En 1990, la SCEA des Cours, située dans la Haute-Marne, à Marbéville, arrête le labour et adopte les techniques culturales simplifiées. « Nous avons des potentiels de rendement limités et des débouchés restreints. De ce fait, nous souhaitions limiter nos charges de mécanisation en arrêtant le labour. La préservation des sols et la forte présence de cailloux entraient également en jeu », explique Thomas Courageot, l'un des associés de la SCEA. Les graines de mauvaises herbes n’étant plus enfouies, les stocks semenciers d’adventices n’ont cessé de croître au fil des années. « Nous souffrions également de problèmes de résistance, notamment vis-à-vis des ray-grass que nous ne parvenions plus à détruire avec la chimie. Nous cherchions ainsi à supprimer ou à exporter nos graines d’adventices, mais sans labourer », ajoute-t-il.
C’est en 2009 que Thomas Courageot et son père découvrent le procédé du Français Thiérart. À l'occasion d'un salon où ce dernier expose, les agriculteurs franchissent le pas et décident d’exporter et de récupérer les menues-pailles de leurs champs afin d’enlever, dans le même temps, les graines d’adventices. Pour cela, ils les récupèrent à la moisson via un caisson placé sur la moissonneuse-batteuse. « Le salissement des champs cumulé aux problèmes de résistance a motivé l’achat d’un récupérateur de menues-pailles. En 2009, nous avons acheté neuf notre New Holland CR 9080, en Cuma. Elle a ensuite passé huit mois entre les mains de Thiérart pour l’installation du caisson, acheté lui aussi dans cette même Cuma. Nous l'avons inaugurée pour la moisson 2010 », se remémore Thomas Courageot. Entretemps, l’exploitation a monté une unité de méthanisation en cogénération permettant de valoriser les menues-pailles.
Un intérêt agronomique
« Nous exportons aujourd’hui les menues-pailles de blé, d’orge d’hiver et de printemps, de colza, de sarrasin et de tournesol. Nous cultivons 280 ha, dont 20 ha en herbe », souligne le jeune agriculteur. Les champs ne se sont cependant pas nettoyés dès la première année. « Nous avons vu les premiers résultats après trois, voire quatre ans d’utilisation, ajoute-t-il. Aujourd’hui, nous sommes satisfaits. Nous avons réussi à réduire considérablement les stocks semenciers d’adventices. » Le ramasseur de menues-pailles récolte cependant davantage de graines d’adventices dans les cultures moissonnées le plus tôt, à l’image de l’orge d’hiver particulièrement. « Typiquement, si je moissonne de l’orge de printemps début août, les graines des adventices sont déjà par terre et ne passent donc pas dans la moissonneuse. » Afin de conserver de la matière organique dans ses sols, la SCEA des Cours exporte ses menues-pailles, mais non sa paille. « Nous broyons la paille afin de restituer de la matière organique dans nos champs, précise Thomas Courageot. Nous épandons par ailleurs du digestat solide en provenance de notre unité de méthanisation. »
La méthanisation comme solution de valorisation
En 2016, l’exploitation se diversifie et monte une unité de méthanisation en cogénération par voie solide, dotée d’un moteur de 180 kW. Aujourd’hui, l’intégralité des 450 t de menues-pailles récoltées chaque année est vouée à la méthanisation. L'agriculteur récupère également des menues-pailles lorsqu’il moissonne les champs de son oncle. « Les premières années, nous avons essayé de valoriser les menues-pailles dans des élevages de volailles et de bovins, pour faire les litières, raconte-t-il. Mais cela faisait trop de volume pour les éleveurs, et nous n’arrivions pas à écluser notre stock. Cela nous obligeait également à andainer et à presser les menues-pailles au bout des champs. » L’arrivée de la méthanisation est ainsi apparue comme une aubaine pour l’exploitation. « Le son est par ailleurs très méthanogène », fait-il remarquer. Cependant, l’acheminement des menues-pailles jusqu’au méthaniseur demande une certaine logistique, entraînant un ballet de matériels. « Lorsque je moissonne, je vide mon caisson au bord de ma parcelle. Nous ramassons ensuite les tas à l’aide du pick-up de notre autochargeuse Schuitemaker à trois essieux, dont le volume de caisse affiche 60 m3 DIN. Nous enlevons les couteaux au niveau de l’ameneur rotatif pour garantir un bon flux de transfert dans la caisse, que nous réussissons à remplir avec 6 à 11 t de matière. Cela correspond à 8, voire 10 ha parfois ! À l’aide du chariot télescopique, nous raclons les restes derrière l’autochargeuse, puis nous repassons dans toutes les parcelles avec le chariot et chargeons les restes dans des bennes. Les menues-pailles sont ensuite stockées à l’extérieur, en tas, sous des bâches », détaille Thomas Courageot, avant de souligner : « Notre objectif pour chaque parcelle est de ramasser les menues-pailles avec l’autochargeuse dès que le champ est moissonné. Nous venons ensuite charger les restes plus tard, avant de déchaumer. »

Une New Holland CR 9080 à carapace
Pour le constructeur Thiérart, cette installation fut une première. « Il s’agissait du premier récupérateur monté sur une si grosse machine à rotors, d’où les huit mois de montage ! rappelle l'agriculteur. Nous avions acheté le récupérateur 45 000 € à l’époque, alors subventionné à 60 %. C'était en fait le prototype, tout simplement. » Aujourd’hui, lorsque vous tombez nez à nez avec la New Holland CR 9080 et sa carapace, l’ensemble est imposant ! Avec son volume de 10 000 L, le récupérateur affiche un poids de près de 2 t pour une capacité de charge avoisinant elle aussi les 2 t. « Quand le récupérateur est plein, cela fait tout de suite un peu de poids à l’arrière de la machine. Je suis bien content d’avoir les quatre roues motrices sur ma moissonneuse. Je gagne en adhérence et suis plus serein dans mes parcelles à fort dévers. » Côté maintenance, le récupérateur n’est pas des plus exigeants. « Quatre graisseurs sont à faire tous les jours. Et, côté usure, nous avons juste changé une vis en quinze ans », souligne l’agriculteur.
C’est cependant sur la conduite au quotidien qu’il convient d’être attentif. « Les moteurs hydrauliques des vis étant positionnés sous le récupérateur, je dois être vigilant dans les passages de fossés. Dans les coins des parcelles, c’est aux branches qu’il faut faire attention, pour éviter d’éventrer la bâche. Sur la route aussi, j'ai souvent l’œil sur mes rétroviseurs », confie-t-il. Aujourd'hui, les associés de la SCEA réfléchissent au renouvellement de leur moissonneuse-batteuse qui comptabilise quinze années de bons et loyaux services. « Nous voudrions la changer, mais Thiérart ne fabrique plus de si gros récupérateurs portés. Il faudrait passer sur un modèle traîné, mais avec nos dévers, je ne veux pas. Cela nous pose donc un problème aujourd'hui, et je n’ai pas la solution », conclut le jeune agriculteur.