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Manitou, première partie 1944-1959 : vers le chariot élévateur idéal

Comptant aujourd'hui parmi les leaders mondiaux dans le domaine des chariots élévateurs et des télescopiques, Manitou est également l'une des plus anciennes entreprises françaises de construction d'engins de manutention. Tracteur Rétro revient, à travers une saga de trois épisodes, sur l'histoire de cet exemple national et sur les origines et le développement de l'entreprise Braud & Faucheux et de ses chariots élévateurs. L’aventure a débuté en 1944, il y a 80 ans. Texte : Claude Brard - Photos : Christian Bedeï - Archives photos : Manitou.

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S’il fallait remonter aux origines, l’histoire de Manitou débute il y a plus de 150 ans, à Saint-Mars-la-Jaille (Loire-Atlantique, ancien département de Loire-Inférieure). Le bourg se situe à une vingtaine de kilomètres d’Ancenis, là où se trouve le siège social et le site de production de l’entreprise depuis sa création en 1944. C'est en 1870, au Petit Auverné, un hameau de Saint-Mars-la-Jaille, que naît Alexandre Braud. Vingt ans plus tard, il s’installe comme réparateur de machines agricoles dans cette commune. A la demande des agriculteurs de la région, ce dernier se lance dans la production de manèges à chevaux et de batteuses. L’affaire sera reprise dans le courant des années 1930, par son fils ainé, Alexandre. Dans les années 1950, Braud se lancera avec succès dans la production de moissonneuses-batteuses automotrices, devenant le leader français et l'un des plus grands constructeurs européens en la matière. De son côté, Marcel Braud, frère cadet d’Alexandre, part s’établir à Ancenis. Il y fait la connaissance d'Andrée, qu'il épouse quelque temps plus tard, et intègre l'entreprise de ses beaux-parents, alors marchands de grains, d’engrais et d'aliments pour le bétail. Septembre 1939, la guerre éclate. Marcel rejoint les rangs de l'armée française, avant d'être démobilisé quelques mois plus tard. Il entre alors aux usines Batignolles-Chatillon à Nantes, spécialisées dans la construction mécanique et la réparation de locomotives. Fin 1940, il revient à Ancenis. Toujours aussi passionné de mécanique, il songe déjà à des lendemains de paix et au fait qu’il faudra reconstruire la France après le conflit. Tout en continuant à gérer l'entreprise de ses beaux-parents, il conçoit, en secret et avec l’aide d’un de ses amis, Jean Rabine, des matériels de construction tels que des bétonnières, presses à parpaings et grues de chantier. Pour que les plans et certaines pièces ne tombent pas aux mains de l'armée allemande ou des services de Vichy, ils sont dissimulés dans des silos et autres moyens de stockage des aliments pour le bétail. Une fois les prototypes assemblés, ils sont cachés, avec les gabarits servant à les construire, dans des fermes voisines d'Ancenis. Cette mesure permet aussi de protéger tout ce matériel d'éventuels bombardements.

Marcel Braud père. Ce dernier est à l'origine de l'entreprise qui portera son nom, grâce aux matériels de constructions qu'il étudiera et développera avec son ami Jean Rabine, durant l'occupation. Les deux hommes cacheront plans, gabarits et prototypes pour ne pas qu'ils tombent entre les mains de l'occupant ou pour qu'ils ne soient pas détruits par d'éventuels bombardements. Résistant, Marcel Braud tombera lors des combats de la libération d'Ancenis en août 1944.

Suite au débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944, Ancenis se retrouve situé dans une zone stratégique (avec la Loire et la proximité de la voie ferrée Nantes-Paris). Le 5 août 1944, la ville est libérée par les Américains. Marcel Braud, qui fait partie d’un groupe de résistants, participe aux combats qui font rage dans Ancenis. C'est durant l'un d'eux qu'il tombe sous les balles allemandes.  Andrée Braud, son épouse, devient veuve avec ses deux enfants, Marcel, 13 ans et Jacqueline, 13 mois. La mère s’entretient plus tard avec son jeune fils et lui confie : « Si tu es d’accord, nous allons continuer l’œuvre que ton père a commencée, mais j’aurai besoin de toi ». Afin de produire et de commercialiser les trois matériels de chantier mis au point par son mari, Andrée créé, en septembre 1944, la société « Braud Mécanique Générale ». Elle est aidée dans un premier temps par cinq jeunes ouvriers rapidement embauchés, qui rejoignent les premiers ateliers situés avenue de la gare, à Ancenis (elle deviendra l’avenue de la Libération en 1946). Petit à petit, mais difficilement (la France manque de main-d'œuvre masculine qualifiée), elle embauche tourneurs, fraiseurs, ajusteurs, monteurs, ainsi qu'un jeune ingénieur. Devenant le premier directeur technique de l'entreprise, celui-ci est en charge du contrôle et de l'organisation de la production. Une tâche compliquée en ces temps difficiles. Comptable de métier, Andrée Braud se charge de la commercialisation.

En septembre 1944, Andrée Braud décide de continuer l'œuvre de son mari en créant les Etablissements Marcel Braud. Ces derniers s'installent dans des ateliers situés avenue de la gare à Ancenis, qui deviendra peu de temps après l'avenue de la Libération.

Bien que présentant quelques imperfections, les premiers matériels trouvent rapidement acquéreurs auprès de petites et moyennes entreprises de maçonnerie et de construction. Une clientèle pour laquelle ces équipements ont été pensés et développés. En 1946, Braud Mécanique Générale participe à sa première foire, à Ancenis. Sont exposés un premier modèle de grue, baptisé La Sapine (dont la flèche atteint 10 m), une presse à parpaings et trois modèles de bétonnières. La même année, la jeune entreprise expose également à la foire de Paris et à celle de Nantes. L’engouement pour ces nouveaux produits est tel que les délais d’attente dépassent les deux ans. Comme le mentionnait Marcel Braud : « Là où nous devions construire 100 machines, nous ne pouvions en produire en moyenne qu'une cinquantaine. Nous manquions de main-d'œuvre, mais aussi d'ingénieurs ou de commerciaux compétents pour faire évoluer rapidement nos matériels et occuper de plus en plus le terrain, face à des firmes plus anciennes et plus importantes telles que Richier, Potain ou Boilot. »

La première grue produite par les Ets Braud fut le modèle Sapine, dont la flèche s'élevait à 10 m de haut. Un exemplaire a été sauvegardé par le groupe Manitou et trône à l'entrée de l'usine d'Ancenis, rappelant les premiers matériels qui firent la notoriété de l'entreprise.

Parmi les autres matériels phares produits par l'entreprise dès 1944, on trouve également des bétonnières, dont ce modèle trois roues type G 360.

 

En 1946, les Ets Braud participent à leurs premières foires expositions, dont celle de Paris. Le jeune Marcel Braud pose à gauche de cette presse à parpaings. Derrière lui, Jean Rabine, l'ami de son père qui aida ce dernier à concevoir ces matériels.

 Afin de répondre efficacement et rapidement à ses clients tout en développant l'entreprise, Andrée Braud décide de faire appel à un partenaire pour la seconder, principalement dans l'usinage de nombreuses pièces. Fabricant de bétonnières, Henri Faucheux, frère cadet de Robert Faucheux, grand constructeur national de grues, dont l'entreprise se trouvait à Chartes, se montre intéressé et propose d'apporter son savoir-faire technique à l'usine Braud. Henri Faucheux va très vite devenir directeur technique puis directeur général et enfin actionnaire (27% des parts) de la société qui devient la « SARL Braud et Faucheux » en 1953.

Henri Faucheux, l'homme du changement et de la dynamisation. Ayant rejoint la société à la fin des années 1940, il occupe le poste de directeur technique avant de s'associer à la famille Braud. Il devient second actionnaire de l'entreprise, qui prend la dénomination Braud & Faucheux en 1953. Il en sera par la suite le directeur général.

L'heure est au développement et à l'agrandissement des ateliers. Très impliqués dans la vie de l'entreprise et dans son avancée, les ouvriers travaillent aussi le samedi de 5 heures à midi et participent à la construction des extensions, quelquefois même en dehors de leurs heures de travail. Comme nous l'indique Marcel Braud : « Beaucoup de ces derniers sont arrivés dans l'entreprise comme apprentis et y ont fait leur carrière. Ils ont ainsi acquis une solide expérience qu’ils ont su mettre à profit pour la plupart, jusqu’à leur départ à la retraite, transmettant aussi leur savoir-faire aux nouvelles générations d'ouvriers spécialisés. »  Grâce à l'arrivée d'Henri Faucheux, les produits se modernisent au fil des mois et la production augmente enfin, dynamisant l'entreprise. La gamme des grues se diversifie et les modèles sont améliorés. Elles sont à la fois allégées et renforcées pour être plus facilement et rapidement mises en œuvre ou déplacées derrière un camion ou un utilitaire léger. Les bras et mâts sont plus facilement repliables, les roues sont montées sur pneumatiques... Les bétonnières et les hydro-bétonnières comptent parmi les machines les plus populaires au catalogue. L'un des best-sellers est la TH 300 à tambour horizontal. Elles connaissent aussi des améliorations, dont l'une des plus importantes porte sur l'adoption d'un chargeur hydraulique à la place de celui à câbles et à treuil, permettant de monter et de benner le skip (godet pouvant être rempli en grande quantité, et à ras du sol, de sable et de ciment) dans le tambour malaxeur.  Henri Faucheux impose aussi la modification des voies de ces matériels afin qu'ils puissent être plus facilement remorqués derrière un véhicule. Braud & Faucheux demeure fidèle aux petits entrepreneurs et aux sociétés de construction de taille moyenne, continuant de s’adapter à leurs besoins comme à ceux de certaines professions. Les ateliers réalisent ainsi des matériels spécifiques, comme, par exemple, une grue pour les puisatiers ou bien des malaxeurs.

 

Andrée Braud sur le stand de l'entreprise, lors de la foire de Nantes, en 1949. Bétonnières et hydro-bétonnières côtoient des presses à parpaings et plusieurs modèles de grues, dont un modèle pour puisatier, visible derrière Mme Braud.  

 

Henri Faucheux sera entre autres à l'origine de la modification de la largeur des voies sur les hydro-bétonnières, afin qu'elles soient identiques à celles des véhicules tracteurs pour faciliter les déplacements sur route (comme ici ce modèle G 330 attelé à la Citroën C4 plateau de l'entreprise).

En 1954, Henri Faucheux lance également le modèle BH 330. Première bétonnière à chargeur et basculement hydraulique, cette machine va révolutionner le monde du bâtiment.

Un chantier en 1959. La grue est une BF 10 (hauteur 11 m) et la bétonnière, un modèle H330. A l'époque, le catalogue Braud & Faucheux proposait 5 types de grues.

Après des études de mécanique et de nombreux stages dans d'autres sociétés, Marcel Braud rejoint l’entreprise en 1954. A la demande de sa mère, il est pris en charge par Henri Faucheux, qui comme l'indique Marcel Braud, va le faire travailler aussi durement que s’il avait été son père. « Il m'a fait passer par tous les postes de l'entreprise et en premier lieu ceux des ateliers : découpe, soudure, montage, chargement... Je faisais les mêmes heures que les ouvriers, si ce n'est plus... » Souvent, le vendredi soir, une fois sa journée de travail terminée, Marcel prend le train de nuit pour aller monter les grues chez des clients ou les stands sur les foires et les salons. « Le fait d'assembler le matériel, me permettait, comme le faisait remarquer Henri Faucheux, de contrôler les réalisations et, dès le lundi venu, d'expliquer aux différents ouvriers ce qui n'allait pas sur les machines. Des modifications et des perfectionnements étaient ainsi rapidement apportés pour être à la pointe de l'excellence ».

A partir de 1954, Marcel Braud rejoint l'entreprise. Ce dernier va passer par tous les postes que compte la société, travaillant aux côtés des ouvriers et sous les ordres des différents chefs d'ateliers. En 1956, il devient contremaitre. On le voit ici en train de tirer le châssis d'une petite bétonnière, dont le moteur Bernard vient d'être installé.

La qualité des matériels Braud & Faucheux est telle que les commandes ne cessent d'affluer de toute la France, si bien que l'entreprise ralentit temporairement son activité à l'export, se concentrant sur la production nationale. En cette fin des années 1950, Marcel Braud devient contremaître en charge l'approvisionnement des postes de production. Très vite, il remarque la difficulté à transporter et manutentionner, au sein des ateliers, d'importantes et lourdes charges.  Afin d'améliorer et d'optimiser ce travail, il propose à Henri Faucheux d'acquérir un chariot de manutention. Le choix se porte sur un engin à trois roues Matral, à moteur Bernard W 110. Ce dernier va changer la vie des ateliers, permettant désormais de déplacer plus facilement et plus rapidement d'un poste à un autre de lourdes caisses d'éléments mais aussi des palettes (configuration nouvelle pour les ouvriers) sur lesquelles sont désormais rangées d'importants lots de pièces. Marcel adapte même un petit crochet d'attelage à l'avant afin de tracter les bétonnières de l'usine au parc de stockage, puis jusqu'à la gare de marchandises. Il se sert aussi de l'engin pour charger les wagons, mais le Matral, équipé de roues à bandages, montre ses limites, patinant souvent lorsqu'il s'agit de faire grimper les matériels sur les plateformes. Idéal dans les ateliers, le chariot n’est pas efficace en extérieur. C'est alors que Marcel à l'idée de réaliser un engin équipé de quatre roues. En augmentant l’adhérence, l’outil devait être à l’aise sur tous les terrains. Mais l’entreprise a d’autres priorités. Marcel et les ingénieurs et techniciens de l'entreprise décident de plancher sur un nouveau modèle de chariot trois roues plus léger et équipé d’un mât télescopique à fourches. Il est destiné à porter et à lever à plus de deux mètres du sol, une palette ou une masse maximale de 500 kg. Ainsi naissent, en 1957, les deux premiers chariots élévateurs de la marque. Le conducteur dirige l'engin, en marchant derrière lui, grâce à un guidon, agissant sur une monoroue. Le portique télescopique a été entièrement conçu et construit chez Braud & Faucheux. Le type C1 peut ainsi lever une charge maximale de 300 kg et le C2, 500 kg. Leur mât peut monter jusqu'à 3 mètres. Facilitant la manutention dans les ateliers et les usines, l'engin sur pneumatiques peut aussi rouler plus aisément en extérieur.

Afin de remplacer le chariot de manutention Matral, utilisé dans les ateliers dès 1956, Marcel Braud se voit confier (à sa demande) par Henri Faucheux, et avec le concours du bureau d'études, la conception d'un chariot gerbeur équipé d'un bras télescopique permettant la manutention jusqu'à 3 mètres de haut de charges de plusieurs centaines de kilos, comme ici avec ce modèle CE 1. Celui-ci, qui se conduit en marchant derrière, présente une charge utile de 300 kg, tandis que le type C2 peut transporter et lever jusqu'à 500 kg.

A partir de 1958, les C1 et C2 sont modifiés, intégrant un poste de conduite dit à « conducteur porté » à l'image de ce modèle CE 2 restauré et présenté au sein du musée Manitou

A partir de 1958, les CE 1 et CE 2 sont rejoints au catalogue par les premiers types de chariots à poste de conduite intégré. Proposés en mode trois roues et avec la seule roue arrière directrice, le CE 3 peut lever 1000 kg. Le modèle CE 4, portant une charge maximale de 1200 kg, est en fait une version à quatre roues du CE 3, permettant enfin de travailler en toute tranquillité en tout terrain. Les deux modèles utilisent le châssis et la motorisation (Bernard W112) des dumpers Sambron. C'est en voyant le dumper sur un salon que Marcel Braud a trouvé en ces petits engins de chantiers, la base idéale à la réalisation de son premier chariot quatre roues. Si le moteur W112 procure 8 ch sur le CE 3, il offre 10 ch au CE 4.

La gamme CE est complétée par le modèle CE 3. Pouvant lever une charge utile de 1000 kg, ce modèle trois roues est réalisé sur les bases d'un dumper Sambron D3R. Le déclenchement de la benne se fait encore manuellement sur cet exemplaire conduit par Jean Rabine.    

Arrivée fin 1957, la seconde version du CE 3 dispose quant à elle du système de basculement hydraulique de godet, bien plus facile et rapide à utiliser.

Comme l'indique Marcel Braud : « L'engin a rapidement montré ses limites. N'étant pas prévu pour lever et porter le lourdes masses, la mécanique montra quelques faiblesses, notamment avec de la casse sur les arbres de roues. Malgré cela, il intéressera plus d'une entreprise de BTP et trouvera aussi et rapidement sa place chez les négociants en matériaux. Braud & Faucheux est prêt à améliorer l'engin, en partenariat avec Sambron, mais ce dernier ne se montre pas plus intéressé que cela. Il rechigne à apporter quelques modifications et à renforcer certains éléments mécaniques, préférant continuer seul à produire ses dumpers, plutôt que de s'aventurer dans le domaine du chariot élévateur. Au terme d'une production qui comptera un peu plus de 200 exemplaires du CE 4, Braud & Faucheux se penche sur une évolution de son modèle quatre roues et recherche rapidement un nouveau châssis. Entre temps, la marque a fait évoluer ses chariots CE 1 et CE 2 en matériel à « conducteur porté », augmentant au passage leur capacité de levage. Celle-ci passe à 700 kg pour le CE 1 et 800 kg pour le CE 2.       

 

Version à quatre roues du CE 3, le CE 4 sera considéré comme le premier chariot élévateur « tous terrains », de la marque. Également réalisé sur les bases du Sambron D3R, l'engin peut porter jusqu'à 1200 kg. L'essieu arrière directeur offre une meilleure configuration de conduite au conducteur que la position « à cheval » du CE 3.

Afin de remplacer le Sambron comme base de leur chariot à quatre roues, Marcel Braud et ses techniciens cherchent un nouveau matériel capable de leur donner satisfaction. L'idée leur est soufflée par M. Besson, directeur de l'entreprise Chamas & Besson, alors fournisseur des vérins hydrauliques installés sur les chariots CE. Ces vérins assurent l'inclinaison des fourches ou d'un godet, ainsi que la montée et la descente du mât télescopique. M. Besson invite ses interlocuteurs à utiliser un tracteur agricole, leur expliquant qu'un modèle de grande série présente plus de robustesse et de fiabilité. Il offre aussi des garanties étendues, ainsi que la fourniture de pièces détachées pendant 20 ans.

La collaboration avec Sambron tournant court, Braud & Faucheux décide, sur les conseils de son fournisseur en vérins et distributeurs hydrauliques, M. Besson (société Chamas & Besson), d'utiliser comme base un tracteur agricole. Marcel Braud choisit alors le Farmall Super Cub pour réaliser ce nouveau chariot « tous terrains » baptisé MC 5. Issue d'un dépliant publicitaire du début des années 1960, l'image de gauche présente le MC 5 au chargement de graviers. Marcel Braud est à son volant. L'autre image montre le MC 5 équipé d'un autre outil du catalogue : une trémie pour la manutention en vrac de sable, de graviers ou de cailloux. L'un des atouts du MC 5 était de pouvoir changer d'équipement en seulement 3 minutes.

Après avoir regardé plusieurs petits modèles du marché, Marcel Braud achète un Farmall Cub produit à l'usine IH de Saint-Dizier. Dès son arrivée à l'atelier, le tracteur est en partie dépouillé. L’attelage et le relevage mécanique sont déposés et les modifications commencent. Comme l'indique Marcel Braud : « Nous avons retourné le poste de conduite et le différentiel. La couronne ne passant pas dans le carter en fonte, nous avons dû le meuler intérieurement pour réaliser cette adaptation. Le châssis poutre du Cub a été renforcé par un cadre en acier, permettant d'adapter et de fixer le mat élévateur, la commande hydraulique et son réservoir d'huile. Enfin, nous avons dû modifier l'essieu avant, devenu train arrière. L'une des premières tâches consista à réaliser des renvois, des biellettes et une crémaillère, permettant de tourner les roues dans le bon sens. Nous avons ensuite ajouté un contrepoids épousant au mieux les contours du train. Il a été dessiné dans nos bureaux et réalisé par la fonderie Bouhyer, notre fournisseur pour tous les contrepoids de bétonnières et aussi ceux installés de part et d’autre de la monoroue directionnelle de nos chariots CE. Une fois ce contrepoids installé, la direction devenait trop lourde et le volant pratiquement impossible à tourner. La solution est une fois de plus venue de M. Besson, qui a eu l'idée d'intégrer un vérin hydraulique à double effet. Ainsi a été créée la première direction assistée pour engins de manutention et de TP ».

Cette vue trois quarts arrière du MC 5 permet de mieux voir l'imposante masse en fonte installée au niveau de l'essieu arrière, ainsi qu'une partie du système de direction assistée hydrauliquement. Le MC 5 fut le premier engin de manutention et de chantier à être équipé de ce dispositif, conçu et breveté par la firme Chamas & Besson.

Le nouveau chariot tout terrain à quatre roues type MC 5 est achevé à l’automne 1958 (encadré fiche technique à la fin de l’article). L'engin ne soulève que 1000 kg, mais c'est déjà beaucoup pour les entreprises de construction et pour les négociants en matériaux. Ils seront nombreux adopter cet outil fiable, robuste et d’une grande polyvalence. Livré à la base avec ses fourches, il peut, comme le CE 3, être également équipé d'une benne à basculement hydraulique, permettant de charger du vrac, d'une trémie de chantier pour la manutention de sable, graviers, cailloux..., de pinces à parpaings ou d'une potence. Cet équipement est nécessaire chez les fabricants de poutrelles métalliques ou chez les constructeurs de hangars et de bâtiments industriels.  Cette gamme d'outils va s'enrichir d'une « benne à fourche » permettant le chargement de fumier ou d'écorces d'arbres, par exemple. Avec un tel outil, Braud & Faucheux s’ouvre ainsi les portes du monde agricole et forestier. Des MC 5 vont être vendus dans des scieries, de grosses exploitations agricoles, mais aussi dans des coopératives ou chez des négociants en grains, semences et engrais, sans oublier les champignonnières de la vallée de la Loire. Ces dernières disposaient ainsi d’un auxiliaire de choix pour charger et préparer les lits de fumier nécessaires à la culture des champignons de Paris. La direction assistée est un atout qui permet à Braud & Faucheux de prendre une longueur d'avance sur ses concurrents.

Le MC 5 au travail avec sa pince à parpaings à fonctionnement hydraulique.      

Le succès du MC 5 ne se fait pas attendre, et dès 1959, c'est par dizaines que les Farmall Cub arrivent sur wagons à la gare d'Ancenis pour rejoindre ensuite les établissements Braud & Faucheux afin d'y être modifiés. La capacité de la chaîne de production se retrouve parfois si engorgée, que Marcel fait appel à son oncle et aux infrastructures de l'usine Braud de Saint-Mars-la-Jaille pour sous-traiter le démontage et une partie de la préparation des Super Cub, produits depuis 1958 par l'usine IH de Saint-Dizier. A l'époque, Marcel Braud et son équipe planchent aussi sur un modèle plus puissant et aux capacités de levage et de transport accrues, afin de répondre aux demandes de la clientèle. Sa commercialisation est prévue en 1960.

 A suivre : Manitou 2ème partie
1960-1969 : le grand sachem du chariot élévateur
Mise ligne mercredi 22 mai     

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