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McCormick D-219 de 1962 « Germanische Qualität »

Compact, robuste et endurant, le McCormick D219 a marqué son entrée sur la scène agricole en 1962. Disponible durant cinq années au catalogue International Harvester, ce modèle a été produit à 5062 exemplaires. Voilà qui nous offre l'occasion de redécouvrir l'aventure IH « Made in Germany ». Un petit coup d'œil dans le rétroviseur ? Texte : Guillaume Waegemacker - Photos : Christian Bedeï - Archives photos : famille Marrec

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International Harvester, c’est avant tout une aventure planétaire. En 1908, le géant américain s’implante en Allemagne, à Neuss. Disposé sur les rives du Rhin, ce pôle industriel sera opérationnel à partir de 1911. On y produit tout d’abord des outils McCormick comme les barres de coupe, les distributeurs d’engrais, les faneuses ou les faucheuses. En 1912, les activités de l’usine germanique s’étendent avec la mise en production de lieuses à ficelle. La seconde moitié des années 30 est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de cette branche. Les dirigeants décident au cours de l’année 1936 de produire des tracteurs agricoles International Harvester sur le site de Neuss. Les premiers modèles sortent de chaîne dès l’année suivante. De type F-12-G, ils sont simplement assemblés à partir de composants en provenance des Etats-Unis. En parallèle à ce montage de tracteurs, le site de Neuss accueille des lignes de production de différents types de moteurs. En 1938, la branche allemande change de stratégie industrielle pour les tracteurs agricoles. L’usine de Neuss produira des tracteurs 100 % germaniques. De 1925 à 1939, le pôle industriel International Harvester de Neuss représente la plus importante usine de machines agricoles sur le territoire germanique.

Présenté en 1962, simultanément avec les modèles D-215, D-322, D-326, D-432 et D-439, le D-219 sera diffusé au sein de la gamme International Harvester jusqu’en 1966.

La Seconde Guerre mondiale a bousculé toutes les franges de l’économie, et en première ligne celles liées au monde agricole. Les besoins et les priorités des agriculteurs ont évolué. La demande en machines agricoles s’est affaiblie alors que celle des tracteurs s’est accrue. A la sortie du conflit, International Harvester décide de transférer la fabrication des machines agricoles sur Heidelberg, l’usine de Neuss se consacrant principalement à la fabrication de tracteurs. En 1951, le Farmall DF 25 entre en production sur les chaînes de Neuss. Doté d’un moteur 4 cylindres diesel à injection directe, ce tracteur de 25 ch reprend la base du Farmall FG. L'année 1953 marque l’arrivée d’un nouvel échiquier de tracteurs International Harvester « Made in Germany ». Il s’agit des McCormick DED, DED 3, DLD-2 et OLD 2. Produit à un millier d’exemplaires et exclusivement au cours de l'année 1953, le DED est muni d’un moteur 4 cylindres diesel de 2043 cm3. Il atteste d’une puissance de 25 ch. Son frère de gamme, le DED 3 dispose quant à lui d’un moteur 3 cylindres 1631 cm3. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de moteurs Diesel. Les modèles DLD-2 et OLD 2 jouent quant à eux dans la catégorie « poids plume » au niveau de leurs plages de puissance respectives. Le DL-2 équipé d’un moteur bicylindre Diesel de 1087 cm3 développe une puissance de l’ordre de 12 ch. Le OLD 2 reçoit lui aussi un bicylindre Diesel, dont la cylindrée est de 1088 cm3. La puissance de ce tracteur s’élève à 14 ch. Avec ces modèles, International Harvester se hisse au second rang des constructeurs de tracteurs germaniques, la première place revenant à Deutz.

Dotée d'ouvertures verticales et horizontales, la calandre du tracteur adopte le standard européen International Harvester. Cette dernière est protégée à l'intérieur par un grillage. 

Au cours de la seconde moitié des années 50, l’ère des batteuses traditionnelles s’éteint progressivement face à l’arrivée et au développement de machines traînées puis automotrices. Au cours de l’année 1957, la branche germanique d'International Harvester s’investit dans ce créneau prometteur. Si la fabrication des différents éléments de ces machines de récolte demeure basée à Neuss, l’assemblage des machines va s’effectuer sur de nouvelles lignes industrielles situées à proximité d’Heidelberg.

Très modernes pour l’époque, les lignes du tracteur traduisent parfaitement ses traits de caractère. Compact, le D-219 est en effet synonyme de robustesse et d’endurance.

En 1956, IH Allemagne inaugure un nouveau chapitre avec la présentation d'une gamme de tracteurs agricoles dont la plage de puissance s'échelonne de 12 à 24 chevaux. Il s’agit des modèles appartenant à la série D, une gamme à l’esthétique unifiée. Ces tracteurs se nomment D-212 (12 ch), D-217 (17 ch), D-320 (20 ch), D-324 (24 ch) et D-430 (30 ch). Le premier des trois chiffres de la dénomination de chaque modèle correspond au nombre de cylindres du moteur et, les deux derniers chiffres donnent sa puissance. Le D-212 utilise un moteur bicylindre Diesel de 1088 cm3, le D217 un bicylindre Diesel de 1217 cm3, le D-320 un trois cylindres Diesel de 1631 cm3, le D-324 un trois cylindres Diesel de 1825 cm3 et enfin le D-430 un 4 cylindres Diesel de 2175 cm3. Courant 1958, la gamme des IH fabriqués en Allemagne s'enrichit du D-214, un tracteur de 14 ch équipé d'un bicylindre Diesel de 1088 cm3. En 1959, le D-436 rejoint l'échiquier des tracteurs rouge « Made in Germany ». Ce modèle de 36 ch bénéficie d'un 4 cylindres Diesel de 2434 cm3. Puis, en 1962 apparaissent les modèles D-215 (14/15 ch), D-219 (17/19 ch), D-322 (20/22 ch), D-326 (24/26 ch), D-432 (30/32 ch) et D-439 (39 ch). On notera que le D-219 remplace le D-217 alors que le D-326 supplante le D-324.

Côté gauche du moteur. Il s’agit d’un deux cylindres Diesel 4 temps à injection directe de 1217 cm3.  Le filtre à air à bain d’huile est disposé à l’avant, au niveau de la partie supérieure du moteur. De marque Bosch, le démarreur est positionné quant à lui en bas, au niveau de la partie basse du bloc.

 

Côté droit du moteur. Verticale, la sortie d’échappement est orientée vers le bas et se voit légèrement recourbée au niveau de son extrémité. Le collecteur d’échappement domine sur la goulotte de remplissage en huile moteur. Celle-ci est disposée juste au-dessus de la dynamo, estampillée Bosch. On notera que cette dernière cache en partie la pompe hydraulique, elle aussi de marque Bosch.

  Le D-219 sera produit de 1962 à 1966 sur les chaînes de Neuss. Sa production globale demeurera relativement modeste dans la mesure où elle n'excède pas 5062 unités. Robuste et aisé d'entretien, ce modèle constitue un outil de travail polyvalent. Ce tracteur s'adresse aux petites et moyennes exploitations. Les plus gros exploitants trouveront en ce modèle un excellent tracteur de cour. Dès 1965, la firme propose à son catalogue la nouvelle gamme Common Market. Les modèles 523 et 624 seront les premiers tracteurs de cette série à être fabriqués sur le territoire germanique. 

Erwan Marrec a acheté son D-219 alors qu'il n'avait que 15 ans. Il en a entrepris la restauration avec l'aide de son père. 

Le D-219 photographié pour ce galop d’essai provient du Finistère, à seulement quelques kilomètres de l'écomusée de Plouigneau. Passionné jusqu'au bout des ongles, Erwan Marrec, son propriétaire, en a fait l'acquisition à l'âge de 15 ans. Son père Hervé lui a transmis sa passion pour les tracteurs et matériels estampillés International Harvester. « Ce D-219, nous l'avons déniché sur un site de petites annonces. A l'époque, avec mon père, nous étions plutôt à la recherche d'un 324 ou d’un 326. Le fait que le D-219 n'ait été produit qu'à 5062 exemplaires et qu'il disposait d'une barre de coupe nous a engagé à l’acheter rapidement. Seul petit bémol, le tracteur se trouvait en Isère ! Nous avons opté pour le recours à un transporteur.» Une fois le tracteur arrivé, Erwan et Hervé ont procédé à un inventaire précis des travaux à réaliser. Si la partie carrosserie avait plutôt bien traversé l'épreuve du temps, la mécanique avait beaucoup souffert. Tout a dû être repris de A à Z à ce niveau. Présentant un niveau de jeu important, le vilebrequin a été changé, tout comme l'ensemble chemises / pistons, les coussinets et la segmentation. La culasse a été rectifiée et la pompe à huile refaite. Si l'embrayage a été remplacé, la boîte de vitesses était en parfait état. Le travail s'est poursuivi avec la reconstruction à l'identique du support de batterie. Le radiateur a été refait par un spécialiste. Côté carrosserie, les éléments étaient dépourvus de toute corrosion perforante. Ils ont été sablés, planés puis mis sous apprêt et en partie enduits avant d'être laqués dans leur livrée originelle. Les logos de capot en aluminium ont été microbillés. Phares, feux et adhésifs spécifiques ont été achetés auprès d'un professionnel germanique de la pièce détachée. Au cours de leur chantier, Erwan et Hervé ont eu la chance de dénicher un jeu de masses de lestage complet destiné aux jantes avant et arrière. Voilà qui allait faire de leur McCormick le « nec plus ultra » des D-219 ! Cette cure de jouvence s'est échelonnée en l'espace d'une année de loisirs. Le 219 a effectué sa première sortie lors de la Fête des belles mécaniques de Plouigneau, le 25 août 2013.

 

En fonte d'acier, ces masses de lestage venant se monter au niveau des jantes avant et arrière étaient proposées en option. Elles se révèlent particulièrement précieuses dans le cadre du labour.

 

Surgissant d'une petite grange bretonne, le D-219 captive soudain notre attention de par sa morphologie et la sonorité caractéristique de son bicylindre diesel. Avec ses formes rectilignes, ce tracteur compact respire la robustesse et la simplicité. On prend place à bord ? Le siège « coquille » du conducteur est en tôle d'acier emboutie. Disposé sur un plan incliné, le volant trois branches est doté d'une jante en bakélite noire. Le schéma de la grille de vitesses est classique : première en haut à gauche, seconde en bas à gauche, troisième en haut au centre de la grille, quatrième en bas au centre, cinquième en haut à droite et sixième en bas à droite. Quant à la marche arrière, elle est disposée en haut, à l'extrême gauche de la grille.

 

Laqué de la livrée principale du tracteur, le siège conducteur est réalisé en tôle d’acier emboutie. Ce dernier est agrémenté à l’arrière du logo Mc Cormick constitué de lettres blanches surlignées de noir. A l’époque, l’acquéreur d’un tel tracteur pouvait également obtenir en option un siège rembourré.

 

Un petit galop d'essai ? Il faut tout d'abord enfoncer la clé de contact. S'allument instantanément le témoin de charge (rouge) et le témoin de pression d'huile (vert). Le tracteur venant de tourner, il n'est pas indispensable de préchauffer. J'actionne donc la tirette du démarreur -qui est d'ailleurs la même que celle du préchauffage- au maximum. Le petit bicylindre Diesel répond instantanément. Pour Erwan Marrec, ce tracteur est loin d'être un objet statique. Aussi n'hésite t-il à le faire travailler régulièrement : « Je l'utilise assez souvent au labour où il est attelé à une charrue monosoc Huard HM2. Lorsque la terre est difficile, je fais évoluer l'ensemble en seconde alors que dans le cas d'une terre plus souple, l'opération s'effectue en troisième. Pour avoir utilisé le 219 au labour avec et sans masses de lestage au niveau des jantes, je peux vous confirmer que ces dernières apportent un réel confort de travail et n'ont rien de superflu. Sur route par contre, les masses de jantes avant jouent quelque peu les trublions et peuvent être quelque peu déstabilisantes même, surtout dans le cas où les rotules de direction présentent ne serait-ce qu'un faible niveau d'usure... » Dans ce cas précis, vous aurez alors l'impression que l'essieu avant de notre tracteur a quelque peu la tremblote. Erwan utilise également son 219 pour le fauchage, à l'aide de la barre de coupe latérale. Ultra maniable, il révèle une certaine souplesse d'utilisation lors de cet exercice. Sur un terrain plan, l'opération de fauchage peut s'effectuer en troisième alors que sur un terrain accidenté, il conviendra de travailler en seconde. 

Cet exemplaire est doté d’une barre de coupe latérale International Harvester de type F4-51. Cet équipement de fauche est entraîné par une prise de force ventrale, un composant qui était proposé en option sur ce tracteur.

A mon tour de prendre les commandes du D-219 ! J'embraye puis j'enclenche la seconde tout en actionnant la commande d'accélérateur.  Sans être un « foudre de guerre », le D-219 témoigne néanmoins d'un certain couple. Tel un « solide gaillard », notre McCormick s'attaque aux montées les plus ardues avec vigueur. Sur une route plane, il est à même d'évoluer en sixième en toute décontraction. Comme l'a précisé Erwan Marrec, il est préférable de réserver les masses de lestage des jantes avant pour un usage aux champs…Côté freinage, le McCormick tire plutôt bien son épingle du jeu. Tous ceux qui ont utilisé ce tracteur à l'époque et qui l'utilisent encore aujourd'hui vous confirmeront qu’il représente un outil de travail empreint de robustesse et de vivacité. Comme toujours, la longévité de sa mécanique dépend avant tout de l'entretien dont elle a fait l'objet. Avec des vidanges effectuées en temps et heure et des filtres changés régulièrement, ce moteur peut vous mener très loin, et même très loin. Comme tout tracteur, le D-219 n'est pas exempt de défauts. Ses utilisateurs lui reprochent notamment un certain manque de précision au niveau de son relevage hydraulique, très en deçà du relevage Modulor du F-137 D. Quoi qu'il en soit, il demeure un modèle attachant, accessible à toutes les bourses. Voilà de quoi apporter une petite touche germanique à votre collection, n'est-ce pas chers lecteurs ?  A l'heure où nous écrivons ces lignes, Erwan et Hervé s’attèlent à la remise en état d'une presse botteleuse IH F5-112. Une fois que celle-ci sera terminée, elle reprendra du service de concert avec le D-219 et le F-137 D de la collection. Une fois que ce chantier sera terminé, Erwan s'est fixé pour défi de dénicher et restaurer un 324 ou un 326.... Affaire à suivre !  

Milles mercis à la famille Marrec pour son accueil, sa gentillesse et sa grande disponibilité lors de ce reportage.

 

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