Sillon d'histoire Tracteur RétroBénac : tout pour le semis et la récolte du maïs

Photos : Archives Bénac
Photos : Archives Bénac (©Archives Bénac )

Fleuron de l’industrie française du machinisme agricole, les établissements Bénac, situés à Berdoues, dans le Gers, ont fermé leurs portes à la fin des années 1970. L’histoire de cette entreprise familiale s’étale sur plus de 100 ans.

Texte : Claude Brard – Photos : archives Bénac

C’est à Berdoues, à quelques kilomètres au sud de Mirande, qu’a commencé l’histoire des Etablissements Bénac. Culture du maïs, élevage bovin, élevage de canards pour le foie gras… la petite commune gersoise de 460 habitants est bien représentative de la tradition locale.
En 1850, Jean-Baptiste Bénac, forgeron, y est installé dans un petit atelier de 40 m2. Son fils, Bernard, lui succède, et quelques années plus tard, la troisième génération arrive avec Henri, qui assure à son tour la continuité de ce qui est encore un petit atelier rural.
Devenu maître de l’entreprise familiale, Henri Bénac, tout en s’adjoignant progressivement, un, deux, puis trois compagnons, continue sur la voie choisie par son père. Il s’emploie plus particulièrement à la réparation des matériels de battage et effectue des travaux de forge et de chaudronnerie sur les locomobiles et batteuses à poste fixe. Hélas, il ne s’agissait bien souvent que de travaux d’été. Henri se trouvait donc face à l’alternative suivante : se séparer de ses employés après les moissons, au risque de ne pas les retrouver l’année suivante, ou bien, trouver le moyen de leur fournir du travail tout au long de l’année.
Après avoir jeté son dévolu sur le maïs, une culture déjà très en vogue dans le Sud-Ouest pour de multiples raisons, principalement géologiques et climatologiques, il lance sur le marché régional le premier semoir à maïs à traction animale, souvent bovine dans cette région.

Publicité pour l'un des premiers produits phares de chez Bénac : le semoir à maïs à traction animale.

Les versions successives de cet outil réussissent si bien à faire leur chemin que 400 exemplaires sont construits durant les premières années. En 1929, Henri Bénac emploie quatre compagnons. Dix ans plus tard, cet effectif a doublé au sein de l’ancienne forge et des ateliers construits autour de celle-ci. Malheureusement, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise doit repartir pratiquement de zéro. La rareté des matières premières et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée rendent le maintien de l’activité difficile. Heureusement, Henri Bénac peut désormais compter sur ses deux fils, Gabriel et René, avec lesquels il constitue en 1949, la société « Henri Bénac et ses fils ».

Henri Bénac entouré de ses deux fils Gabriel et René.

Deux solutions s’offrent à Henri Bénac et à ses deux fils : soit créer une nouvelle usine de toutes pièces à proximité d’un grand centre urbain, soit développer progressivement les dimensions et la capacité de production du site existant autour de l’ancienne forge. La seconde solution est finalement retenue pour de nombreuses raisons. En premier lieu, la famille Bénac dispose d’une dizaine d’hectares sur la commune de Berdoues, juste à côté des ateliers existants. Henri Bénac y cultive du maïs pour tester son matériel. Enfin, la famille a ses racines à Berdoues depuis plusieurs générations. Ajoutons qu’Henri est également le maire de la commune. Beaucoup de salariés habitent sur place, voire dans les proches alentours. L’entreprise sait qu’elle peut compter sur cette ressource humaine.

Une nouvelle usine est construite à Berdoues au début des années 1960.

L’évolution des transports avec l’arrivée des camions semi-remorques ainsi que la constante amélioration du réseau routier conduisent les Bénac à rester sur le territoire de Berdoues. Dans les années 1960, une nouvelle usine est donc construite à proximité des anciens ateliers.
Une surface de 11 000 m2 couverts est affectée à la production alors que 10 000 m2 non couverts sont destinés au stockage du matériel en attente d’expédition. A la fin des années 1950, puis au début 1960, la production des semoirs évolue vers des matériels à deux rangs, puis à quatre rangs, avant d’y adjoindre des fertiliseurs et des distributeurs d’insecticide.

Publicité pour un semoir à quatre rangs.

En même temps, les établissements Bénac mettent au point et fabriquent d’autres matériels : des charrues, des bineuses, des localisateurs d’engrais en profondeur, des rouleaux cultipackers et même des gaveuses électriques ! Oui, la production régionale de foie gras impose des orientations au constructeur local ! Néanmoins, la spécialité des établissements Bénac restant avant tout les semoirs en ligne, l’entreprise investit beaucoup dans ce produit, en multipliant les éléments et en ajoutant à chacun de ceux-ci des organes de fertilisation.

Avec l’apparition des premiers tracteurs, dont la plupart ne possédaient pas de relevage hydraulique, les établissements Bénac ont mis au point une charrue à relevage par béquille. Le principe : au travail une béquille articulée fixée sous l’âge de la charrue est verrouillée en position horizontale. En fin de sillon, l’opérateur déverrouille cette béquille qui vient se planter dans le sol, obligeant le corps de charrue à se relever jusqu’à le bloquer en position haute grâce à un système de verrouillage.

L’effectif de l’entreprise Bénac est passé de 10 ouvriers en 1950 à 215 en 1964, sans compter les différents sous-traitants. Les conditions de travail se sont nettement améliorées dans la nouvelle usine grâce à des ateliers entièrement chauffés, du matériel de levage adéquat, des chaînes de montage spacieuses. Durant les années 1960, la production et la diversité des produits trouvent un réel essor. La marque se fait un nom grâce à ses matériels de récolte du maïs en épis ou en grains.

Ce corn-picker monté sur un Fordson Dexta porte l’inscription « Bénac R.61 ». Sa date de fabrication est donc 1961. Il fait partie de la première série fabriquée par l’entreprise gersoise.

Certains modèles ont pu également être montés en poste inversé comme le montre cette photo avec un Renault 751.

Voici un corn-sheller. Cet outil sépare le grain de l’épi grâce à des organes de battage.  

Fin des années 1960, le matériel évolue face à l’accroissement des surfaces cultivées en maïs. Le bureau d’études Bénac met au point quelques automoteurs équipés soit de corn-pickers, soit de corn-shellers pouvant récolter deux rangs. La photo représente un corn-picker automoteur deux rangs au travail dans le Puy-de-Dôme.

Tous les services de l’entreprise (commercial, comptabilité, service des achats, bureau d’études, encadrement, transport…) doivent s’adapter, ce qui nécessite des recrutements. Pour attirer les salariés à Berdoues, un service de ramassage parcourt la campagne gersoise matin et soir !
L’atelier de fabrication est digne de celui d’un grand constructeur. Des machines-outils dernier cri y sont installées, dont une dizaine de tours pour l‘usinage. L’atelier de soudure comprend 30 à 35 postes. La peinture s’opère principalement par trempage dans des bains. Seules les finitions s’effectuent au pistolet. La ligne de montage se compose de sept postes de deux opérateurs. La production journalière peut aller jusqu’à 12 corn-pickers, un toutes les 50 minutes. Les machines sont livrées chez les revendeurs dans toute la France à l’aide d’une flotte de cinq camions.

Camion remorque chargé de corn-pickers en partance pour l’Italie.

Dans les années 1970, une autre période se dessine, celle où le business prime avant tout. Finie l’atmosphère chaleureuse et familiale, l’ère de la rentabilité à tout prix est là. L’entreprise connaît quelques difficultés financières. L’institut de développement industriel (organisme d’état, conçu pour aider les entreprises en difficulté) entre dans le capital des Bénac. Bientôt, ceux-ci sont écartés puis évincés. De nombreux licenciements interviennent, les bureaux d’études sont supprimés. Après avoir déposé de nombreux brevets, exploré les besoins agricoles régionaux, nationaux et internationaux face aux constructeurs mondiaux, les établissements Bénac doivent jeter l’éponge. Une Scop (société coopérative et participative), constituée d’une trentaine d’ouvriers, tenta de sauver l’entreprise. En vain. Bénac disparaît du paysage, mais ses machines simples et fiables vont rester durant de nombreuses années en service. Passées aux mains de collectionneurs, nombre d’entre elles assurent encore des démonstrations lors de rassemblements locaux de matériels agricoles anciens.

Merci à la mairie de Berdoues, pour le prêt des documents,  à Michel Boue, ancien cadre des établissements Bénac, Denis Baret, dessinateur et créateur du bureau d’études, responsable de l’atelier proto de 1955 à 1973 et Gaston Lalanne, démonstrateur, responsable du SAV et des foires.

 

Avec l’aide d’un vigneron charentais, le bureau d’études Bénac a construit plusieurs prototypes baptisés « transporteurs de vendange ». Cette machine automotrice était composée d’une trémie et de quatre élévateurs (un dans chaque rang), les vendangeurs déposaient les grappes dans les élévateurs qui alimentaient ensuite la trémie. Ce type de machine fut très vite détrôné par la machine à vendanger.

Dans les années 1970, les établissements Bénac, toujours à l’affut de nouvelles technologies, se lancent dans l’étude d’une machine à vendanger automotrice.

Plus tard, une petite série voit le jour. La machine V 71 ici au travail, pilotée par Gabriel Bénac.

Remorque groupeuse de balles rondes. Quelques exemplaires seulement ont été fabriqués.

 

Bénac s’est également investi dans le matériel de distribution du fourrage. Voici un distributeur d’aliment pour le bétail.

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