À Belleville-en-Beaujolais, dans le Rhône, l’entreprise de travaux agricoles familiale Agri Durand a vu passer plus de 50 tracteurs Fendt au fil des générations ! Pourtant, le Favorit, qui a inauguré la transmission à variation continue, semble avoir encore sa place dans cette ETA aux nombreuses activités. Il en reste en effet plusieurs dans la flotte de l’entreprise, des Favorit 500, 800 et 900, au milieu des 1050, 939 et 700 Gen7. Un 512 C Turboshift, un 515 C Turboshift, un 818 et un 822 Turboshift, mais surtout deux Favorit 926 Vario tenant une place particulière dans leur cœur et gravitant autour des 10 000 heures. Et pour cause, ce tracteur intronisait la transmission à variation continue qui représente aujourd’hui encore le socle de l’intégralité des tracteurs du catalogue de la marque Fendt. Plus connue sous sa dénomination marketing « Vario », elle fait son apparition dans la gamme Favorit 900 en 1995, à l’occasion du salon allemand Agritechnica, à Hanovre.

À l’époque, cette transmission révolutionne complètement la manière de piloter son tracteur et répond surtout à un besoin toujours plus important de confort pour le chauffeur. Exit les passages de vitesses ? Quelle sorcellerie à une époque où les transmissions semi-powershift se cantonnaient souvent à quatre rapports et que l’étagement des boîtes posait parfois des problèmes pour trouver le bon rapport et le bon régime ! Désormais, tout est possible, sans compter que cette gamme de tracteurs se permet en plus de s’équiper de technologies qui sont toutes révolutionnaires pour l’époque.
Le même tracteur acheté deux fois !
Lorsque j’arrive sur la ferme, c’est le plus jeune membre de la famille Durand qui m’accueille, Jérémy. Je ne pensais pas qu’un jeune de 23 ans pouvait être autant attiré par les tracteurs youngtimers.
Pourtant, ce dernier, agriculteur sur une trentaine d’hectares et salarié de l’entreprise familiale, est un vrai passionné de cette génération de Fendt. « Je suis retombé amoureux de cette génération après m’être fait “déposer” par un 818 Turboshift de l’époque à un concours de traction qui m’a rappelé tous mes souvenirs. » Tee-shirt Favorit sur les épaules, il me montre une photo de lui prise en 2003 sur les marches du Fendt 926 Vario de 2019 acquis en 2001. Celui-là même qui se tient en face de moi. Pourtant, ce tracteur a été vendu par ses parents et oncles en 2010 en reprise pour l’achat d’un 828 Vario. Quelques années plus tard, alors qu’ils scrutent les sites de petites annonces, ils reconnaissent leur tracteur et décident de le racheter. En souvenir du bon vieux temps certes, mais aussi parce que celui-ci a sa place dans la flotte de l’ETA. « Ce tracteur m’a vu grandir, c’est avec lui qu’est née ma passion pour le machinisme et le monde agricole. Il représente l’innovation, la fiabilité et la performance de ce milieu, mais aussi l’esprit de la marque Fendt. Les passionnés connaissent sa valeur sur le marché et dépensent des fortunes pour s'en procurer un. Nous avons eu la chance de retomber sur notre modèle dont nous connaissions l’historique. Il y avait du monde sur l’affaire, mais l’entrepreneur a choisi de nous le vendre, sachant à quel point il comptait pour nous », me raconte fièrement Jérémy Durand, avant de m'expliquer en détail pourquoi il affectionne tant le travail à son bord, bien qu’il soit entouré de modèles de dernière génération. Sur leur exploitation, le tracteur réalise des travaux de déchaumage, mais surtout de transport, à hauteur de 200 à 300 heures par an.
Une association moteur-boîte économe
Le Fendt Favorit 926 Vario abrite un bloc MAN à six cylindres de 6,8 L de cylindrée avec un turbo. Ce moteur développe de 160 à 260 ch, selon le modèle. Les deux plus gros adoptent une pompe à injection en ligne Bosch délivrant une pression de 850 bar. Le carburant envoyé à très haute pression dans le cylindre améliore le rendement de ce moteur et réduit de fait sa consommation. Les courbes de puissance et de couple mises en avant par Fendt sur ses supports de communication d’époque dévoilent un couple maximal de 1 100 Nm atteint dès 1 400 tr/min. Sa plage de puissance constante impressionne également, s’étalant de 1 800 à 2 250 tr/min. « Bien que je n’aie qu’une courte expérience, ce bloc est, selon moi, la quintessence du moteur agraire. Il est fiable, puissant et réactif. Les intervalles d’entretien sont de 500 heures pour une vidange, mais nous la réalisons toutes les 200 heures par précaution. Ni moi, ni mon père ou ses associés n’ont jamais eu, sur ces modèles-là, à ouvrir un moteur pour le réparer. De plus, on ne se lasse pas du doux ronronnement des MAN. Ils n’ont rien à envier aux moteurs des tracteurs récents », témoigne Jérémy Durand. Les dizaines d’années d'utilisation pour quelque 11 800 heures accumulées n’empêchent pas ce moteur de démarrer au quart de tour, aucun bruit, de surcroît, ne venant trahir la moindre anomalie : une véritable horloge. Ceci vaut d’ailleurs pour les deux Favorit 926 Vario de l’exploitation, même si le second n’affiche que 7 900 heures au compteur.

Fait inédit à l’époque, le bloc MAN est couplé à une transmission à variation continue à deux gammes (Cliquez sur ce lien pour connaître son fonctionnement en détails), une association révolutionnant le pilotage du tracteur. En effet, fini l’embrayage, la recherche du bon rapport et les à-coups. Si, à l’époque, une telle technologie a pu en effrayer certains, elle a su rapidement, par sa fiabilité et son efficacité, rassurer son monde. Mais ce qui a parfait sa réputation, c’est la consommation du tracteur procédant de son utilisation. « Une fois qu’on a choisi sa vitesse d’avancement idéale, le tracteur va chercher le régime le plus faible et le plus efficient possible, ce qui le rend très sobre », témoigne l’agriculteur. Fendt, par exemple, annonçait dans sa brochure pouvoir labourer à 8 km/h à 1 700 tr/min en sols durs. « À l’époque, ce tracteur était parmi les plus économes du marché et, encore aujourd’hui, il n’a pas à rougir de sa consommation au sein de notre flotte », insiste Jérémy. Pour le fonctionnement à la prise de force, un superviseur de sous-régime permet également de maintenir un régime moteur suffisant en diminuant la vitesse d’avancement.
Une cabine vaste et un pilotage simple
Ce qui impressionne le plus dans cette transmission, c’est que, bien que son fonctionnement soit compliqué à expliquer, son pilotage, lui, s'avère très simple. Dans la vaste cabine du Favorit 926 Vario, offrant une surface vitrée de 4,2 m2, un plancher plat et un pare-brise ouvrant, trône un siège. Sur la droite de l’assise, l’accoudoir se termine par un joystick. Ce dernier permet de piloter la transmission de manière simpliste. Poussez le levier vers l’avant, et le tracteur avance et accélère. Tirez-le vers vous, et il ralentit jusqu’à s’arrêter. Un coup sur la gauche, et le sens de marche s’inverse. Un coup sur la droite, et on atteint la vitesse cible. Sur le levier, une gâchette permet de régler l’agressivité de la transmission selon quatre niveaux, exactement comme aujourd’hui ! Sur l’accoudoir, un bouton active le passage de la gamme champ à la gamme route. Les deux commandes de manœuvre de bout de champ « Go End » prennent place en bout d’accoudoir. « Le fonctionnement est simple. Tout se gère depuis l’accoudoir, ce qui est très confortable et surtout très rapide à prendre en main », confie Jérémy. Le reste des commandes est rassemblé sur la console de droite, à l'image des boutons de gestion électronique des ponts avec, notamment, enclenchement et désactivation automatiques si le chauffeur dépasse 15 km/h ou que l’angle de braquage excède 25°. « Entre les superviseurs de sous-régimes et les automatismes des ponts, l’attention du chauffeur peut se porter sur le réglage de l’outil, et la traction est toujours optimale », explique Jérémy. Le conducteur reconnaît les réglages sur lesquels il veut intervenir grâce à un code couleur. Toujours sur cette console de droite, il trouve l’accélérateur à main et les potentiomètres pour régler les butées, les vitesses de montée et de descente des relevages et le contrôle d’effort, mais aussi les commandes de position. Ensuite, entre la console et le siège, prennent place les leviers mécaniques et le réglage des débits des quatre distributeurs hydrauliques. La sélection du régime de prise de force est électronique, et son enclenchement électro-hydraulique. Sur le tableau de bord digital du tracteur, le chauffeur voit s'afficher la majorité des informations relatives à ces réglages. Il navigue entre les menus grâce à des raccourcis très clairs. « Prendre en main ce tracteur est très facile, et l'utiliser au quotidien est un vrai bonheur, apprécie l'agriculteur. Le concentré de détails facilitant sa conduite est pour son époque révolutionnaire. Plus besoin d’avoir l’œil partout puisqu’il dispose d'automatismes fiables et bien pensés ! »

En suspension
La facilité d’utilisation et la fluidité de la transmission ne sont pas les seuls atouts des Favorit 900 Vario. En effet, le constructeur bavarois a mis le paquet sur le confort. Le siège est évidemment suspendu pneumatiquement, mais ce n'est pas tout. En effet, le pont avant est suspendu à l’aide de deux vérins avec boules d’azote. La cabine est elle aussi suspendue mécaniquement sur deux points, avec ressorts et amortisseurs reliés par une barre antiroulis, lesquels sont associés à des silentblocs à l’avant. Cette suspension de cabine deviendra d’ailleurs pneumatique sur la génération suivante. En attendant, le 926 Vario et sa suspension intelligente offrent un confort parfait. Et il le faut, car ce dernier est capable de rouler à 50 km/h, ce qui, à l’époque, était considéré comme extrêmement rapide et dangereux. Pour compenser, Fendt installe un système de freinage sur le pont arrière, mais également sur le pont avant : les quatre roues sont ainsi freinées. Il en ajoute ensuite un autre, pneumatique, pour les outils semi-portés ou les bennes, de quoi rouler en toute sécurité. « Pour le transport, en particulier à l’ensilage, là où il travaille le plus, le Favorit 926 offre un confort exceptionnel au vu de son âge », affirme le jeune entrepreneur.



Relevages actifs
L’autre gros plus de ce tracteur réside dans ses relevages à double effet, dont la gestion et les commandes électroniques permettent de moduler la pression au sol. Déjà qualifiés d’« actifs », ceux-là sont donc capables d’assurer le maintien en profondeur d’un outil. Le relevage avant peut ainsi supporter une faucheuse frontale sans ses ressorts. Fendt installe aussi sur son tracteur un système compensateur d’oscillations.

Baptisé « Transtronic », ce dernier amortit les mouvements de ballant causés par le porte-à-faux des outils portés au transport. Les contrôles d’effort, pour leur part, prennent désormais en compte le patinage du tracteur grâce à un radar, en plus des capteurs d’efforts permettant d'ajuster le terrage des outils montés sur les relevages avant et arrière.

Hydraulique LS
Quant à l'hydraulique, Fendt a équipé son tracteur de ce qui se faisait également de mieux dans ce domaine. C’est ainsi qu'une pompe à débit variable load sensing (LS) prend place sur l’engin. Celle-ci délivre un débit maximal de 102 L/min à 200 bar. Elle alimente quatre distributeurs de série ainsi que les relevages avant et arrière, pour des capacités respectives de 5 100 et 9 180 kg. Le débit de chaque distributeur peut s'ajuster en cabine de 16 à 80 L/min, à l’aide d’une molette.

En bref, le Favorit 926 Vario est un concentré des technologies les plus abouties de son époque. Technologies qui non seulement s'avèrent, pour certaines, encore utilisées aujourd'hui, mais qui sont aussi arrivées bien plus tard chez certains concurrents. « Le Favorit Vario est pour moi celui qui a posé les jalons du machinisme agricole moderne. Pour cela, il aura toujours mon estime et une place dans notre flotte de tracteurs. Je les garderais aussi longtemps que possible, puisque je sais qu’ils ne failliront pas à la tâche », conclut Jérémy devant ses oncles et parents associés de l’ETA, qui semblent tous partager son avis.