Galop d'essai Tracteur RétroFarmall F135D : entre robustesse et simplicité

Farmall F135D : entre robustesse et simplicité

Pour de nombreux collectionneurs, la passion est généralement liée à des souvenirs d’enfance. C’est le cas d’Hervé Macé, qui a restauré un Farmall D135D en souvenir du F137D que possédait son père. Contact avec un tracteur multifonction aussi populaire qu’emblématique. Texte : Guillaume Waegemacker - Photos : Christian Bedeï - Archives : Hervé Macé, Guillaume Waegemacker

Tout gamin, Hervé Macé est fasciné par les tracteurs. Ses rêves s’articulent alors autour des Deutz, Farmall, Massey Ferguson, Ford, Someca et bien d’autres…. A ses yeux, le plus désirable des tracteurs demeure le Farmall F137D de son père. « Mon père qui était exploitant agricole à Saint-Hilaire-du-Harcouët (Manche) avait acheté ce tracteur d’occasion auprès des établissements Lehec, concessionnaires IH locaux, » explique Hervé Macé. Claude Lehec donnera d’ailleurs son nom au lycée professionnel agricole de Saint-Hilaire-du-Harcouët. « Notre F137D, sorti de chaîne en 1962, travaillait au quotidien au sein de notre petite exploitation d’une dizaine d’hectares, reprend Hervé. Cette petite ferme tirait ses principales ressources de la production laitière. Le tracteur était équipé d’une barre de coupe latérale. Il tirait aussi régulièrement une cuve à eau pour abreuver les bovins et fonctionnait en poste fixe afin d’entraîner un moulin à grains ou encore un broyeur à pommes. Notre F137D est resté une bonne dizaine d’années sur la ferme, suffisamment longtemps pour qu’il me marque à vie ! » 

Hervé Macé est attaché à son tracteur qu'il a restauré sur près de deux ans. Il a fait l'acquisition de ce F135D en souvenir du F137D que possédait son père. Voilà qui explique le choix d'une livrée beige au niveau des grilles de calandre et des couronnes de jantes. Les grilles devraient en effet être rouge et les couronnes de jantes gris argent.

Alors que le mouvement des collectionneurs de tracteurs anciens et de matériel d’époque s’étoffe, Hervé se dit un jour qu’il serait sympa de retrouver un F135D où un F137D en souvenir de celui que possédait son père. Il épluche alors les petites annonces des revues spécialisées et celles d’internet, en caressant l’espoir de dénicher une excellente base de restauration, qui soit à la fois complète et qui n’ait pas terminé sa carrière en bordure de mer. Voilà qui n’était pas si simple, malgré la très large diffusion de ce modèle. La patience et la persévérance finissent toujours par porter leurs fruits et, début 2012, Hervé repère un F135D de 1960 à vendre dans l’Orne, à proximité d’Alençon. « A cette époque, ma fille qui allait passer son permis de conduire m’avait dit en souriant « Au lieu d’acheter un tracteur, tu ferais mieux de m’acheter une voiture ! » Bien évidemment l’acquisition du petit F137D s’est accompagnée de l’achat de la la voiture en question ! »

Le F135D à son arrivée chez Hervé Macé. La base du tracteur était extrêmement saine. Son ancien propriétaire, qui l'avait soigneusement entretenu, le possédait depuis 1982.

L’agriculteur retraité qui cédait son tracteur s’en était porté acquéreur en 1982. A l’image de celle des parents d’Hervé, son ancienne exploitation se composait d’une dizaine d’hectares.  Cumulant un peu plus de 8000 heures au compteur, le petit Farmall avait bénéficié d’un entretien rigoureux. Tournant, il affichait un bel état de conservation au niveau carrosserie. En effet, il était quasiment exempt de bosses et surtout de corrosion perforante. Hervé se porte alors acquéreur sans tarder de ce tracteur, très proche du F137D qu’avait possédé son père. Une fois le tracteur rapatrié dans la Manche, le chantier démarre aussitôt. « Je me suis tout d’abord penché sur la mécanique, raconte Hervé. J’ai procédé au changement de l’ensemble chemises / pistons et de la segmentation. Par chance, j’ai déniché dans le fond de stock d’un ancien concessionnaire local un joint de culasse et une pochette complète de joints moteur. J’ai effectué un rodage de soupapes et taré les injecteurs. En excellent état, la pompe à injection n’a pas nécessité d’intervention particulière. La pompe à eau a, quant à elle, fait l’objet d’une remise en état intégrale. Au niveau du relevage hydraulique, il m’a fallu revoir le distributeur. Le retour se faisait mal et la pompe hydraulique forçait en permanence. Le problème venait en fait d’un clapet qui fonctionnait mal. » Le chantier mobilisa les forces et les loisirs d’Hervé Macé durant un peu plus d’un an et demi. Le faisceau électrique a été refait à l’identique.

Le F135D d'Hervé Macé a retrouvé sa teinte rouge originelle entre les mains de Jean Macé, le frère d'Hervé. 

Très sains, les éléments de tôlerie n’ont pas nécessité de sablage. Les opérations successives de ponçage, de mise en apprêt et de peinture finale ont été effectuées par Hervé et son frère Jean. Afin de parfaire l’ensemble, Hervé a chaussé son tracteur de pneus neufs. Enfin, les logos sérigraphiés, conformes à l’origine, ainsi que les instructions représentées par des adhésifs sur fond jaune ont retrouvé leur place au cours des ultimes phases de finition.

Un peu d’histoire….

Le F135D apparaît sur la scène agricole au cours du printemps 1957. Ce modèle est la réponse du constructeur face au vide qui existait au sein de la gamme, entre le Cub et le F235. De type DD74, la mécanique du F135D est issue du D217, produit Outre-Rhin. Réalisée par ZF, la boîte de vitesses compte six rapports avant et une marche arrière. Construit autour d’une architecture en portique, le F135D est doté d’un relevage hydraulique MGF à simple effet.

Le F135D est muni d'un relevage hydraulique M.G.F. La vitesse de relevage ou de terrage est proportionnelle à la vitesse de déplacement de la manette de contrôle. On note que la suspente de relevage droite est réglable par l'intermédiaire d'une manivelle. 

Le F135D a été produit à l’usine de Saint-Dizier, en Haute-Marne. Si les 135 de première génération sont systématiquement munis d’ailes « coquilles », les modèles suivants bénéficient d’ailes plus enveloppantes. Néanmoins, les ailes « coquilles » demeurent disponibles en option. En 1959, le F135D est rejoint par le FV135, une variante viticole de ce tracteur. Et, courant 1960, le F135D est remplacé par le F137D. Frères jumeaux d’un point de vue purement esthétique, le F135D et le F137D diffèrent en quelques points. Le F137D gagne légèrement en puissance et bénéficie sur demande du relevage « modulor », d’un distributeur hydraulique et d’une prise de force ventrale.

Le F135D reçoit un moteur bicylindre diesel 4 temps à injection indirecte de type FDD-74 de 1217 cm3 de cylindrée. Extrêmement robuste dès lors qu'il est rigoureusement entretenu, ce bloc a été étudié en étroite collaboration avec le bureau d'études de Neuss, en Allemagne. La version allemande de ce moteur, de type DD-74, équipait le D217.

Toujours au chapitre des options, les ailes « coquilles » sont toujours disponibles au catalogue. A l’image du F135D, le F137 sera également décliné dans une variante viticole se nommant FV137D. Courant 1962, les F137D et FV137D accueillent un petit changement de teinte au niveau de leur face avant. Aussi les deux grilles verticales avant sont-elles désormais laquées de beige, à l’image d’autres modèles composant la gamme International Harvester de l’époque, les 237 et 267.  Les F137D et FV137D seront produits et assemblés sur les chaînes de Saint-Dizier jusqu’en 1964.

Polyvalent et équilibré

Vous l’aurez très certainement remarqué, le F135D qui fait l’objet de ce galop d’essai, montre deux entorses par rapport à l’origine. Ses deux grilles de calandre sont laquées de beige alors que la calandre aurait du être intégralement rouge. « Cette petite entorse ne doit rien au hasard. Il s’agit en fait d’un clin d’œil au F137D que possédait mon père, de fabrication postérieure et dont les grilles avant étaient laquées de la sorte, avoue Hervé Macé. Autre petite entorse, nous avons refabriqué le silencieux d’échappement en acier inoxydable, histoire d’assurer sa longévité. »

Les propriétaires des F135D et F137D conservent généralement un excellent souvenir de leur tracteur. La boîte de vitesses répartie sur six rapports est particulièrement bien étagée.  Certains utilisateurs auraient néanmoins souhaité disposer d'une gamme de vitesses rampantes.

A l’époque, le F135D avait convaincu une multitude d’agriculteurs. Sur les exploitations inférieures ou égales à la trentaine d’hectares, nombre d’agriculteurs l’avaient adopté au titre de tracteur principal. Dans les fermes plus importantes, il pouvait constituer un tracteur de cour efficace. Hyper maniables, les F135D et F137D étaient tout à leur aise au niveau des parcelles les plus exigües. Son faible gabarit et ses voies réglables lui permettaient de se faufiler dans les étables et les petites bâtisses pour y distribuer le fourrage. Souple et endurant, le moteur de ce tracteur se révélait très sobre en matière de carburant. En poste fixe, ces modèles étaient considérés comme des outils de travail quasiment infatigables. Ils entraînaient des petites batteuses, des moulins à farine, des broyeurs de pommes….

Doté d'un empattement de 1,76 m, le F135D est d'une agilité déconcertante. Au travail, ce tracteur témoigne d'une excellente adhérence.

Dominique et Marie-Claude Lemille se souviennent du F135D que possédait leur père, installé comme agriculteur à Lestrem, dans le Pas-de-Calais. « L’exploitation de notre père se composait d’une petite vingtaine d’hectares. En 1959, il fit l’acquisition de son tout premier tracteur agricole, un F135D, auprès des établissements Messeant, basés sur la même commune. Le petit Farmall était particulièrement bien adapté à la petite exploitation. Notre père l’utilisait à l’épandage, au labour, au déchaumage, au semis et à la plantation de pommes de terre, durant les récoltes avec la traction d’une moissonneuse-lieuse…Ce petit tracteur, nous avons eu maintes fois l’occasion de le conduire en apportant notre aide au niveau des travaux de la ferme. Sa conduite était particulièrement aisée. Ultra maniable, il était d’une grande souplesse. Notre père l'a conservé une bonne quinzaine d’années avant de le remplacer par un Ford 2000. Il a cependant toujours gardé un excellent souvenir de son petit cheval mécanique nommé Farmall. »

Le F135D a été produit de 1958 à 1958 au sein de l'usine de Saint-Dizier, en Haute-Marne. Il pouvait disposer d'une poulie de battage à titre optionnel. Nombre de ses utilisateurs avaient d'ailleurs choisi cette option à l'époque. 

 Une petite escapade au volant de ce petit tracteur nous confirme les qualités précédemment citées.  Témoignant d’un certain équilibre, sur route comme aux champs, le F135D dispose d’une boîte de vitesses particulièrement bien étagée. Collectionneur de « tracteurs rouges », Jean-Luc Goarant connaît particulièrement bien les F135D et F137D : « Pour l’époque, ces tracteurs représentaient un excellent compromis par rapport à leurs concurrents. En marge de leurs qualités d’endurance, de maniabilité et d’économie, les F135D et F137D témoignaient aussi d’une excellente adhérence. Ils offraient l’avantage de démarrer facilement quelle que soit la saison, dès lors que le préchauffage était en bon état. Aux champs, il était nécessaire de les lester un peu à l’avant. Le freinage s’avérait particulièrement efficace. Au niveau des points négatifs, peu de choses à signaler, si ce n’est le fait que l’axe de la pédale d’embrayage ait tendance à prendre du jeu. » Comptant parmi les modèles incontournables de l’aventure Farmall Mc Cormick, le 135, de conception simple, ne pose pas de difficultés particulières dans le cadre d’une remise en état sérieuse, tant d’un point de vue technique qu’au niveau de la disponibilité des pièces détachées. Voilà donc un tracteur que l’on aimerait rencontrer un peu plus souvent sur les différentes festivités liées à notre passion.

Mille mercis à la famille Macé pour son accueil et sa disponibilité. Merci également à Jean-Luc Goarant, Dominique et Marie-Claude Lemille pour leurs témoignages respectifs.

 

A la fois audacieux et singulier, le design du F135D ne manque pas d'élégance. Représentant un outil de travail robuste et polyvalent, ce tracteur a été très largement diffusé à l'époque.

 

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