Après avoir terminé le rallye Dakar en 2024 dans la catégorie reine, en buggy, Cédric Goumaz, polyculteur-éleveur en Suisse, a voulu aller plus loin et allier sa passion du sport auto à son métier. « En 2025, frustré de regarder depuis mon canapé mes amis et concurrents faire le Dakar, on s’est dit [avec Gilles Küffer, directeur de la concession Küfferagri, ndlr] : pourquoi pas le faire en tracteur, raconte l’agriculteur. C’est comme ça que le projet est né. » Celui-ci est baptisé « MF Desert Challenge », MF pour Massey Ferguson, bien entendu... Conquis par l’idée, le constructeur a fourni gracieusement deux tracteurs 8S de présérie équipés de la transmission Dyna E-Power.

5 semaines de préparation top chrono
Dès l’arrivée des deux tracteurs, les équipes se mettent au travail, et la liste des modifications est longue. Les premiers jours, le système antipollution est démonté, et le tracteur séparé en deux afin de sortir le module Powershift pour le changer. Les composants de la transmission sont tous nettoyés et scrupuleusement vérifiés. La cabine est démontée et complètement vidée pour intégrer deux sièges baquets. Le poste de pilotage a en effet été revu pour accueillir un copilote côté gauche. La colonne de direction a ainsi été déplacée de 40 cm sur la droite, et le pédalier ajusté.

L’accoudoir, accueillant le levier de transmission Multipad, a quant à lui été installé à droite du pilote. Il a également été rétréci en supprimant certains boutons et adapté avec des pièces réalisées à l’imprimante 3D. Le terminal prend place côté copilote, sur sa gauche, pour l’ensemble des paramétrages tels que la pression des pneus. Des mécaniciens commencent par ailleurs la confection de l’arceau de sécurité.

Pour alléger la machine, d’autres organes, inutiles pour le rallye, sont retirés, à l’image des relevages avant et arrière, de la chape d’attelage et de la prise de force avant. En raison des fortes vibrations liées aux conditions, les rétroviseurs sont remplacés par des caméras renvoyant sur deux écrans en cabine. Côté logistique, le second tracteur est entièrement démonté pour récupérer des pièces de rechange. Elles sont étiquetées et stockées dans le camion d’assistance. Le bloc-moteur du tracteur donneur ainsi que le pont avant sont les pièces les plus imposantes transportées jusqu’à la course.
400 ch et 80 km/h
Le bloc-moteur Agco Power à six cylindres de 7,4 L se voit dépouillé de tout système antipollution. Le 8S rugit désormais librement via une sortie directe du moteur. À chaque accélération, le turbo siffle allègrement. Le démontage du filtre à particules a en outre permis aux mécaniciens d’installer une caisse à outils bien accessible sur le côté droit. L’admission d’air est déplacée via une tubulure, soudée et peinte sur place, sur le côté droit de la cabine avec un filtre à air cyclonique.
Le six-cylindres est poussé à 400 ch, contre les 205 d’origine. Le travail de programmation a été réalisé par Sport System et prend en compte la suppression du dispositif antipollution. Lors des passages aux bancs à pleine charge, la consommation du tracteur est alors mesurée à 55 L/h en instantané. Afin d’augmenter l’autonomie, l’équipe ajoute, en plus des 500 L d’origine, un réservoir de 160 L de GNR, situé à l’arrière, avec une pompe de transfert.
Sur le papier, la transmission semi-powershift robotisée à double embrayage choisie pour le projet apporte de la souplesse lors des passages de rapport, tout en offrant une bonne capacité de traction et un bon rendement. La Dyna E-Power n’a pas été modifiée dans sa conception, mais uniquement recalibrée pour supporter une vitesse de près de 80 km/h ! Le pont avant suspendu du 8S bénéficie de trois boules d’azote supplémentaires, s’ajoutant aux trois d’origine, et son débattement reste de 140 mm. Il évolue néanmoins avec une fonction automatique pour verrouiller le débattement gauche/droite à partir d’une certaine vitesse afin de corriger et de maintenir l’assiette. Le pilote peut aussi le régler manuellement selon la configuration du terrain, via un boîtier en cabine. La solution permet d’éviter le tangage, particulièrement à haute vitesse.

Le projet « MF Desert Challenge » s’est également entouré de Michelin pour les pneumatiques, des Evobib, accompagnés d’un système de télégonflage PTG.
Des prérequis spécifiques au rallye-raid
Pour répondre aux exigences du rallye-raid, le 8S s’est doté d’un imposant arceau de sécurité extérieur. Ce dernier, en forme de « V », est fixé sur le châssis et entoure la cabine du tracteur afin de sécuriser les occupants et de limiter la casse en cas de retournement. Des renforts latéraux protègent également le réservoir principal et le compresseur d’air utile au télégonflage. La forme en croix de l’arceau sur la partie supérieure permet par ailleurs d’accueillir un système de poulie servant au changement complet d’une roue en cas de crevaison. Les Evobib de secours, un pneu avant et un pneu arrière, sont stockés sur un châssis dédié, à l'arrière. Pour soulever le tracteur lors de potentiels changements de pneumatiques ou bien pour le désensabler, les mécaniciens ont créé des systèmes de béquilles à l’avant et à l’arrière avec des vérins.

Les normes de la Fédération internationale automobile (FIA) sont strictes pour la sécurité en sport auto. Les sièges baquets sont notamment fixés directement au sol de la cabine, sans suspension, et possèdent des ceintures six points. La cabine intègre un système d'extinction, avec des buses intégrées au plafond, devant pouvoir s'activer depuis l’extérieur de la cabine. Un coupe-circuit « coup de poing » prend place entre les deux pilotes afin de couper le moteur en cas de problème.

Pour être visible dans toutes les conditions, même au cœur d'une tempête de sable, des feux rouges répondant aux normes FIA sont installés à l’arrière de l’arceau. Le copilote dispose d’un cale-pied et d’un support pour les boîtiers de navigation. Ce dernier est escamotable à l'aide de vérins pour sortir rapidement du véhicule, en moins de 15 secondes selon les exigences réglementaires.

Sur le plan de la sécurité encore, les vitres latérales sont remplacées par des panneaux en plastique, et le pare-brise avant est recouvert, côté cabine, d’un film en plastique transparent pour éviter les éclats de verre en cas de choc.