Ancien salarié chez John Deere France au poste de chef de produit ensileuse, Jean-Luc Dujardin a fait le choix de revenir à plein temps dans l'entreprise de prestations de services qu'il a créée avec ses frères et son père en 2016. La structure, basée à Ménil-Hermei, dans l'Orne, compte trois salariés, dont son frère, ainsi qu’un apprenti et quelques saisonniers venant en renfort pendant la grosse période d’été. Désireux de se diversifier, Jean-Luc Dujardin saisit l’opportunité qui se présente de reprendre les activités agricoles d’élagage d’une première entreprise et de débroussaillage d'une seconde. Au printemps 2021, l’entreprise de travaux agricoles récolte pour la première fois du miscanthus avec une ensileuse de prêt, la machine dans laquelle elle a investi n’étant pas encore disponible. Cette dernière est une ensileuse d’occasion John Deere, qui vient de lui être remise pour réaliser la saison de récolte 2022.

« L’achat de l’ensileuse, du pick-up et du bec représente un investissement de 250 000 €. C’est le plus conséquent de l’entreprise. Pour l’amortir, il est donc indispensable d’élargir son utilisation à d’autres cultures que le maïs ou l’herbe. La récolte de miscanthus s’avère donc une opportunité à saisir », justifie Jean-Luc Dujardin.
Implanté sur une parcelle de 5,5 ha située à Athis-de-l’Orne, le miscanthus est récolté au cours de la seconde quinzaine du mois d’avril. Cette plante, autrement appelée « roseau de Chine », se développe à partir de rhizomes. Seule la tige est récoltée. Les feuilles tombant au sol créent un mulch propice à l’apport de matière organique et à la lutte contre les adventices.
« Son développement impose d’intervenir avant qu’elle ne bourgeonne de nouveau, soit au mois de mars ou d’avril. La récolte doit se faire dans des conditions très sèches, car elle est stockée ensuite en vrac. Le taux d’humidité du miscanthus ne doit pas dépasser les 10-15 % pour optimiser la conservation, sinon il y a un risque de chauffe et d’altération des valeurs qualitatives », indique le client propriétaire de la parcelle, Bertrand Victoire, gérant d’une entreprise de maçonnerie et de taillage de pierre pour la rénovation du patrimoine ancien.

La hauteur et la longueur de coupe, deux réglages primordiaux
Pour ensiler le miscanthus, la SARL Dujardin utilise une ensileuse John Deere 8500i. Celle-ci développe 585 ch et s'équipe de la même tête de récolte que pour le maïs, à savoir un bec Kemper 360 Plus rotatif de huit rangs à petites toupies. Les quatre rouleaux de compression assurent l’alimentation vers le groupe hacheur, dont le rotor de 670 mm de diamètre se dote de 48 couteaux. Celui-ci évolue au régime de 1 100 tr/min. Exempt d’éclateur pour cette récolte, le flux de matière est directement pulsé dans les bennes par la soufflerie. Sur ce chantier, trois remorques rehaussées de ridelles, deux de 24 t et une de 21 t, sont utilisées pour transporter le miscanthus. Parmi les réglages importants à effectuer lors de la fauche de cette plante pérenne figurent la hauteur de coupe du bec Kemper et la longueur de coupe du miscanthus, ajustée par la vitesse de rotation des rouleaux d’alimentation. Cette dernière est variable selon le débouché prévu pour la plante. Ici, le miscanthus est destiné à une valorisation future en paillage horticole et en litière équine.

« Par conséquent, je veille à atteindre une longueur de coupe de 20 mm répondant aux exigences des clients, précise Bertrand Victoire. Le rendement dépend étroitement du calibrage du miscanthus. De plus, la hauteur de coupe doit dépasser les 10 cm pour éviter de couper les repousses de rhizomes. »
Dans la cabine, le moniteur affiche ainsi la vitesse d’avancement du matériel de récolte, la longueur de coupe ou encore le régime instantané du rotor, à hauteur de 1 000 tr/min en pleine charge. Alors que la saison de ramassage d’herbe bat son plein, l’entrepreneur fait le choix de conserver les équipements utilisés pour la récolte d’herbe.
« En ce début de campagne, le couteau est en parfait état et le contre-couteau dédié à l’herbe étant neuf – avec un angle de 90° non arrondi par l’usure –, les conditions sont réunies pour garantir la qualité de coupe attendue. Cependant, face à des problèmes de bourrage au démarrage du chantier, j’ai fait le choix de retourner une barrette sur deux pour donner plus d’agressivité sur le rouleau d’alimentation avant supérieur – sachant que cette plante est dure et glissante –, et cela s’est avéré concluant. Notre client est notamment satisfait de la qualité du hachage », met en avant Jean-Luc Dujardin. « L’ensilage de cette plante requiert en effet de la vigilance concernant l’alimentation du rotor. De plus, les poussières fines et abrasives générées nécessitent un entretien accru du matériel, et l’usure des éléments se révèle plus rapide en comparaison d’autres cultures », indique-t-il.

Un débit de chantier de 2,5 ha/h
Lors de la récolte, la vitesse d’avancement de l’ensileuse oscille entre 4,5 et 5,5 km/h, le débit de chantier atteignant ainsi 2,5 ha/h. La machine bénéficie d’une transmission ProDrive à quatre roues motrices, dont les capacités s'avèrent supérieures à celles d'une transmission standard en raison de la gestion automatique du régime moteur hydraulique. Le rendement de la récolte atteint 15 t/ha grâce à des conditions sèches favorables à un tonnage total, pour ce chantier, de plus de 80 t. Le miscanthus est vendu en vrac, à la tonne, via un contrat avec Novabiom qui assure la transformation et la commercialisation par un réseau de négociants. Cette entreprise est spécialisée dans le développement de cette culture et de ses valorisations à l’échelle nationale et européenne. Le produit est stocké temporairement en vrac sous un hangar sur le site de la coopérative Axone, située à 8 km de la parcelle ensilée ce jour-là. Des camions à fond mouvant de 90 à 100 m3 assurent ensuite le transfert vers Novabiom, basée à Chartres.

« L’année dernière, j’ai passé des contrats pour vendre des sacs à la palette. Trois camions m’ont permis de rentabiliser le transport, l’ensachage et le travail à façon », souligne le client.
Raisonner la logistique pour limiter les coûts de transport
La faible densité du miscanthus, de l’ordre de 120 à 130 kg/m3, génère des surcoûts importants sur de longs trajets, d’où la nécessité de mettre en place une logistique adaptée. L’entrepreneur applique un tarif de prestation à l’heure proche de celui de l’ensilage de maïs.
« Une ou deux remorques supplémentaires dans la parcelle auraient permis de limiter le temps d’attente. C’est le transport qui est le plus coûteux. Le tarif est conséquent car nous prenons en compte l’usure plus prononcée de la machine en raison d’une matière plus dure à récolter ne permettant pas une alimentation homogène, contrairement au maïs ou à l’herbe. »

De son côté, Bertrand Victoire se satisfait des performances de l’ensileuse, de sa technicité et de la maîtrise des réglages par l’entreprise.
« Je crois en l’avenir de cette culture qui mérite d’être valorisée davantage pour le chauffage. Le coût d’implantation avoisine les 3 000 €/ha mais est susceptible de diminuer compte tenu de l’augmentation des surfaces chaque année. Il doit être raisonné sur une vingtaine d’années pendant laquelle la culture reste implantée. De plus, si on perd en coût de matière, on gagne en temps de main-d’œuvre. »
Jean-Luc Dujardin, pour sa part, souhaite développer cette activité pour rentabiliser son matériel et reste à l’écoute des opportunités et des demandes de la clientèle.
« Nous sommes sur un marché de niche qui demande de la maîtrise. L’agrandissement des surfaces de miscanthus implantées reste lié aux volontés du gouvernement concernant le développement des énergies renouvelables. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts à prendre d’autres chantiers de récolte », se projette-t-il.
