Incontournable dans l’histoire de la firme Deutz, la série D vient d’une part succéder à la série 612 et d’autre part remplacer progressivement la génération des 514. Tracteur de 14 ch, le D15 est équipé d'un moteur monocylindre de type F1L 712 dont la cylindrée est de 850 cm3. Le D 25 atteste quant à lui d'une puissance de 20 ch. Sa mécanique est un bicylindre de type F2L 712 de 1700 cm3. Quant aux D 40, D 50 et -plus tardivement- le D 80, ils adoptent respectivement les moteurs 3, 4 et 6 cylindres de type F3L 712, F4L 712 et F6L 812. Côté puissance, ces moteurs affichent 38, 46 et 75 ch.
Chez Deutz, l’effet de gamme a toujours été prédominant, à travers une certaine unité stylistique. Tracteur de 20 ch, le D 25 a connu un grand succès commercial à l’échelon européen.
Le modèle qui nous intéresse plus particulièrement aujourd'hui est le D25. Ce tracteur de 20 ch est choisi à l'époque par une multitude d'agriculteurs. Il est décliné au catalogue en deux versions, le D 25 et le D 25 S. Sur les exploitations aux surfaces inférieures ou égales à quarante hectares, les D 25 font généralement office de tracteurs principaux. Pour les exploitations plus conséquentes, ils constituent d’excellents tracteurs de cour. Robuste et endurant, le moteur bi-cylindre du D 25 est refroidi par air, offrant l'énorme avantage d'un démarrage aisé en toutes saisons. Un atout majeur face à quelques-uns de ses concurrents directs. Accessible et aisée d'entretien, cette mécanique joue la carte de l'endurance et de la robustesse.
Le D 25 bénéficie d’une boîte de vitesses à l’étagement optimal, sur route comme au champ. Les différentes variantes et évolutions du D 25 S disposaient en série d’un réducteur, permettant de doubler le nombre de rapports de boîte.
Doté d'un embrayage monodisque à sec, le D 25 standard bénéficie d'une boîte de vitesses à cinq rapports, auxquels s'ajoute bien sûr une marche arrière. Quant au D 25 S, il est doté d'un réducteur lui permettant de doubler l'ensemble des rapports. Solide comme le roc, la boîte de vitesses des D 25 et D 25 S offre à ses utilisateurs un étagement optimal. Le catalogue publicitaire du D25 est on ne peut plus convaincant dans son accroche, jugez plutôt : « On s'en souviendra... par la beauté de ses lignes, sa puissance remarquable et sa beauté étonnante : c'est un Deutz. Sûr et toujours prêt à fonctionner, le cultivateur clairvoyant en profitera. » Autant d'arguments imparables pour acquérir ce petit tracteur fabriqué selon les principes fondamentaux du constructeur : rigueur, simplicité et robustesse.
Nombre de D 25 qui ont livrés dans des secteurs géographiques ou l’élevage était prédominant étaient dépourvus de relevage hydraulique, ce qui est le cas de cet exemplaire. Ces derniers étaient alors équipés d’une barre d’attelage. La petite plateforme qui jouxte à la barre participe à la rigidité et à la stabilité de cette dernière.
Curieusement, le relevage hydraulique, élaboré par Bosch, constitue une option sur ce tracteur. L'alternative d'acquérir ou non un relevage hydraulique dépendait très souvent de la région où le tracteur allait être livré. Sur les zones de maraîchage, l'option « relevage hydraulique » était choisie de manière quasi systématique alors que sur les secteurs où l'élevage était majoritaire, cette option était nettement moins répandue.
Simple et polyvalent...
Qu'il s'agisse de labour, de semis, d'épandage, de traitement ou de récoltes, le D25 séduit ses utilisateurs par sa polyvalence. Sur l'échiquier des options disponibles, on note la présence d'un chargeur avant, permettant d'étendre le niveau de polyvalence de ce tracteur de poche. Le D25 a pour atout majeur une maniabilité exceptionnelle et une consommation symbolique en matière de carburant, de l'ordre d’un à deux litres à l'heure...
Les premiers D 25 et D 25 S arborent de petites bandes de couleur jaune, disposées au niveau de la face avant et de la nervure centrale du capot moteur. Embouties, les cinq lettes de la firme Deutz figurant sur le museau du tracteur sont elles aussi laquées de jaune. Cette même teinte est reprise pour le logo « refroidi par air » et les logos latéraux. A partir de 1959, les bandes de couleur et le lettrage de la face avant seront remplacées par des baguettes et des lettres rapportées en alliage léger à la finition dorée.
Dès 1959, Deutz commercialise deux nouvelles évolutions du D 25 et du D 25 S, le D 25.1 et le D 25.1 S. Avec ces nouveaux modèles, l'ère des bandes de couleur jaune au niveau du capot moteur tire sa révérence. Ces bandes cèdent leur place à des baguettes polies et embouties, à l'aspect doré. Par la même occasion, la grille d’aspiration d’air circulaire disposée au niveau de la partie supérieure de la face avant n’est plus peinte de la livrée principale du tracteur. Elle est désormais rapportée et adopte, là encore, une finition à l'aspect doré. Les cinq lettres de la marque Deutz ne sont plus embouties et peintes, mais sont désormais rapportées et arborent elles-aussi cette finition dorée.
Le D 25 est doté d’une mécanique bicylindre de 1700 cm3 de cylindrée. La capacité en huile du bloc moteur est de l’ordre de 4,5 litres. On distingue à l’extrémité supérieure de la mécanique les chapeaux de culasse en tôle d’acier emboutie et les injecteurs. La dynamo est disposée à l’extrémité avant du bloc.
Se nommant D 25.1, le premier de ces 25 de la nouvelle vague dispose du moteur F2L 712/6 de 20 ch. Quant à son frère de gamme, il est muni de la mécanique 25 ch de type F2L 712/5. La boîte de vitesses de ces deux tracteurs est très proche de celle du 25 initial. A l'image des modèles antérieurs, la boîte de vitesses de la variante S est munie d'un démultiplicateur. Sur ces deux nouvelles évolutions du D 25, le relevage hydraulique Bosch demeure optionnel. En marge du dispositif Bosch, il était également possible d'équiper le D 25.1 et le D 25.1S d'un relevage MGF. A partir de 1960, Deutz ne commercialisera plus qu'une seule variante du D 25, le D 25.2. On notera au passage que cette nouvelle variante est dotée d'ailes plus enveloppantes. La mécanique du D 25.2 demeure un F2L 712. De type T25, l'ensemble boîte de vitesses / pont est une pure nouveauté. La boîte s'échelonne systématiquement sur une double gamme, une lente et une rapide. L'utilisateur du D25.2 dispose ainsi de huit rapports AV et de deux marches arrière. Au cours de l'année 1962, les relevages Bosch et MGF, qui étaient montés jusqu'à présent sur le D25, tirent leur révérence et se voient remplacés par un tout nouveau dispositif élaboré par Deutz, le Transfermatic.
Focus sur la planche de bord. On retrouve en haut, au centre, une prise électrique. Un petit plus bas, à gauche, se situe le petit levier voué au préchauffage et au démarrage du tracteur. On distingue à sa droite le contacteur à clé permettant de mettre le tracteur sous tension bien-sûr, mais aussi d’actionner l’éclairage sur trois positions distinctes (veilleuses / codes / phares). Enfin, on retrouve au niveau de la partie basse, de gauche à droite, le poivrier du préchauffage, le témoin de pression d’huile, le témoin de charge et enfin le bouton poussoir de l’avertisseur sonore.
En 1962, la planche de bord évolue quelque peu. En effet, le seul cadran composant la planche de bord -un compte-tours faisant également office d'horotachymètre- n'est plus disposé au niveau de la console verticale mais vient se placer sur le réservoir de carburant. Produite jusqu'à la fin de l'année 1963, cette première version du D 25.2 sera remplacée en 1964 par une ultime évolution de ce tracteur. Toujours de type D 25.2, elle est munie d'une mécanique bicylindre de type F2L 812. En 1965, la série D laisse sa place à la série 05. Aussi le D2505 vient-il remplacer le D 25.2. Motorisé par un bicylindre de type F2L 812S, ce tracteur de 22 ch bénéficie, à l'image de son aîné, d’une boîte de vitesses à huit rapports avant et deux arrière.
Tracteur de famille
Datant de 1958, l’exemplaire qui fait l’objet de cet article est un modèle de première génération. Il a été livré neuf au père et aux oncles de son propriétaire actuel, Jacques Perru, ici avec son fils Guillaume
Dans le cadre de ce galop d'essai consacré au D 25, nous nous sommes rendus dans les Vosges chez la famille Perru, où l'on cultive la passion des Deutz de père en fils. Le D25 qui fait l'objet de ce 72ème galop d'essai n'a pas été choisi au hasard, dans la mesure où il s'agit d'un tracteur de famille. Jacques Perru nous en dit un peu plus. « Ce tracteur a été livré neuf sur notre ferme familiale. Gérée par mon père Hubert et ses deux frères, Paul et Jean, l'exploitation se répartissait sur une cinquantaine d'hectares. Le D25 est venu y rejoindre un David Brown Cropmaster qui était déjà en fonction depuis cinq ans. Le David Brown conserva le rôle de tracteur principal, qu'il assurait d'ailleurs jusqu'à présent. Le D25 était de service dans le cadre du hersage, des fenaisons, du fauchage (il était à l'époque encore équipé de sa barre de coupe) et du fanage.
A l’époque, ce D 25 avait été livré neuf avec une faucheuse latérale de marque Stockey & Schmitz. Cette vue met en exergue la commande finale de la faucheuse, disposée sous le bloc de la cloche d’embrayage.
Dans un premier temps, mon père et ses frères avaient adapté un timon d'attelage sur une faneuse à chevaux ! Par la suite, ils ont fait l'acquisition d'un andaineur à soleils de marque Remy et d’un râteau faneur McCormick. Lorsque le David Brown n'était pas disponible, nous attelions le D25 à une presse moyenne densité, mais le petit Deutz montrait rapidement ses limites en pareille situation. On utilisait également le D25 pour charrier du fumier, mais aussi dans le cadre du travail en forêt en période hivernale où il faisait un peu de débardage. » En 1983, le D25 a été repris par notre concessionnaire local au profit d'un 4006 . Par la suite, deux autres Deutz viendront compléter la cavalerie.» Fin du premier acte ! En 2001, Jacques et son fils Guillaume se sont investis dans le monde de la collection, et, les yeux fermés, ils se sont plongés sans hésitation dans la saga de la firme Deutz. Tiens donc.... Jacques conservait un souvenir ému du D 25 de son enfance. Si lui et son fils Guillaume s'étaient déjà portés acquéreurs de D25 de différentes générations, Jacques s'est fixé pour objectif de retrouver l'exemplaire qui avait été acquis par son père et ses deux oncles. Durant plusieurs années, Jacques a traqué le moindre indice, en retrouvant différents témoins de l'époque, qu'ils soient mécaniciens, commerciaux ou agriculteurs... Aucune piste n'a été négligée, ce qui a permis à Jacques de découvrir d'autres modèles de la marque, endormis au fond de différentes granges de la région.
Retrouvailles émouvantes...
Un jour, un coup de fil d'un ancien garagiste agricole lui stipule qu'un D25 de 1958 se trouvait chez un particulier des environs qui le possédait justement depuis...1983 !!!! Dès le lendemain, Jacques s'est rendu au domicile de cette personne. Le numéro d’immatriculation du Deutz correspondait bel et bien au tracteur de la famille. En effet, Jean Perru, l’oncle de Jacques avait conservé dans un coin de sa mémoire le numéro d’immatriculation du tracteur qu’il avait possédé avec ses frères. Bingo ! Si le D 25 avait quitté l'exploitation de la famille Perru en bel état, Jacques l'a retrouvé dans une configuration « mastic et paillettes » évoquant quelque peu le maquillage d'Yvette Horner. Arborant une livrée vert martelée façon « barbouille », le tracteur était couvert de bosses et avait beaucoup servi au débardage. Les optiques de phares étaient arrachées, les feux manquaient, bref, un bien triste tableau s'offrait à l’acquéreur.... La négociation avec le propriétaire fût de courte durée et le D 25 a rejoint l'antre de la famille Perru en août 2005 ! La remise en état du tracteur s'embraya dans la foulée. Jacques, son fils Guillaume et trois amis se sont investis sans relâche dans ce chantier. D'un point vue mécanique, l'ensemble moteur, boîte de vitesses / pont n'a nécessité qu'un nettoyage et une révision. La partie carrosserie a été confiée à un membre de l'équipe dont c'est la profession. Décapage, ponçage et planage ont donc représenté le quotidien de cette personne sur le temps qu'il pouvait accorder à ses loisirs.... Par la suite, le tracteur a été mis sous apprêt, puis poncé à nouveau avant de recevoir une couche de peinture témoin permettant de déceler les ultimes défauts avant mise en peinture finale. La restauration s'est achevée avec le changement des pneus avant, les pneus arrière ayant été remplacés par le précédent propriétaire. Au total, la restauration de ce « bijou de famille » s'est échelonnée sur une année. L'émotion était au rendez-vous lorsque Jacques a pu présenter le tracteur terminé à Paul et Jean, ses deux oncles alors survivants de la fratrie.
Tracteur robuste et endurant, le D 25 et ses différentes évolutions ont été très largement diffusés de 1958 à 1964. Le relevage hydraulique a toujours constitué une option sur ces tracteurs.
Le D 25 présentait un énorme avantage par rapport à nombre de ses concurrents, celui de disposer d’un essieu avant suspendu. Deux types d’essieu semblent avoir équipé les les D 25. Le premier d’entre eux se compose de deux jeux de lames de ressort, complétées par un tampon en caoutchouc par roue. Le second type d’essieu avant se compose d’un essieu télescopique, là encore complété par un tampon par roue.
Construit pour durer, le D25 a connu un très gros succès commercial. Disposant d'une direction ultra précise, le petit Deutz était un exemple de maniabilité. Contrairement à moult de ses concurrents, le D 25 est muni d'un essieu avant suspendu, un atout non négligeable. Chez Deutz, le confort de travail et d'utilisation n'ont jamais été de vains mots. C'est aussi en ce sens que le constructeur a doté l'ensemble des modèles appartenant à la série D de sièges suspendus par un amortisseur télescopique.
Deutz a toujours porté une attention particulière au confort de travail et d’utilisation. Tous les modèles appartenant à la série appartenant à la série D disposent d’un siège en tôle emboutie soigneusement rembourré et habillé de simili cuir vert et surligné de liserés jaune. Ces sièges sont systématiquement suspendus par un amortisseur télescopique.
Tous les agriculteurs qui ont utilisé un D 25 vous confirmeront la très grande robustesse de ce modèle. Comme le souligne Pierre Berthelot, agriculteur retraité qui a utilisé un D 25 au quotidien durant six ans, ce modèle n'avait qu'un seul défaut majeur : « A mon point de vue, la seule ombre au tableau au niveau de ce petit tracteur réside dans le fait qu'il ne disposait pas de prise de force indépendante, dans la mesure où il disposait d'un embrayage à simple effet. Voilà qui représentait un handicap par rapport à certains de ses concurrents de l'époque. » On notera par contre que son frère de gamme, le D30, était doté d'une prise de force indépendante. Frais comme un gardon, l'exemplaire de D 25 qui fait l'objet de cet article participe régulièrement à des sorties. Peut-être le croiserez-vous un jour sur la route.