En 1906, Georg Allgaier fonde à Hattenhofen une usine de coupe et d’emboutissage simple. Suivant l’évolution de l’automobile, l’industrie de transformation et d’usinage des métaux prend elle aussi de l’ampleur. Durant la Première Guerre mondiale, la production de cartouches en acier vient s’ajouter à l’activité de l’usine. Vers 1918, Allgaier déménage ses locaux vers la ville voisine d’Uhingen (Bade-Wurtemberg) dans une ancienne usine de carrelages. Dix ans plus tard, il se lance dans la fourniture de grosses quantités d’outillage et de carrosserie vers la Belgique et la France, avant d’amorcer la production en série d’éléments emboutis pour l’industrie automobile.
Georg Allgaier démarre sa vie d’industriel avec une petite fabrique d’outils agricoles avant de devenir dès les années 1930 un sous-traitant incontournable de l’industrie automobile.
En 1945, les militaires américains occupent l’usine et la production se réduit. En effet, les occupants autorisent seulement la fabrication d’objets « innocents et simples » comme les articles ménagers par exemple. C’est à ce moment que l’idée de fabriquer un tracteur agricole est apparue. Pour le développement d’un tracteur, la société parente Kaelble, de Bachnang, spécialiste du tracteur routier, apporte son aide. La femme d’Erwin Allgaier (fils de Georg) était en effet la fille du constructeur de moteurs Kaelble. Quand le fondateur de l’entreprise Allgaier décède en 1946, sa famille souhaite rester fidèle à la voie qu’il avait tracée. Un modèle de tracteur de présérie voit le jour au printemps 1946, constitué seulement d’un assemblage d’éléments existants (pont, boîte et moteur fixe à bouillote d’origine Kaelble), le tout dépourvu de capot.
Le robuste R 18 fut lancé au printemps 1947. Le moteur sortait des ateliers Kaelble à Backnang.
Ce n’est qu’en 1948 qu’Allgaier débute la production de tracteurs et de moissonneuses batteuses, ouvrant ainsi un nouveau champ d’action : l’agriculture. Erwin Allgaier, constructeur d’outils agricoles et fabricant de pièces en tôle, va lui aussi s’intéresser au projet de tracteur populaire défini par le gouvernement allemand. L’ingénieur Paul Strohhäcker, en raison de son appartenance au NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands) durant le troisième Reich, ne pouvait plus travailler chez Kaelble et se tourne vers Allgaier.
Cet Allgaier R18 (2e version 1949/1950) est dépourvu de capot moteur.
Paul Strohhäcker élabora le moteur R 18 (R pour Robust et 18 pour la puissance) pour le tracteur du même nom. Il s’agit d’un monocylindre diesel à refroidissement par évaporation. La construction reste simple : sur le châssis, sont fixés le moteur, la boîte de vitesses, le différentiel et la prise de force. Le moteur et l’embrayage sont reliés par trois courroies trapézoïdales. Si le concept laisse au départ les agriculteurs sceptiques, les résultats commerciaux furent finalement excellents. Les premiers prototypes sont testés en 1946, puis la production en série démarre en 1947. L’année 1949 voit l’arrivée d’un nouveau modèle, le R 22, quasi identique, seule la dimension des pneumatiques arrière diffère.
Dès son lancement en 1949, le modèle R 22 fut importé en France (avec les modèles Porsche) par les établissements Goetzmann, de Lingolsheim (Bas-Rhin).
Pour élargir sa production, Allgaier se mit en quête d’un lieu de production plus adapté. Ayant été stagiaire chez Maybach avant la guerre, Erwin Allgaier sait où trouver d’excellents ouvriers spécialisés à Friedrichshafen. Grâce au soutien gouvernemental et face à la demande croissante, il reprend l’ancienne usine d’avions Dornier, située en bordure du lac de Constance. En février 1950, l’unité de production sort de terre et, grâce à l’AP 17 (équivalent du type 313 chez Porsche) qui fut exporté dans 48 pays, Allgaier se place au second rang des constructeurs allemands, seulement devancé par Deutz. L’AP 17 (A pour Allgaier, P pour Porsche, 17 ch) fait sensation avec son prix de 4450 DM. Une large utilisation de l’aluminium et donc un poids léger, deux cylindres refroidis par air, un embrayage hydraulique et un démarreur électrique… voilà qui peut expliquer les 15 000 commandes enregistrées à la fin du salon de Francfort en 1950. Pourtant la concurrence était sévère car il existait à cette époque 80 marques de tracteurs en Allemagne… En 1951, le constructeur livre 5000 tracteurs. L’année suivante, il propose l’AP 22, qui sera décliné, comme l’AP 17, en version étroite AP 17S et AP 22S.
Premiers tours de roues pour cet AP 22 de 1953 équipé des roues arrière 8-24 avec masses et du nouveau capot.
De 1947 à 1955, l’histoire des tracteurs Allgaier fut une époque prospère qui représenta jusqu’à 9% du marché national dans les meilleures années. Un autre secteur bien développé à l’export, et particulièrement vers l’Inde, fut celui des moteurs stationnaires diesel Tiger, parfois montés sur le tracteur A 40 et disponibles en différentes systèmes de refroidissement (circulation, thermosiphon, condensation…).
L’A 40 fut fabriqué à 300 exemplaires et constitue une rareté.
Entre 1953 et 1955 sort une nouvelle gamme de tracteurs verts : du type A111 (11 ch) qui connut un vrai succès au modèle A 144 (44 ch). En raison de son prix très étudié (3800 DM) et d’une manutention facilitée, il fut acheté par un grand nombre de petites exploitations rêvant de motorisation. Pour chaque entreprise agricole, il existait un tracteur Allgaier (11, 22, 33 et 44 ch), avec de nombreuses pièces communes.
Un A 122 évoluant en terrain difficile avec roues bêche.
La marque réussit ainsi à vendre 40 000 tracteurs System Porsche refroidis par air et s’imposa comme le leader du marché jusqu’en 1955. A cette date, devant le montant des investissements nécessaires pour élargir la production, et suite à une décision familiale, le département « tracteurs et moteurs » fut cédé à la Porsche-Diesel Motorenbau GmbH, basée à Friedrichshafen, au bord du lac de Constance. Les types Allgaier furent repris au printemps 1956 et rebaptisés en quatre classes au rouge carmin caractéristique : Junior, Standard, Super et Master.
L’A 133 est issu de la coopération Porsche/Allgaier. Il fait partie des modèles les plus cotés de la marque.
Pour consolider sa position, Allgaier se lance au milieu des années 1950 dans la fabrication d’éoliennes d’irrigation, puis deux ans plus tard, de tamiseuses. Avec la crise des machines agricoles à la fin des années 1960, le nombre d’employés chuta de 3000 à moins de 1000 au début 1970. Les sociétés filiales (dont la première AEF, vit le jour en France en 1977), se multiplièrent (Espagne, Suède, Chine). Au milieu des années 1970, la vocation de l’entreprise est de se tourner à l’international avec des rachats et l’ouverture de nouveaux ateliers en RFA et à l’étranger. Cette ancienne société pionnière des techniques d’emboutissage a aujourd’hui investi dans des systèmes complexes haut de gamme et dans les marchés et les produits d’avenir. En 2006, Allgaier fêtait son centenaire et comptait plus de 1700 collaborateurs. Sa filiale mexicaine a ouvert ses portes à deux pas d’une usine Volkswagen.
Cette photo retrace la genèse et quelques étapes des tracteurs Allgaier et Porsche : de droite à gauche Allgaier/Kaelble R 18 de 1949, Allgaier R 18, Allgaier/Porsche AP 17, AP 16 et ses phares dans les ailes arrière, Porsche Junior, Master, Standard Star et Master.