L'ère des Renault à « capot carré » a marqué son époque. Ces tracteurs se répartissent en trois gammes : basse, moyenne et haute. La dénomination commerciale de chacun de ces modèles est chiffrée. Dans chacun des cas, les deux premiers chiffres de cette dénomination correspondent à la puissance du tracteur. La gamme basse se compose de quatre modèles : le 301, le 361, le 421 et le 461. Ces derniers sont systématiquement équipés de moteurs MWM refroidis par air. D'une puissance de 30 ch, le 301 (R7411) bénéficie d'un moteur moteur 2 cylindres de type D327-2 de 1884 cm3. Tracteur de 36 ch, le 361 (R7421) reçoit un 3 cylindres 2552 cm3 de type D325-3. Enfin, le 421 (R7431) et le 461 (R7441) accueillent un 3 cylindres D327-3 de 2827 cm3. Leur puissance est respectivement de 42 ch et 46 DIN.
Modernes, robustes et stylisés, les Renault à capot carré ont marqué leur époque. Comptant aujourd'hui parmi les « quadras », ils retiennent désormais toute l'attention des collectionneurs.
Les tracteurs composant la gamme moyenne sont les suivants : 461 (R7441), 462 (R 7442), 551 (R7451), 556 (R7456), 571-4 (R7223), 651 (R7461), 652 (R7462) et 656 (R7466). Les 462 et 652 sont les variantes Travaux Publics des modèles 461 et 651. Les 556 et 656 sont, quant à eux, les variantes étroites des modèles 551 et 651.
Vue du moteur côté gauche. Tout comme le 421, le 461 reçoit un moteur à 3 cylindres MWM de type D327-3 de 2827 cm3. Sur la partie supérieure du moteur, apparaissent les ailettes de refroidissement des cylindres ainsi que les tubes des tiges de culbuteurs. En bas, à l'extrémité avant du moteur se trouvent les pompes hydrauliques du relevage et de la direction hydrostatique. Juste derrière est placé le bouchon de remplissage en huile moteur, puis la pompe à injection rotative CAV Rotodiesel. Cette dernière domine sur la plaque constructeur moteur.
Le 551, tout comme le 556 intègrent le 3 cylindres D226-3 de 3117 cm3. Le 571-4 - issu de chez Carraro – bénéficie d’un moteur 3 cylindres de 3150 cm3 , alors que le 651 (tout comme ses variantes 652 et 656) adopte le 4 cylindres D-227-4 de 3770 cm3. Une version 4 x 4 du 651, le 651-4 fut proposée au catalogue à partir de décembre 1972. Il aura fallu attendre avril 1976 pour voir apparaître au sein de la gamme le 551-4. Quant aux tracteurs appartenant à la gamme haute, ce sont les modèles 681 (R7491), 751 (R7621), 851 (R7661), 951 (R7641), 1151-4 (R7674) et 1451-4 (R7694). Si le 751 et le 951 entrent en production à partir de décembre 1973, le 851 marque son entrée en février 1974, le 1151-4 en juin 1974, le 1451-4 en décembre 1974 et le 681 en janvier 1979. Ce dernier dispose du 4 cylindres D227-4, alors que le 751 et le 851 sont tous deux motorisés par le 4 cylindres de type D226-4. A partir de 95 ch, une motorisation 6 cylindres est retenue avec le D227-6 sur le modèle 951. Le 1151-4 et le 1451-4 sont respectivement motorisés par le D226-6 et le TD228-6.
Représentant le plus petit tracteur de la gamme moyenne, le 461 constituait un outil de travail ultra robuste. L'ensemble des modèles constituant la gamme Renault de l'époque étaient sur la même lignée stylistique.
Revenons maintenant sur le 421 et le 461. Très proches dans les grandes lignes, ces deux tracteurs diffèrent en quelques points. La puissance moteur s’avère légèrement supérieure sur le 461, grâce à un réglage différent de l'injection. Contrairement au 421, le 461 bénéficie d'une direction hydrostatique, ce qui représente un atout non négligeable. Le 461 peut recevoir un chargeur frontal pour davantage de polyvalence. A l'époque, différents constructeurs proposaient des chargeurs adaptables pour le Renault 461, à l'image d'Agram, de Faucheux ou encore de Mailleux, En 1976, l'arceau de sécurité devient obligatoire sur les tracteurs qui sont vendus neufs. Tout comme le 421, le 461 peut également bénéficier d'une cabine. Produit à partir de février 1977 et ce jusqu'en mars 1984, le 461 M dérive directement du 461. Cette variante à direction « Mécanique » a été produite à 2402 exemplaires.
Vue plongeante sur le volant trois branches et la planche de bord. A l'extrême gauche de la planche se trouve un fusible. Il domine sur la molette dévouée à la signalisation et à l'avertisseur sonore. A proximité de celle-ci se trouvent la tirette d'arrêt moteur ainsi que le cadran disposé à gauche de la planche indiquant la température d'huile et le niveau de carburant. Ce cadran rassemble également les témoins lumineux des phares et feux, de la pression d'huile, de la charge de la batterie, des clignotants et des feux de remorque. Le second cadran accueille le compte-tours et le compteur horaire. Disposé à droite, à l'aplomb de la planche de bord se trouve le contacteur à clé du préchauffage et de la mise en marche.
Tout comme le 421, le 461 véhicule à l'époque une bonne image auprès des agriculteurs. Très équilibrés, ces tracteurs témoignent d'une excellente adhérence. Souples et endurants, ils bénéficient d'une accessibilité mécanique optimale avec un capot moteur monobloc basculant vers l'avant. Bénéficiant d'une conception simple et rigoureuse, ils témoignent d'une aisance d'entretien et d'utilisation. Réputés increvables dès lors qu'ils sont entretenus, ces Renault jouent également la carte de la sobriété en matière de carburant. Réglable, le siège conducteur apporte un certain niveau de confort de conduite. Les modèles équipés d'une cabine bénéficient d'une excellente visibilité de toutes parts, grâce à de larges surfaces vitrées et des angles morts quasi inexistants. Bien entendu, le 461-tout comme ses frères de gamme d'ailleurs- n'est pas exempt de défauts. Ses utilisateurs lui reprochaient un certain manque de vélocité, mais il ne faut pas perdre de vue que ce tracteur n'avait d'autre prétention que de représenter le plus petit tracteur de la gamme moyenne et qu'on ne pouvait demander l'impossible à un tracteur de cette puissance. Côté cabine, les vérins de la lunette arrière avaient tendance à s'user prématurément, ce qui avait pour conséquence de bloquer la vitre en question. Très souvent, les utilisateurs des tracteurs avaient alors tendance à forcer... et la vitre se brisait dans 99 % des cas ! Voilà qui explique que nombre de Renault à cabine de cette génération ne soient plus équipés de cette vitre articulée ou que cette dernière ait, dans le meilleur des cas, été remplacée par un plexiglas fixe. D'autre part, le sens de l'ouverture des portes ne faisait pas l'unanimité d'un point de vue pratique au niveau des utilisateurs de ces tracteurs. En usage intensif, le verrouillage de ces portières ne tardait pas à manifester quelques signes de fatigue. Aussi, les vitres latérales s’ouvrant vers l’avant, des branches pendantes en bordure de chemin pouvaient s’intercaler dans l’espace ouvert et détériorer les articulations en matière siliconée !
Disposant d'une conception rationnelle et soignée, les Renault de cette génération ont, à l'image de leurs prédécesseurs, recueilli un vif succès commercial. En effet, c'est une véritable déferlante orange estampillée du losange qui émaillera le monde rural à cette époque et qui placera Renault parmi les leaders du marché.
Le 421 et le 461 ont été rapidement propulsés sur les rails du succès. Modernes dans leur design, à l'image de l'ensemble des modèles composant la gamme Renault de l'époque, ces tracteurs bénéficient de moteurs quasiment indestructibles, élaborés par MWM. Dotés d'un embrayage à sec double effet, ces deux Renault intègrent une boîte de vitesses à crabots avec réducteur, les rapports de route étant synchronisés. Le pont arrière à double réduction incorporée, intègre un freinage par des disques à expansion. De type Tracto Control, le relevage hydraulique propose le contrôle de position et le contrôle d'effort.
De type Tracto-Control, le relevage hydraulique est à contrôle de position et d'effort. La pompe hydraulique l’alimentant est indépendante. Le relevage Tracto-Control assure le contrôle d'effort sur les bielles inférieures de traction et non par la bielle du 3ème point, comme c’était encore le cas sur certains tracteurs de cette génération.
Les personnes ayant utilisé ces tracteurs au quotidien en conservent généralement un excellent souvenir. Ultra maniables, les 421 et 461 brillent par leur agilité, avec un petit avantage du 461 sur le 421, grâce à sa direction hydrostatique. Au labour, le 461 est un cheval vaillant et entraîne sans difficulté -et surtout sans patinage- une charrue Huard HB2 bisoc. L’étagement de la boîte de vitesses s’avère optimal pour ce travail.
Focus sur le levier de vitesses principal - disposé à gauche- et sur celui du sélecteur de gamme (à droite). Enclenché en avant (vers la gauche), ce dernier permet au conducteur d'exploiter la gamme lente. Au centre, il agit sur la gamme moyenne et, engagé en arrière (vers la droite), il donne accès à l'exploitation de la gamme rapide.
Travailleur docile et infatigable, le 461 témoigne d'une grande robustesse. Il est à même d'entraîner un rotavator de 1, 55 m de large dans les meilleures conditions. Fauchage et andainage faisaient également partie du quotidien de ces tracteurs, tout comme le pressage avec un matériel à moyenne densité. Alliance d'une motorisation endurante signée MWM et du savoir-faire du bureau d'études Renault pour la conception de la transmission et le très performant relevage Tracto Control, le 461 représentait un outil de travail construit pour durer. Un certain nombre de Renault de cette génération sont d'ailleurs toujours en activité de nos jours. Côté pièces détachées, de nombreux composants sont disponibles à l'image de l'ensemble des joints moteur, des joints de boîte de vitesses, des joints de trompettes de pont, des disques de freins, du mécanisme d'embrayage, des optiques de phares. Ces éléments sont distribués par le réseau Claas ou par l'intermédiaire de différents spécialistes de la pièce détachée. La tâche s’avère nettement plus ardue lorsqu'il faut trouver des éléments de carrosserie en parfait état où des blocs de feux 100% conformes à l'origine.
C'est avec ce tracteur que Gérald Defrance a approché le monde des tracteurs agricoles anciens. Aux côtés du Renault se trouvent deux Massey-Ferguson, un 165 et un 821, un Massey-Harris Pony, un Bolinder-Muntell BM 230, un Farmall F235D doté d'un chargeur Agram et enfin d’un rarissime Renault Master 1 TP. » Interrogé sur le tracteur de ses rêves, Gérald répond avec sagesse : « Je préfère posséder peu de tracteurs, mais leur assurer une restauration et un entretien régulier plutôt que de me disperser dans une collection conséquente et que je ne pourrais assumer à mon échelle... ».
Gérald Defrance a fait l'acquisition de son 461 il y a sept ans. « A l'époque, je n'avais nullement l'intention de me lancer dans une collection de tracteurs anciens, nous confie-t-il. Alors que je cherchais un modèle de gabarit moyen me permettant de faire du bois de chauffage et d'assurer l'entretien de ma propriété, un couvreur de la région m'a proposé un Renault 461. » L’artisan avait fait l'acquisition de ce tracteur auprès d'un ancien agriculteur du secteur que Gérald Defrance connaissait. « Ce 461, je l'ai donc connu neuf et je l'ai côtoyé tout au long de sa carrière ! », note l’actuel propriétaire. Dans la ferme d’une vingtaine d’hectares, le 461 était de toutes les corvées mais était aussi devenu au fil du temps, le principal moyen de locomotion de l’agriculteur. Une fois le 461 rapatrié, Gérald s'est investi dans la remise en état de ce Renault. La première étape a consisté à la dépose du chargeur frontal Agram qui équipait alors le tracteur. Par la suite, le moteur a été déposé et a fait l'objet d'une révision intégrale. Embiellage, chemises et pistons étaient intacts. Gérald a repris le jeu aux soupapes, changé les injecteurs et procédé au remplacement de l'ensemble des joints moteur et des différents filtres. En excellent état, l'ensemble boîte de vitesses / pont n'a pas nécessité d'intervention particulière, à l'exception du changement des joints. Même refrain au niveau du relevage hydraulique. Les disques de freins ont été changés sur le fil du chantier. Dépourvue de corrosion perforante, la tôlerie avait juste fait l'objet de légers accrochages. Quelques petits coups de maillets bien placés ont permis de redonner au tracteur ses formes originelles. Après quelques petites touches d'enduit et plusieurs séances de ponçage, le tracteur a été mis en apprêt. Puis, l’application d’une peinture témoin a permis de déceler les ultimes défauts cosmétiques. Enfin, le 461 a retrouvé sa combinaison de teintes originelle à partir des RAL constructeur. Aujourd'hui, le Renault est régulièrement de service dans le cadre de petits travaux bien sûr, mais aussi au niveau de l'acheminement du matériel sur les différentes fêtes de battage de la région. Bref, la vie ne s'est jamais véritablement arrêtée pour ce vaillant de l'agriculture !
Mille mercis à Gérald Defrance, Alain Denizard, Claude Agisson et Philippe Derycke pour leur accueil lors de notre passage dans le Noyonnais. Un grand merci également à Jos Gouiffès et à Paul Collorec qui connaissent ces tracteurs sur le bout des ongles.