Technologies Bus CAN : moins de câblage pour plus de connexions
À la fin des années 1990, les réseaux de communication bus CAN équipaient déjà des tracteurs et des automoteurs de récolte. Par leurs performances dans le transfert d'une grande quantité d'informations et par leur simplicité de câblage, ils étaient en passe de devenir, pour le machinisme agricole, une technologie aussi importante que l'hydraulique. Il était donc urgent de comprendre cette nouvelle discipline. Pour aider les lecteurs de Matériel Agricole dans cette initiation, notre jeune journaliste Bernard Serpantié avait rencontré Gilbert Grenier, alors enseignant à l'Enita de Bordeaux (aujourd'hui Bordeaux Sciences Agro. Il s'agit ici d'une rétrospective d'un article paru dans Matériel Agricole n°32 paru en 1999).
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Matériel Agricole : Pourquoi le bus CAN va-t-il se généraliser ?
Gilbert Grenier : Dans une voiture moyenne, le câblage représente plus de 2 km de fils électriques et plus de 1 500 points de connexion, chaque ligne étant spécialisée. Un tel câblage est coûteux à industrialiser, il exige une main-d'œuvre abondante et doit être soigneusement testé. Son dépannage est complexe, car chaque fil doit être repéré. En outre, de tels circuits sont sensibles aux perturbations électromagnétiques. Les informations en provenance des capteurs sont transmises de manière analogique, c'est-à-dire sous la forme d'une tension ou d'une intensité de courant. La moindre tôle qui vibre contre un fil peut provoquer des courants induits et perturber l'indication d'une position du relevage ou encore de la vitesse d'avancement. Les systèmes de bus, en revanche, se proposent de faire circuler les informations sous forme numérique. Chaque élément est connecté à un unique câble et reçoit ou émet des signaux sous la forme d'une suite de 1 et de 0. Autrement dit sous la forme d'une présence ou d'une absence de courant. Tous les éléments reçoivent toutes les informations et sélectionnent celles qui les intéressent. Ainsi, le câblage est grandement simplifié.
M.A. : Qu'en est-il pour un tracteur ?
G.G. : Sur un tracteur, une vitesse mesurée au radar est codée sous forme numérique, transmise sur le câble unique puis réceptionnée à la fois par la transmission, l'affichage du tableau de bord et l'unité de contrôle de l'outil. Avec un tel système, il devient possible de multiplier les quantités d'informations que s'échangent les sous-ensembles et de les gérer par des logiciels. Des tâches complexes telles que la commande précise d'une transmission powershift, le réglage de l'injection du moteur, voire des automatisations de séquences de bout de champ ou l'asservissement d'un épandage par système de positionnement satellite se gèrent en toute transparence pour le conducteur. La puissance de calcul des systèmes électroniques assiste ce dernier et protège les composants mécaniques.
M.A. : Qu'est-ce qu'un bus informatique ?
G.G. : Selon le dictionnaire, il s'agit d'un ensemble de conducteurs et de conventions d'échange de signaux qui permettent à différents organes d'un système informatique de communiquer. Concrètement, un certain nombre d'éléments sont connectés au même fil, et chacun est capable d'émettre un signal et de recevoir tous les signaux émis par le système. Déjà, dans l'industrie ou dans l'informatique, il existe toute une panoplie de bus. Dans un atelier de production, pour gérer un ensemble d'automates et de machines, les ingénieurs utilisent les bus ASI, FIP, PROFIBUS, et autres. Chacun d'entre eux est caractérisé par ses protocoles de communication, mais aussi par la nature des relations entre les éléments. Ainsi, le bus ASI est un système de type maître-esclave : un ordinateur central gère le fonctionnement d'une trentaine de machines. Ce système fonctionne très bien pour gérer un atelier de production. En revanche, chaque nouvelle machine arrivant dans le réseau doit être soigneusement paramétrée par un technicien compétent. Le bus CAN a été spécialement conçu pour les machines mobiles : tracteurs, camions, autocars ou automobiles. Il a été développé par Bosch et Intel au début des années 1980. CAN signifie « Controller Area Network » (contrôle par réseau local). Sa particularité est de ne comporter ni maître, ni esclave. Le système se reconfigure automatiquement chaque fois qu'un élément est ajouté, enlevé ou modifié. L'industrialisation, la maintenance mais aussi l'utilisation par des non-informaticiens en sont ainsi grandement simplifiées. Il est également en mesure de gérer des commandes en temps réel avec un très haut niveau de sécurité : les messages sont truffés d'éléments logiques permettant de garantir leur cohérence et d'éliminer des erreurs. Pour les machines mobiles, d'autres bus existent. PSA et Renault, par exemple, ont développé le bus VAN, et des constructeurs automobiles américains le J1850. Actuellement, le bus CAN fait l'objet d'un effort de normalisation pour ses applications agricoles. Des organismes allemands travaillent sur une norme DIN, et plusieurs constructeurs internationaux – Müller, Case, John Deere, Cummins, New Holland, Massey Ferguson – sur une norme ISO. Les deux normes restent proches et sont basées sur les spécifications du bus CAN 2.0 B élaboré par Bosch. Il semble que la majorité des constructeurs s'oriente actuellement sur la norme ISO.
M.A. : Quelles sont les architectures des bus CAN ?
G.G. : Les tracteurs du futur devraient être dotés de deux bus CAN. Le premier équipe d'ores et déjà certains tracteurs, dont il est chargé de coordonner en temps réel les organes : transmission, injection, relevage... Il est choisi par le constructeur et n'a pas besoin d'être normalisé. Toutefois, ses caractéristiques devraient en général se rapprocher de spécifications normalisées. Le deuxième bus sert aux échanges entre le tracteur et les outils. Pour offrir une totale compatibilité avec tous les outils, il devra être normalisé et accepté par le plus grand nombre. C'est donc sur ce bus que travaillent actuellement les commissions de normalisation ISO et DIN [qui donnera plus tard naissance à l'Isobus que nous connaissons, ndlr]. Son organisation démarre par une passerelle avec le bus du tracteur. Il s'agit de l'unité de contrôle électronique tracteur (en anglais ECU tractor). Cette dernière permet de récupérer des données de fonctionnement du tracteur (vitesse, position du relevage…). Dans la cabine prend place une unité de contrôle dotée d'un terminal virtuel et d'un accès informatique. Cet élément est au cœur de nombreuses discussions de normalisation, car c'est lui qui apportera toute la souplesse et toute la puissance au système. Grâce à lui, l'attelage d'un outil à un tracteur ressemblera à la connexion d'une imprimante à un micro-ordinateur de bureau. Après avoir attelé le semoir ou le pulvérisateur au tracteur et branché les prises hydrauliques, l'unité de contrôle électronique de l'outil qui en gère le fonctionnement est connectée à la branche du bus CAN dédiée aux outils du tracteur. Une simple prise étanche à quatre broches suffit. Ensuite, un logiciel de gestion de l'outil attelé, chargé sur l'organe de contrôle du tracteur, configure le terminal virtuel. Doté d'un écran à cristaux liquides, celui-ci réagit comme un ordinateur de bureau sur lequel un nouveau logiciel serait chargé et se configure comme un boîtier de commande dédié à l'outil. L'agriculteur procède alors aux réglages et démarre son travail.
M.A. : Quel est le langage du bus CAN ?
G.G. : Le bus CAN est un instrument de dialogue entre les différents organes électroniques connectés entre un tracteur et deux outils, par exemple. Chacun de ceux-ci émet un message. Chaque message est une suite de plus d'une centaine de 1 et de 0, dont le format varie selon la normalisation du bus CAN. En prenant l'exemple du contrôleur d'un élément de semoir à maïs, cette première série de chiffres indiquera aux autres systèmes électroniques la nature de l'outil. La série de chiffres qui suivra pourra, par exemple, correspondre au nombre de graines passant par minute devant une cellule photo électrique. Cette valeur, comparée avec la vitesse mesurée par le radar du tracteur et transmise sur le bus par un autre message, permet à l'afficheur du terminal virtuel d'indiquer au chauffeur la densité du semis réalisé. En imaginant que ce dernier arrive avec le tracteur dans une zone de sol plus pauvre, il peut alors envoyer une consigne, donc un message codé, au contrôleur du semoir pour diminuer le nombre de pieds par hectare. Le même message est réceptionné par les multiples contrôleurs de chaque élément semeur, qui répondent de manière identique en diminuant la vitesse des distributeurs de graines. L'opération pourra également être gérée par un système d'asservissement géographique DGPS. Le flux de commandes est alors particulièrement intense et a besoin de tout le débit du bus CAN. En permanence, les organes électriques s'autocontrôlent et éliminent tous les messages qui leur paraissent aberrants. Dans chaque message, des astuces permettent d'en vérifier l'exactitude. Ainsi, tous les messages se terminent par le CRC (cyclic redundancy check), une série de chiffres correspondant au résultat d'une opération mathématique sur la première partie du message. L'organe qui reçoit le message effectue systématiquement cette opération et, si le résultat diffère du CRC, le message est rejeté.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :