Les racines du Konzern MAN que nous connaissons aujourd’hui remontent à 1758 avec la fondation de la fonderie Saint-Antony à Oberhausen. C’est le berceau de l’industrie minière dans le bassin de la Ruhr (exploitation minière, transformation et usinage de produits sidérurgiques). Plusieurs regroupements avec d’autres unités locales donnèrent naissance en 1840 à Augsbourg, au précurseur de MAN en Allemagne du Sud, la Sander’sche Maschinenfabrik qui s’associa avec un pionnier de la machine à imprimer, Carl August Reichenbach. En 1898, la Maschinenfabrik Augsburg AG (où Rudolf Diesel construisit son premier moteur) fusionne avec la Maschinenbau-AG Nürnberg (machines à vapeur et turbines, construction de ponts et de wagons) pour constituer 10 ans plus tard, le conglomérat M.A.N (Maschinenfabrik Augsburg-Nürnberg AG). En 1903, MAN fabrique des moteurs marins diesel à 4 temps et se lance l’année suivante, dans les moteurs stationnaires industriels.
Une charrue motorisée MAN (roues fer) en 1921 tractant un fardier
Les premières tentatives pour la construction d’utilitaires à usage agricole datent de 1915. Avec le début de la Première Guerre mondiale et la demande accrue de véhicules utilitaires, MAN s’associe avec le pionnier suisse Adolphe Saurer, créant une nouvelle implantation à Nuremberg, la « MAN-Saurer Lastwagen GmbH ». A cette époque, sont expérimentées des moto-charrues, mais l’arrivée de la guerre met fin à ces projets.
MAN motorisa cette charrue en 1921 avec un moteur de 6,8 litres, donnant une puissance de 20 à 30 ch. Destinée au labour, au hersage et a diverses activités agricoles, elle remporta de nombreux prix et récompenses.
La chaîne de production des charrues motorisées en 1924.
A l’image du constructeur autrichien Johann Puch, et plus tard d’Hanomag, l’usine MAN de Nüremberg élabore dès 1918 une première ébauche de tracteur de 25 ch, équipé de roues métalliques. L’ingénieur Rudolf Bernstein (1880-1971) qui fut l’assistant du département machines de l’institut agricole de l’université de Halle-Wittenberg de 1909 à 1916, était aussi conseiller technique auprès des constructeurs, dont MAN. Dès 1918, il préconise le développement d’une charrue motorisée « flexible », c’est-à-dire un engin non seulement réservé au labour et au hersage, mais aussi utilisable comme tracteur ou encore pour la récolte des pommes de terre. En 1921, sa charrue motorisée (Motorpflug ou Tragpflug) lui vaut la plus haute décoration attribuée par la DLG (Deutsche Landswirtschaft Gesellschaft) à la Foire de Leipzig. Equipée au départ d’un moteur au benzol de 20 ch avec 6,8 litres de cylindrée, issu des camions de 2,5 tonnes, cette charrue est rapidement motorisée par un 30 ch et complétée d’outils agraires. L'une des curiosités de l’engin réside dans sa commande différentielle asymétrique, qui permet de mieux entraîner la roue motrice dans le sillon et évite le ripage diagonal. Elle atteint les 4 km/h. En 1923, elle reçoit une direction par brides. Cette même année, le premier moteur à injection directe est testé avec succès sur les charrues à moteur, mais les chiffres de ventes décevants (300 exemplaires produits au total) contraignent MAN à stopper ses investissements dans le secteur agricole.
Le site industriel de MAN à Nuremberg vers 1920.
En 1924/25, l’orientation du constructeur se focalise sur les utilitaires avec moteur diesel à injection directe. Il faut attendre plusieurs années avant que la demande en tracteurs s’accélère. Deutz, Hanomag et Lanz avec son « Bulldog » à huile lourde, sont les leaders du marché allemand. En 1937, MAN innove dans le moteur diesel avec le Globus process où la chambre de combustion est sphérique. Creusée dans le sommet du piston, cette sphère réduit les pertes de chaleur et optimise la consommation de carburant.
Un prototype de l’AS 250 daté de 1938. Doté d'un moteur de 45 ch il fut par la suite dénommé l’AS 145.
A l’automne 1938, sous la direction de l’ingénieur Wilhelm Reucher, un tracteur à moteur diesel, destiné aux travaux routiers et agricoles voit le jour. Ce tracteur AS 250 développe 50 ch. Une présérie de 25 exemplaires est produite. L’AS 250 fait sensation avec son ensemble moteur, embrayage, boîte de vitesses et train arrière parfaitement intégré. Le carter coulé constitue la colonne vertébrale du tracteur. Le train avant se compose de deux demi-axes pivotants, ce qui rend la conduite plus agréable et améliore le maintien dans les sillons. Le moteur est un 4-cylindres diesel, qui a connu de nombreux succès avec les camions de la marque, grâce à l'injection directe et la chambre de combustion sphérique dans la culasse. La firme, qui avait réussi du premier coup à mettre sur le marché un engin très haut de gamme, voit malheureusement ses efforts anéantis au moment du lancement en grande série par la Seconde Guerre qui s’annonce. Seulement 355 exemplaires quittent l’usine de Nuremberg entre l’entrée en production de ce tracteur et février 1943.
L’AS 250 (1938-1944) était motorisé par un 4-cylindres en ligne 4 temps de 50 ch, une version routière développait 60 ch.
Le tracteur AS 250 MAN-Latil fut fabriqué à Suresnes par le spécialiste de la technique 4 roues motrices. L’usine de Nuremberg fut en effet vouée à la fabrication des chars dès le printemps 1941.
Dans la France occupée, dès janvier 1943 et jusqu’à l’automne 1946, près de 1300 Ackerschlepper sont fabriqués chez Latil à Suresnes, les derniers avec roues métalliques et générateurs à gazogène (45 ch). En 1941, MAN présente son AS 325, un 25 ch qui ne sera finalement produit qu’à partir de 1947. Ce modèle est considéré comme le premier tracteur allemand à 4 roues motrices. Arrive ensuite l’AS 330 (30 ch) en 1950. Malgré les dégâts subis dans les usines durant la Seconde Guerre mondiale, les responsables de l’entreprise étaient déterminés à poursuivre la construction de tracteurs.
Le tracteur MAN AS 325 A construit de 1948 à 1950 est un 25 ch d’une cylindrée de 2676 cm3.
L’agriculture allemande est bien handicapée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec la perte des territoires de l’Est et d'une majorité de petites et moyennes exploitations agricoles. C’est dans cet environnement que MAN met sur le marché en 1948/49 un tracteur agricole de 25 ch, équipé d’un 4-cylindres diesel. La structure du tracteur de 50 ch a été conservée : intégration du moteur, embrayage, boîte de vitesses et pont arrière rigide. Le modèle est livrable en deux ou quatre roues motrices. 25 ans après la « Motorpflug », le tracteur de 25 ch reçoit lui aussi la plus haute distinction de la DLG. Une version de 40 ch (avec cylindrée augmentée) fut destinée à l’export vers plus de 50 pays. Dans le même temps, la construction et la commercialisation des tracteurs MAN dans l’usine de Nuremberg deviennent des activités indépendantes. Une ligne de montage construite en 1950 atteint une production de 250 unités/mois, avec un hall spécifique destiné aux moteurs de tracteurs. La gamme est élargie à des puissances allant de 18 à 45 ch.
A partir de 1954, tous les nouveaux modèles MAN, y compris l’imposant 4 S2 lancé en 1957 reçoivent le « moteur à puissance silencieuse » ou procédé M développé par Siegfried Meurer. A la différence du moteur Globus Process, la chambre de combustion sphérique du type M est située au milieu du piston et assure une baisse de consommation, des performances plus élevées, un bruit réduit.
Entre temps, la fabrication des tracteurs est déplacée de l’usine de Nuremberg vers celle de Münich. Les chiffres de production des camions progressant rapidement entre 1950 et 1955, les capacités de Nüremberg arrivent à saturation, d’où le choix de transférer la fabrication vers l’ancienne usine d’aviation BMW à Münich-Allach. Le premier tracteur, un type B 18 A, en est sorti de chaîne le 6 septembre 1955 et le premier camion, un 515 L, le 15 novembre de la même année. L’année suivante, 3000 véhicules furent produits dans la nouvelle usine.
La ligne d'assemblage des tracteurs en 1955, dans l’usine de Münich (ex BMW).
La gamme des productions s’élargit et colle davantage aux besoins du marché avec des tracteurs plus légers et moins coûteux, recevant des moteurs deux cylindres de 13, 18 et 24 ch. Un nouveau programme suit en 1959 avec trois types principaux de 28, 35 et 45 ch. A compter de 1959, le 4T1 de 60 ch entre en fabrication mais, compte-tenu des faibles ventes, ce modèle est rapidement supprimé du programme.
Le plus petit des modèles MAN et unique modèle refroidi par air est le 2 F1 de 1960. Utilisé en arboriculture et dans les vignes son 2 cylindres 4 temps développait 13 ou 14 ch.
Le constructeur se retrouvait avec un large panel d’activités et cherchait à rationaliser sa production. Il fallait unifier les gammes afin de réduire les coûts de fabrication et rester compétitif sur les marchés. Dans l’année 1963 une décision de la direction, suite à une demande croissante de capacité de production pour les utilitaires, ordonnait le transfert de la production des tracteurs au groupe Mannesmann-Porsche Diesel à Friedrichshafen. Dans le même temps, un nouveau paragraphe de l’histoire de la marque se profilait au travers de la coopération avec la firme française Saviem qui rationaliserait les gammes utilitaires des deux constructeurs.
Construit à 350 exemplaires le 4 K1 de 1960 (2 cylindres en ligne, 4 temps) annonçait la fin des tracteurs de faible puissance.
A cette date, MAN avait fabriqué environ 50 000 tracteurs de 14 à 60 ch. En Allemagne comme à l’international, le marché se réduisait. Le dernier tracteur agricole de la marque quitta la chaine de montage munichoise en février 1963.
