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Tracteur Rétro Brimont-Latil TL73 de 1974 : Obélix des forêts

Si Obélix portait les menhirs bretons sur son épaule avec une aisance déconcertante, son homologue en matière de troncs d’arbres se nomme Latil. Grand spécialiste des tracteurs forestiers, ce constructeur accompagnera les bûcherons durant plusieurs décennies. Rencontre avec un colosse laqué d’un jaune éclatant. Texte : Guillaume Waegemacker - Photos : Bruno Sarthou

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Après avoir intégré le groupe Saviem en 1961, Latil poursuit inlassablement sa route à travers l’élaboration et la commercialisation de tracteurs forestiers. Icône du débardage, le Latil TL H14 TL 10 est toujours en production à cette époque. L’adoption du moteur quatre cylindres Fulgur de type 124.51 aboutit sur la création de nouveaux modèles estampillés Saviem. Ces derniers se nomment TL 21/40, TL 22/40 et TL 23/40.

Un peu d'histoire

En 1963, Saviem se sépare de la branche relative aux tracteurs forestiers. L’acquéreur de cette dernière n’est autre que la Société des forges et ateliers du Creusot - Usines Schneider. Ce transfert industriel amènera à un déplacement des lignes de production des modèles forestiers, qui seront désormais fabriqués à Nantes. Le groupe Schneider redonne à la firme son entité originelle : Latil. C’est dans ce cadre qu’est créée la société Latil Batignolles. Sur le plan purement commercial, Saviem, qui dispose d’un réseau particulièrement étendu, poursuit la distribution et la maintenance des engins. Cependant, la gamme des tracteurs forestiers – et industriels – nécessite un nouvel élan pour répondre aux attentes de la clientèle. Fin 1967, le constructeur présente donc de nouveaux modèles. Les derniers-nés de l’usine de Nantes se nomment TL31, TL32, TL33, TL37 et TL38. Cette fois-ci, les lignes ne sont plus arrondies, mais adoptent un profil abrupt et rectiligne. Ces nouveaux tracteurs sont équipés d’un bloc six cylindres Saviem d’une cylindrée de 5277 cm3. Ainsi motorisés, les Latil disposent d’une puissance accrue. Côté freinage, les TL 31, TL 32, TL 33, TL 37 et TL 38 reçoivent des freins à disques à rattrapage de jeu automatique. En marge de la sécurité, l’une des préoccupations premières du bureau d’études concerne le confort de travail. Les sièges du conducteur et du passager ont gagné en confort. La planche de bord s’est étoffée. Le conducteur de ces engins de la nouvelle vague dispose d’un tachymètre doté d’un totalisateur kilométrique, d’un compteur journalier, d’une jauge à carburant, d’un indicateur de pression d’air (pour les modèles disposant d’un freinage oléopneumatique), d’un thermomètre et enfin, d’un compte-tours faisant également office de compteur horaire. On notera que l’ensemble de cette instrumentation porte la griffe de Jaeger. Les TL31, TL32 et TL33 disposent d’un châssis court, alors que leurs frères de gamme de type TL37 et TL38 sont dotés d’un châssis long. À l’image de leurs ancêtres, ces cinq modèles peuvent être équipés en option d’une capote amovible permettant d’abriter efficacement le conducteur et son passager. Une cabine entièrement tôlée fait aussi partie des options disponibles. Ces cinq mousquetaires des forêts seront commercialisés jusqu’en 1974.
Le 5 septembre 1974, Latil Batignolles se sépare du pôle lié à la conception, la fabrication et à la commercialisation des tracteurs Latil. L’acquéreur de cette branche d’activité est la SA Brimont. La production des Latil est alors une nouvelle fois transférée et est installée sur l’un des pôles industriels de la SA Brimont : Reims-Prunay.

Dans la pure continuité stylistique des modèles TL31, TL32, TL33, TL37 et TL38, les lignes du TL73 sont tout à fait dans le ton de l’époque. On notera que ce modèle a été produit de 1974 à 1980.

L’année 1974 marque l’arrivée d’un tout nouveau Latil, le TL73. Doté d’un moteur six cylindres Saviem de type 797, ce modèle est disponible en différentes versions : TL73-2D, TL73-2P, TL73-3D, TL73-3P, TL73 -4D, TL 73-4P, TL73-5D et TL73-5P. Les modèles P disposent d’un châssis porteur alors que les modèles D sont dotés d’un châssis débusqueur. On notera que les modèles 73-3 et 73-5 possèdent une commande de freinage oléopneumatique, tandis que les versions de type 73-2 et 73-4 bénéficient d’une commande directe par l’intermédiaire d’un maître-cylindre. Le TL73 reçoit en série une direction assistée hydraulique et une prise de mouvement au niveau du démultiplicateur. L’éventail des options disponibles est assez important : blindage avant, cabines fermées à deux ou quatre places, capote repliable, chauffage-dégivrage, démultiplication lente, filtre à air grand modèle, lame avant, lève-grumes, inverseur de marche, pneumatiques de dimensions 11 x 24 – 14,5 x 20, 14,9 x 24 et 16 x 20, prise de mouvement sur la boîte de vitesses indépendante à l’avant et à l’arrière, siège conducteur « superconfort », suspension renforcée, turbocompresseur, treuil avant, treuil arrière, différents types de treuils de débardage (modèles BL 64 M, BL 64 H, BL 74) et un treuil monte-grumes Setra. Modèle d’endurance et d’agilité, le TL73 accompagnera les bûcherons durant plusieurs décennies.

 

Le TL73 est équipé d’une mécanique six cylindres diesel Saviem quatre temps à injection directe d’une cylindrée de 5500 cm3. Souple et endurant, ce moteur se révèle extrêmement robuste.

C’est dans les Côtes-d’Armor que nous avons rencontré l’exemplaire que vous pouvez voir dans cet article. Il a été restauré par un amateur éclairé souhaitant conserver l’anonymat. Ce tracteur forestier, il l’a découvert dans une scierie située dans la région de Plouër-sur-Rance. Pour ce passionné de technique et de mécanique, la remise en état de cet engin atypique s’est rapidement profilée comme un défi personnel. Moteur, embrayage, boîte de vitesses, réducteurs, toute la partie fonctionnelle de ce colosse des forêts avait beaucoup souffert. À travers deux années de travail intensif, notre restaurateur a redonné vie à son Latil, alternant entre tour et fraiseuse, disqueuse et ponceuse.

À l’avant comme à l’arrière, le Latil TL73 est suspendu par des ressorts à lames.

Du point de vue de la tôlerie, le chantier était important, la corrosion ayant fait des ravages. Le capot moteur a d’ailleurs dû être en majeure partie refabriqué. Découpe de tôles sur mesures, usage du maillet, du poste à souder, de la cale à poncer et enduisage, voilà les activités qui ont mobilisé le sauveteur de ce TL73 en l’espace de quelques mois. Progressivement, l’athlète des forêts a retrouvé son profil initial. Une fois sa préparation terminée, il a reçu un certain nombre de couches d’apprêt avant d’être revêtu de son jaune éclatant originel.

Le Latil exposé dans cet article est équipé d’un treuil construit par PAN (on notera que Latil est fidèle à ce fabricant depuis 1925). Il s’agit d’un modèle BL 64. La plaque constructeur de ce treuil rappelle son type précis et sa date de livraison.

Aujourd’hui, le Latil TL73 a changé de mains. Il est désormais en la possession de Michel Lecuyer, un ami de la personne qui l’a sauvé de la destruction puis restauré. Cette situation ne doit d’ailleurs rien au hasard, comme nous l’explique Michel : « Lorsque mon ami a fait l’acquisition de ce Latil TL73 pour le restaurer, il ne disposait pas de moyen de transport adéquat pour le rapatrier. Je lui ai donc proposé de le transporter à l’aide de mon porte-char. Lorsque j’ai découvert le TL73 avant de le charger, j’ai eu le coup de foudre ! Entrepreneur de travaux agricoles “dans le civil”, j’ai fait part à mon ami de mon intérêt pour sa dernière acquisition. Il m’a alors promis de me le rétrocéder un jour, ce qu’il fît il y a quatre ans, une fois que l’engin avait été entièrement restauré. Je m’en sers de temps à autre pour débarder à l’arrivée de la saison hivernale, histoire de m’amuser un peu et de joindre l’utile à l’agréable. »

Comme sur l’ensemble des tracteurs forestiers Latil, le poste de conduite du TL73 est disposé à droite. Doté de quatre branches, le volant dispose d’une jante en bakélite noire.

 

Le TL73 dispose d’une instrumentation relativement étoffée. Métallique et laquée de noir, sa planche de bord accueille cinq cadrans estampillés Jaeger. On y retrouve, de gauche à droite, le tachymètre – qui fait également office de totalisateur kilométrique et de compteur journalier –, la jauge à carburant, l’indicateur de pression d’air au niveau du système de freinage oléopneumatique, le thermomètre et enfin, le compte-tours faisant aussi office de compteur horaire.

Michel est à la tête d’une sympathique collection de tracteurs d’hier. À l’image du TL73, les différents modèles qui la composent sont loin d’être statiques et chacun travaille de temps à autre. Outils de travail à part entière, ces fidèles serviteurs de la terre poursuivent ainsi leur carrière à un rythme paisible. Qui a dit que la retraite était une fin en soi ?

 

Aussi à son aise sur route qu’en forêt, le TL73 témoigne d’une souplesse exceptionnelle. On notera que le six-cylindres Saviem qui l’équipe atteste d’une puissance de 125 ch.

Mille mercis au sauveteur-restaurateur de ce TL 73 pour son accueil et sa disponibilité. Merci également à Yolande et Serge Duval, ainsi qu’à Michel Lecuyer.

 

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