, il soit utile de prévoir un groupe électrogène diesel pour alimenter un équipement électrique, reconnaît Joffrey Collemiche, salarié chez WM Presta. Pourtant, cette solution est apparue comme la plus intéressante et la plus efficace, aussi bien du point de vue économique qu’au niveau des émissions de carbone. » En effet, pour des questions d’incompatibilité entre courant alternatif et courant continu, il était impossible de faire fonctionner directement les panneaux UV avec les batteries de l’enjambeur Kremer. Pour ne pas se lancer dans un montage complexe, pouvant en plus réduire l’autonomie du tracteur, disposer d’une autre source d’énergie devenait alors indispensable. D’où l’idée d’installer ce générateur.
Comparé à un tracteur thermique classique qui nécessite de 15 à 20 L de GNR par hectare, le groupe électrogène se montre moins gourmand en consommant seulement de 3 à 4 L/ha. Le coût de la recharge électrique pour les batteries de l’enjambeur est quant à lui estimé entre 1,20 et 1,80 €/ha, ce qui s'avère bien inférieur au coût du carburant d’un modèle thermique standard.
De 3 à 4 ha par jour
Ces panneaux sont assemblés en France, à Saint-Nom-la-Bretèche, dans les Yvelines. Le constructeur annonce avoir déjà équipé une cinquantaine de machines. Les principales applications concernent la vigne, avec des équipements pour enjambeurs allant de 1 à 4 rangs, ainsi que des modèles pour tracteurs étroits en 1 ou 2 rangs. UV Boosting propose aussi du matériel pour les fraisiers, les vergers et le gazon des terrains de golf. L’enjambeur de WM Presta affiche un débit de chantier de 3 à 4 ha par jour.
L’entreprise possède huit établissements au total et intervient avec cet enjambeur sur une grande partie du vignoble de la Marne. Les tournées sont donc organisées pour optimiser les déplacements. Entre chaque site, WM Presta utilise un camion porte-engin. Selon les années, le flashage par UV est répété de trois à quatre fois sur chaque parcelle entre avril et juillet. « Il ne s’agit pas d’un traitement curatif, souligne Maxime Mainguet, mais bien d’une méthode préventive pour contrer ou retarder le développement des maladies. Selon les conditions météorologiques, la pression fongique est très différente d’une année sur l’autre. Quand le risque est élevé, le recours aux traitements chimiques reste la meilleure protection, mais les parcelles qui ont également été exposées aux UV s’en sortent généralement toujours un peu mieux. »
Risques de brûlures
L’application ne requiert pas de conditions météorologiques particulières, si bien que le chauffeur peut travailler sous la pluie ou en présence de vent. Pour les humains, il existe en revanche un réel risque de brûlure en cas d’exposition directe au rayonnement des panneaux. Sur l’enjambeur de WM Presta, le chauffeur est protégé par le pare-brise qui filtre suffisamment les UV émis. Sans cet équipement, le constructeur recommande le port de protections spécifiques. De son côté, l’entreprise a créé des panneaux d'avertissement que l’opérateur place sur le pourtour de la parcelle pour délimiter un périmètre de sécurité et dissuader les curieux de s’approcher pendant l’intervention. Après le passage de la machine, il n’y a aucun délai de retour. Le personnel peut donc revenir immédiatement pour travailler sur les vignes.
L’intérêt de cette technique face à l’oïdium et au mildiou est désormais démontré. Mais la méthode présente d’autres atouts, notamment lors d'accidents climatiques. Des essais indépendants, menés ces deux derniers printemps, ont notamment démontré que le flashage par UVC des vignes 48 heures avant un gel annoncé à –2 °C réduisait de 20 à 50 % les dégâts sur les bourgeons. Selon d’autres tests plus récents, il semblerait aussi que les parcelles soient plus résistantes à la sécheresse. Des protocoles d’essai doivent être menés pour mesurer le gain permis par les UV sur le manque d’eau. De son côté, Maxime Mainguet se veut optimiste. « Nous ne connaissons pas encore tous les bienfaits de cette méthode sur les plantes, estime-t-il. Sur des parcelles où notre enjambeur passe régulièrement depuis trois ans, nous avons fait l’impasse sur quelques rangs témoins. En mesurant le rendement en différents points du champ, il apparaît que les zones non traitées aux UV présentent un déficit de rendement de l’ordre de 10 à 15 %. Cela reste une observation non scientifique, qu’il faudra confirmer par des essais plus rigoureux. Mais c’est évidemment prometteur. »
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