Sillon d'histoire Tracteur RétroGüldner : du moteur diesel au tracteur

Güldner : du moteur diesel au tracteur

Fondée en 1904 à Münich sous l’appellation Güldner Motoren Gesellschaft par Hugo Güldner, Carl von Linde et Georg Kraus, la firme Güldner déménagera à Aschaffenburg deux ans plus tard. C’est aussi là que naîtra un imposant complexe industriel avec la firme Linde. Texte : Gilles Blanchet - Photos : Gilles Blanchet et DR

Considéré comme l’un des plus anciens fabricants de moteurs en Allemagne, Güldner s’est concentré dès le début vers le développement des moteurs stationnaires puis, au début des années trente, vers la production de groupes mobiles diesel deux temps. Les premiers essais pour s’implanter sur le marché du tracteur ne furent pas couronnés de succès. On en veut pour preuve l’adaptation d’un moteur Güldner sur un tracteur d’artillerie (dénommé tracteur à haute performance) qui fut un véritable échec. Il en fallait plus pour décourager l’entrepreneur. Dans les années 1925/1926, Güldner se risque sur le marché de la motocyclette avec un modèle de 498 cm3 et en 1931, des moteurs Güldner équipent des tracteurs Fordson.

Au milieu des années 1920, Güldner produisit d’élégantes motos inspirées des Norton britanniques.

Entre 1925 et 1929, l’Allemagne traverse une période de difficultés économiques. La société Linde (aujourd’hui Linde AG) rachète l’usine de moteurs Güldner d’Aschaffenburg (Bavière). L’implantation dans cette ville permettait d’utiliser le fleuve Main comme moyen de transport et d’abaisser les coûts. La motivation première de l’industriel était d’avoir sa propre unité de production. Il commença par développer un programme de nouveaux produits : moteurs diesel, moteurs de tracteurs et chariots élévateurs.

Vue générale de l’usine d’Aschaffenburg au début du 20e siècle. Elle disposait d’une fonderie, d'une fabrique de machines et d’un atelier de chaudronnerie.

L’une des clefs du succès de la société Linde a été, depuis sa création, la coopération avec ses partenaires commerciaux. En 1935, un nouvel atelier de montage vit le jour, équipé de machines-outils produisant chaque mois 400 moteurs de taille et de puissance différentes, jusqu’à 120 ch.

Groupe électrogène de secours utilisé dans la banlieue de Nuremberg en 1941 pour faire fonctionner les tramways.

La construction du premier tracteur Güldner démarre avec la série A en 1938 chez le constructeur Deuliewag (Die Deutsche Lieferwagen GmbH) à Berlin. Mais la guerre va stopper les ambitions. De 1937 à 1942, environ 1500 tracteurs du type A 20 furent produits. L’arrivée d’Hitler au pouvoir favorisait la motorisation de l’agriculture dans le cadre de sa politique d’autarcie, ce qui décida Güldner à fabriquer son propre tracteur. Le prototype dénommé T 40 disposait d’un moteur 4 cylindres de 40 ch, couplé à une boîte de vitesses à trois rapports d’origine Fordson. Il fallut attendre trois ans et l’apparition du A 20 pour rencontrer le succès. Son monocylindre de 20 ch ne le distinguait pas fondamentalement des autres petits tracteurs de l’époque, mais il préfigurait les modèles A 30/40. Modèles qui seront le point de départ d’un nouveau domaine prometteur, complémentaire celui des moteurs. La Seconde Guerre mondiale en décida autrement. Pour des raisons de restriction de carburant, le tracteur à gazogène AZ 25 est développé par Güldner en 1942. Les sévères destructions dans les villes allemandes, dont Aschaffenburg, contraignirent à déménager la production des moteurs à gazogène dans l’usine Fahr de Gottmadingen en 1944.

Avec le A 28, apparu en 1948, Güldner se lance dans la production d’après-guerre.

Après la reconstruction des installations, Güldner reste fidèle à sa tradition des deux-cylindres avec les modèles A 28 et A 30. Ce dernier est conçu en collaboration avec Fahr dans l’usine de Gottmadingen.

Une rare photo de la chaine de montage d’Aschaffenburg avec les premiers exemplaires du A 28.

En 1947, l’usine d’Aschaffenburg renoue avec la production des tracteurs agricoles grâce à un modèle de 28 ch. Les années 1950 annoncent une période de qualité irréprochable « Ein Güldner ist nichtkleinzukriegen » (un Güldner est increvable) vante le slogan de la marque qui se classe en tête des chiffres de ventes en Allemagne. Elle est portée par ses petits modèles A 15 et leur successeur : l’ADN, un 2-cylindres, 4 temps, 16/18 ch, produit jusqu’en 1959. Parallèlement, la fabrication des moteurs contribue toujours à la notoriété de l’entreprise, avec le développement de nouveaux modèles refroidis par eau et par air.

Foire agricole de Cologne 1953, année où apparaissent les calandres « en gueule de requin ».

En 1955, Güldner connait une étape importante de son histoire avec une invention majeure :  un transporteur diesel avec transmission hydraulique (Hydrocar TK) évitant les changements de vitesses. Sa charge utile est de 1200 kg pour la première version.

Présenté à la foire agricole de Münich en 1955, le transporteur diesel à transmission hydraulique Hydrocar eut de nombreuses applications dans l’industrie. Les premiers modèles TK et TKA de l’Hydrocar sont reconnaissables à leurs leviers de direction et leur siège en « selle de cheval ». Le chariot de transport diesel fut généralisé pour les petites distances.

 En 1954 le porte-matériel Multitrak fut développé en coopération avec les firmes Fahr et Ritscher. Ce dernier proposait entre 1953 et 1964 une large gamme de porte-outils Multitrac à moteur Güldner, MWM ou Deutz.

 

Le porte-outil Multitrac de 17 ch date de 1956. C’était en fait une création Ritscher.

De 1958 à 1962, la Maschinen Fabrik Fahr, basée à Gottmadingen, et Güldner ont produit conjointement la série « Europa » avec sous le capot un moteur Güldner. Seul le A4M recevra un moteur Benz. Les deux firmes livraient leurs modèles avec quelques variantes de performances et une nuance de coloris : modèles rouges chez Fahr et vert clair chez Güldner.

 

En 1959, le A2K de 15 ch est livrable en rouge, vert ou bleu et coûte à peine 6000 DM.

Fahr produisait les plus de 20 ch et Güldner conservait les petites cylindrées. ZF fournissait les boîtes de vitesses. En 1959, Güldner met sur le marché le « Hubtrac », le premier chariot élévateur faisant appel à l’hydrostatique.

Sur cette plaque émaillée, les moteurs diesel sont indissociables des tracteurs agricoles.

Dans la gamme des tracteurs, Güldner attribue des noms selon la puissance des modèles  : Spessart, Tessin, Burgund (en coopération avec Fahr), Toledo et Gotland. Si les conditions économiques favorisaient la coopération avec Fahr, la saturation du marché national fut une menace pour le système.

Attelé ici à une moissonneuse Claas, le G 40 fut très apprécié dans sa version 4 roues motrices.

En 1961, Fahr est repris par Klöckner-Humboldt-Deutz (KHD). Güldner se lance dans l’élargissement de son offre avec la production de la série G, qui existait également en quatre roues motrices. Elle reste la plus connue et la plus appréciée grâce à ses moteurs 3, 4 et même 6 cylindres fournis par Perkins et Daimler.

Lors d’un concours de labour, l’usine effectue des démonstrations avec différents modèles équipés de chargeurs frontaux.

En 1964, le programme de production de la société inclut les moteurs diesel refroidis par eau, les tracteurs, les moteurs et pompes hydrostatiques, les véhicules de transport (avec ou sans transmission hydrostatique) et le chariot Güldner Hubtrac. Güldner était le pionnier en matière de moteurs pour véhicules hydrostatiques. Les clients comme les fabricants utilisent encore aujourd’hui le Güldner « Hydro-Stabil ». A la mi-1965, l’appellation de l’entreprise fut modifiée en Linde AG, Werkgruppe Güldner, Aschaffenburg.
Le dernier tracteur de la marque fut le modèle G 75 A  (75 ch). Sa version à quatre roues motrices et ses quelques 17 vitesses le destinaient aux grandes exploitations agricoles, mais devant le chiffre d’affaires en chute libre et les coûts de développement en hausse, l’actionnaire majoritaire, Linde, décida de cesser la production des tracteurs.

Plus gros tracteur construit à Aschaffenburg, le G 75 était proposé à 24 000 DM et sa version A (4 roues motrices)  à 29 600 DM. 

Un nouveau modèle de Fahr, le D 177, dénommé Toledo dans sa version Güldner, sut récupérer une petite partie de la clientèle. En 1968, la firme vend 3 254 tracteurs, ce qui la place au septième rang des constructeurs allemands. Pour ne pas abandonner totalement la production de tracteurs, il est envisagé de monter des moteurs Deutz  (qui coûtent 1000 DM de moins) sur des tracteurs Güldner, mais l’alliance d’un moteur et d’une boîte (ZF) de sources extérieures laisse peu d’espoirs commerciaux.
En 1969, la production de tracteurs et de moteurs cesse à Aschaffenburg. Seul le commerce de pièces de rechange est cédé à Klöckner-Humbolt-Deutz, à Cologne. A cette date près de 100 000 tracteurs et plus de 300 000 moteurs diesel Güldner avaient été produits à Aschaffenburg. Malgré son image de qualité, sa puissance de traction, le nom de Güldner qui avait représenté « l’or rouge d’Aschaffenburg » disparaît du paysage agricole allemand.

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