Tracteur de grosse puissance, le 1080 entre en scène en 1966. Modèle de large envergure, il s’adresse aux entrepreneurs et aux exploitations les plus conséquentes. Le feuillet publicitaire consacré à ce tracteur se titre : « La solution « Puissance » à tous les problèmes de grande culture. » Robuste, endurant, son moteur est un 4 cylindres diesel Perkins de 93 ch. Le 1080 se voit équipé en série du Multi Power, un système de transmission commandé hydrauliquement par une manette, disposée à gauche de la planche de bord. Ce dispositif dédouble chacun des rapports de la boîte de vitesses pour obtenir douze rapports avant et quatre arrières. Un coup de pouce sur la manette permet donc de passer de la gamme haute à la gamme basse et inversement. Sans stopper le tracteur, le Multi Power offre la possibilité d’augmenter la vitesse quand la charge diminue. Il permet aussi d’augmenter le couple aux roues motrices lorsque la charge devient plus conséquente. Voilà qui permet de limiter tout patinage et toute interruption de l’effort de traction.

Le Multi Power peut être utilisé de manière continue, tant en position basse qu’en position haute. Quelle que soit la position de ce dernier, le régime de prise de force est maintenu à la même vitesse. Dans ses documents commerciaux, le constructeur met aussi en évidence que le Multi Power apporte un gain de couple supplémentaire de l’ordre de 20%. Notre « big Massey » bénéficie d’un relevage hydraulique renforcé, adapté à tous types d’instruments portés ou traînés. Pourvu d’une pompe à pistons, ce relevage est à contrôle de position, d’effort et contrôle de réponse. Il bénéficie également de la modulation de pression.

Côté poste de conduite, le 1080, tout comme le 1100, dispose d’une vaste plateforme, accessible du côté droit comme du côté gauche. Le volant et la colonne de direction sont réglables en hauteur et en inclinaison. Le 1080 est tout d’abord fabriqué aux Etats-Unis au sein de l’usine de Détroit, de 1966 à 1972. 284 modèles ont été importés dans l’Hexagone de 1966 à 1970. Ces 1080 issus du Pays de l’Oncle Sam sont reconnaissables au premier coup d’œil de par leurs optiques de phares intégrées en avant des ailes. A partir de 1970 et jusqu’en 1977, le 1080 sera également produit au sein de l’usine de Beauvais, dans l’Oise. On parle dans ce cas précis de 1080-8. Le chiffre suivant la dénomination 1080 correspond au pays dans lequel le tracteur a été produit. Aussi le 8 correspond-il à une production hexagonale. 7032 exemplaires du 1080 sont fabriqués à Beauvais au cours de ces huit années de production. A l’image des autres Massey Ferguson produits sur notre territoire, les 1080-8 disposent d’optiques de phares intégrés au niveau de la partie basse de la calandre.

Le design des Massey Ferguson appartenant à la série 100 a marqué son époque. La partie supérieure de la calandre est surlignée d’une moulure horizontale sur laquelle vient se greffer le logo du constructeur. De forme ondulée, la grille de calandre dispose d’une partie centrale amovible. Une fois ôtée, elle permet d’accéder au radiateur, au filtre du système hydraulique, à l’ensemble de la direction hydrostatique et au radiateur d’huile. Intégrant des carénages profilés, les optiques de phares sont disposées de part et d’autre de la grille centrale. Au pied de la calandre se trouve le bâti du porte-masses.
Une variante 4x4 du 1080 ne tarde pas à être disponible. Massey Ferguson réalise d’ailleurs un dépliant publicitaire pour les trois 4 x 4 de la firme : le 1080, le 188 et le 168. L’accroche commerciale de ce document est la suivante : « 2 +… ou 2+2 au choix, 4 roues motrices accrocheuses ». Ce dépliant met en exergue trois arguments de poids : équilibre général, adhérence exceptionnelle et rentabilité. Le constructeur insiste également sur le fait que les ponts avant de ces trois tracteurs résultent d’un assemblage effectué au sein même des usines Massey Ferguson. Ces ponts avant moteurs étaient issus de la gamme Landini. Le mécanisme d’entraînement trouve sa place dans un carter central et un palier supporte le poids de l’arbre de transmission. Il est important de préciser qu'à cette époque, les Massey Ferguson 4 x 4 étaient les seuls tracteurs du marché à disposer d'une transmission au pont avant qui soit centrale, les modèles concurrents utilisaient en effet une transmission déportée sur le côté. L’arbre central contribue à l’équilibre général et à la stabilité de ces Massey « dévoreurs de terre » ! La motricité des roues avant s’enclenche sous charge. Au 1080 succède le 1080 Super au cours du dernier trimestre 1973. Cette ultime version du 1080 demeure disponible au catalogue en versions 2 et 4 roues motrices.
Le pont avant du 1080 4 x 4 est issu de la gamme Landini. On note au passage que Massey Ferguson était le seul constructeur de l’époque à disposer d’un arbre de transmission central. Sur les modèles de marques concurrentes, il était disposé sur le côté.
A l’époque, le 1080 4 x 4 est considéré par les agriculteurs et les entrepreneurs comme une bête de somme ! Extrêmement coupleux, ce modèle est plutôt apprécié de ses utilisateurs. Si la cabine figure au chapitre des options sur le 168 et le 188, elle fait partie de l’équipement de série sur le 1080, tout au moins sur les tracteurs distribués sur notre territoire.
Les 1080 fabriqués à Beauvais bénéficient en série d’une cabine, alors que cette dernière constitue une option sur les modèles 188 et 168. Il semblerait néanmoins que certains tracteurs destinés à l’exportation et fabriqués avant l’apparition de l’arceau de sécurité obligatoire (1976) soient dépourvus de cabine. Les portes de la cabine s’ouvrent vers l’avant du tracteur. Du côté droit comme du côté gauche, l’accès à la cabine est favorisé par un petit escalier tubulaire.
Cédric Conin a abordé l’univers des tracteurs anciens à travers la restauration d’un Deutz 30. Sa collection s’est ensuite orientée vers Massey Ferguson, avec ce 1080, puis un 1200, un modèle 10 et un 130.
Datant de 1973, le 1080 Super 4 x 4 qui illustre ces pages, appartient à Cédric Conin, un passionné sarthois.
Le tracteur était à vendre en région parisienne. En excellent état carrosserie, il attestait de seulement 3600 heures au compteur, ce qui est relativement rare sur ce type de tracteur. Il y avait néanmoins deux ombres au tableau : l’injection et le Multi Power étaient défaillants. Le vendeur le proposait donc pour pièces. « Le problème d’injection ne m’effrayait pas vraiment, précise Cédric Conin. A contrario, celui du Multi Power m’inquiétait davantage. » Etant en relation fréquente avec une concession Massey Ferguson dont les employés sont passionnés et collectionneurs de Massey « vintage », Cédric se sentait bien encadré pour franchir le pas de cette acquisition. « L’intervention au niveau de l’injection s’est résolue dans les meilleurs délais, raconte le collectionneur. Pour le Multi Power par contre, ce fut une autre paire de manches ! Il a fallu déposer la cabine, ce qui n’a rien d’un jeu d’enfant d’un point de vue manutention ! Tâtonnant quelque peu sur ce dispositif malgré des conseils avisés, j’ai dû effectuer cette opération à deux reprises ! » Au terme d’une vérification technique intégrale, le tracteur fut de nouveau opérationnel dans les deux mois qui suivirent son acquisition. Cédric a aussitôt mis la puissance à contribution à travers le déchaumage d’une trentaine d’hectares. « Le couple du tracteur est assez exceptionnel pour un modèle de cette époque », conclut-il.
Comptant parmi les plus gros tracteurs de la série 100, le 1080 RT constitue une pièce rare et intéressante. Durement sollicités durant leur carrière, ces tracteurs emblématiques ont généralement beaucoup souffert et donnent bien souvent du fil à retordre aux collectionneurs qui entreprennent leur restauration.
Ultra robuste, la mécanique 4 cylindres Perkins brille aussi par sa sobriété en matière de carburant. La précision de son relevage hydraulique représente un atout majeur. Même refrain au niveau des deux distributeurs auxiliaires et des freins de remorque équipant le tracteur en série. Ce Massey à la carrure de rugbyman entraîne en toute décontraction une charrue quadrisoc, un chisel, un flexitiller ou un flexiculteur de grande largeur. Voilà qui représente autant d’outils disponibles au catalogue du constructeur aux trois triangles. Ces charrues et le chisel sont issus de chez Huard. Bien sûr, le revers de la médaille est bel et bien présent au niveau de ce modèle de large envergure. Aussi l’adhérence exceptionnelle du 1080 4 x 4 jouait en la défaveur de la fiabilité de la transmission. D’autre part, la filtration d’huile hydraulique était insuffisante. Des concessionnaires montaient d’ailleurs parfois un filtre extérieur. Si la direction hydrostatique de série est un véritable atout, le rayon de braquage du tracteur n’est pas à classer au chapitre des points forts. Quant à l’insonorisation de la cabine, avouons-le, elle est quasiment inexistante…
Le 1080 est un tracteur qui brille par son adhérence et son équilibre. Cette adhérence exceptionnelle avait aussi pour conséquence directe de fragiliser la transmission.
Cédric Conin nous conte la suite de l’aventure : « Opérationnel, mais dans son jus, le 1080 a pu participer à la fête de Pezé-le-Robert (Sarthe) en août 2015. Par la suite, j’ai immobilisé le tracteur durant quelques mois pour lui assurer une remise en état cosmétique. Sur ces modèles, seuls les éléments de carrosserie sont introuvables. Par chance, cet exemplaire ayant peu travaillé avait été préservé de la rouille et des accrochages. La peinture a été refaite à l’identique à partir des RAL Massey Ferguson. » Toutes les étapes de cette restauration intégrale ont été effectuées par Cédric qui a obtenu un résultat remarquable. Dextérité, passion, patience et persévérance représentent les mots clés de la réussite d’une telle remise en état. A travers cette restauration, Cédric a pu concrétiser l’un de ses rêves et ainsi aborder l’univers fascinant des Massey Ferguson de large envergure. Voilà qui a ouvert la voie à un autre chantier et non des moindres à travers la remise en état d’un 1200.
Un grand merci à Cédric Conin et son épouse pour leur accueil. Merci également à Jean-Pierre Lecroc et Jean-Paul Maillard.