Il est de ces engins qui ont marqué leur temps. De ces tracteurs qui se conduisaient les vitres ouvertes à une époque où rares étaient ceux qui abritaient plus de 200 chevaux rageurs sous leur capot. Nous n'avons donc pas résisté à l'idée de vous concocter, à l'occasion de ce numéro spécial Sima, un duel décalé opposant le mythique 4955 de John Deere à son descendant direct : le 7250R. Un match au cours duquel l'ancien n'a peut-être pas dit son dernier mot.
Mis à jour le 18/02/2015Évoquer le souvenir d'un tracteur John Deere 4955 avec les aficionados de la marque au cerf laisse souvent place à l'émotion. Je reste moi-même assez impressionné devant celui de la SCEA des Ormes située à Coupéville (Marne). Malgré ses 8 300 heures au compteur, ce modèle, particulièrement bien conservé et entretenu, en impose toujours autant. Son long capot rectiligne cache en effet un six-cylindres de 230 chevaux DIN associé à une transmission full-powershift. Ses caractéristiques se rapprochent de celles du nouveau John Deere 7250R e23 mis à disposition par la filiale française de la marque. D'où l'idée de mesurer l'évolution d'un tracteur dans cette catégorie de puissance : le mythe face à son descendant. Une idée proposée sur le ton de l'ironie lors d'une réunion de rédaction mais qui, avec du recul, présente un réel intérêt. Si, comme moi, les premières unités du 4955 approchent dangereusement le cap de la trentaine, cet exemplaire a conservé une santé de fer. Sa cabine SG II, une révolution à l'époque, ne fait certes plus vraiment partie des standards actuels. Car monter à bord est déjà une aventure en soi. Les marches de l'escalier quart-tournant demandent d'abord une certaine habitude et un peu de souplesse pour se retourner devant le siège à suspension pneumatique. Les commandes électriques de distributeurs ou de transmission n'ont ici pas leur place. Seul le tableau de bord intègre, déjà, un compte tours digital et un indicateur de performance. Mais entrons dans le vif du sujet.

De bons restes sous un long capot
Un quart-de-tour à la clé de contact et le démarrage du six-cylindres de 7,6 litres renvoie aux oubliettes les systèmes d'injection modernes, catalyseurs et autres filtres à particules. La pompe d'injection en ligne affole la cavalerie à chaque impulsion sur la pédale d'accélérateur et donne droit à une petite fumée noire. Ce moteur possède un caractère nettement plus trempé que celui du 7250R qui, avec ses neuf litres de cylindrée, dispose, lui, d'une injection à rampe commune, d'un turbo à géométrie variable et de multiples dispositifs antipollution aseptisant son bruit mais pas ses performances. Il développe en effet, au banc d'essai de la FRCuma de Bourgogne, pas moins de 254 chevaux. La différence de puissance est là mais le 4955 ne s'avoue pas pour autant vaincu quand débute l'épreuve du transport. Rémy Grélois, salarié de l'exploitation accueillant nos tests, prend les commandes du 7250R attelé, pour l'occasion, à une remorque Maupu à trois essieux chargée de 23,5 tonnes de sable. Si le dispositif de verrouillage du timon ne reçoit pas ses éloges, il retrouve le sourire une fois à bord. « La cabine haut perchée offre une très bonne visibilité panoramique. Seul le large capot masque le relevage avant », précisera-t-il au moment de dételer la masse frontale. Initié à la conduite des tracteurs de la marque, l'essayeur prend rapidement ses marques à bord de celui-ci. Le mode Auto de la transmission full-powershift gérant le passage des vingt-trois rapports avant est ici sélectionné depuis le nouveau terminal Command Center4. « L'automatisme est appréciable sur ce parcours particulièrement vallonné. Il a cependant tendance à pianoter entre deux rapports et à utiliser des régimes souvent supérieurs à celui de la puissance maximale. » Le système de freinage parfaitement calibré offre pour sa part une réponse particulièrement adaptée à la pression exercée sur la pédale et rassure dans les descentes. À l'approche d'une intersection, le tracteur finit par s'immobiliser et repart dès les freins relâchés. Je prends à mon tour les rênes de l'engin et regrette vite de ne pas pouvoir sélectionner le mode Auto depuis la grille du levier de commande de la transmission. Le passage d'un mode de conduite à l'autre pour, notamment, favoriser le frein moteur en descente impose en effet la sélection de la fonction Manuel dans le terminal.
