L'enracinement détermine le rendementImplantation de Colza PART 1
LA RÉDACTION
Publié le 02/12/2013 à 16:25
Mise à jour à 04:434 minutes de lecture
Le colza est sûrement l'une des plantes les plus fainéantes qui soit. Son suivi cultural a déjà donné du fil à retordre à bien des agriculteurs. Chacun s'accorde à dire que sa réussite tient à son enracinement. Celui-ci doit en effet être suffisamment développé avant l'arrivée de l'hiver et en prémices du coup de fouet qu'offre le printemps. Sa racine pivotante aime bien avoir le champ totalement libre pour puiser l'eau et les nutriments. Dans sa quête de profondeur, elle tombe hélas bien souvent sur une semelle, parfois de labour, difficilement pénétrable, un sol trop tassé, trop sec ou au contraire asphyxié par des excédents d'eau. L'oléagineux se contente alors d'un enracinement superficiel et perd en potentiel de rendement. Les deux agriculteurs que nous avons rencontrés pour ce dossier ont décidé de ranger leur charrue et leur herse rotative au profit de techniques de semis facilitant le travail de cette plante paresseuse. Du travail simplifié en apparence. En apparence seulement.
« Les racines de colza descendent enfin en profondeur »
La charrue est en préretraite depuis près de vingt ans sur l'exploitation d'Alain Desvignes. L'agriculteur n'utilise en effet cet outil qu'en dernier recours pour implanter ses céréales d'hiver et protéagineux de printemps. Il a étendu dernièrement sa technique de non-labour au semis du colza, une plante particulièrement sensible aux phénomènes de compaction.
«Je n'ai encore jamais changé de pièces d'usure sur ma charrue », ironise Alain Desvignes, agriculteur à Saint- Aubin-sur-Gaillon dans l'Eure. L'exploitant a depuis près de vingt ans limité l'utilisation de sa charrue à cinq corps aux cas particuliers. « Je la conserve car elle est amortie depuis longtemps. Puis elle m'est encore parfois utile pour semer du blé après la récolte d'un maïs grain par exemple. » Le Haut-Normand a en effet pris l'habitude de semer sans labourer ses céréales d'hiver. Un à deux déchaumages superficiels sont d'abord réalisés, en guise de faux-semis, avant un travail plus profond, entre 15 et 20 cm, avec un plus gros cultivateur suivi de la herse rotative et du semoir à céréales. « Cette technique de non-labour me permet de maintenir mon taux de matière organique en surface et favorise l'infiltration de l'eau. » À la longue, l'exploitant a cependant dû faire face à la création de zones compactées dans plusieurs de ses parcelles.
Ce problème était d'autant plus visible dans ses champs de colza, une plante redoutant les sols durs. « En fourrière, l'eau avait de plus en plus de mal à pénétrer. La terre s'est donc peu à peu asphyxiée limitant ainsi la croissance de la culture. En contrepartie, le raygrass a connu un développement florissant », explique Alain Desvignes. L'agriculteur s'est donc mis à la recherche d'un nouvel outil fissurant le sol en profondeur mais respectant le mélange de matière organique créé en surface. Il s'est tourné en 2011 vers le décompacteur Flatliner de l'Américain GreatPlains. Cet appareil porté travaillant sur trois mètres de large intègre cinq dents droites rangées en V et un rouleau assurant à la fois le contrôle de la profondeur et le rappuyage du sol en surface. L'ensemble est surplombé par un petit semoir pneumatique doté d'un doseur à cannelures.
Un radar permet une régulation de la dose en fonction de l'allure. Cinq tuyaux souples transfèrent ensuite la semence jusqu'au sol. « Mon tracteur de 135 chevaux emmène l'appareil à une vitesse comprise entre 8 et 10 km/h. Les dents offrent une double action : elles fragmentent le sol à 40 voire 50 cm de profondeur et elles chassent les gros débris de la ligne de semis. La forme du rouleau est également déterminante pour l'implantation de la semence. Les graines sont en effet dispersées, à la volée, dans l'alignement des dents mais après le passage du rouleau. Le léger sillon créé par ce dernier assure donc un maintien de la fraîcheur indispensable pour réussir la germination », décrit l'agriculteur.
Nette hausse des rendements
La visite des parcelles ainsi implantées nous a permis de compter environ 45 à 50 pieds au mètre carré. « C'est presque trop. Les colzas clairs sont souvent les plus beaux. Nous avons déjà réalisé des essais de semis à une densité réduite de 25 pieds au mètre carré, voire avec des interrangs d'un mètre. L'année prochaine, je réglerai l'outil de façon à atteindre environ 40 pieds de colza au mètre carré avec des écartements entre rangs de 50 cm. » L'exploitant ajoute dans la trémie de semence une quantité d'antilimace égale à celle de la semence. « Je n'ai pas plus de problèmes avec les nuisibles aujourd'hui qu'auparavant. Seules les graines réparties en surface pourraient attirer les oiseaux. Des oies ont d'ailleurs séjourné dans une de mes parcelles mais apparemment sans grande conséquence.
Je n'utilise ni moins ni plus de produits phytosanitaires pour préserver la culture des éventuelles maladies cryptogamiques. » Alain Desvignes se félicite aujourd'hui des résultats obtenus. « J'ai mesuré, durant la précédente récolte, une augmentation moyenne des rendements de neuf quintaux par hectare, ce qui m'a permis d'obtenir, au final, près de 49 quintaux de colza par hectare. Cette hausse s'explique essentiellement par le meilleur enracinement des plantes qui leur permet de bénéficier plus longtemps de l'eau disponible en profondeur. Le cycle de la culture est donc légèrement plus long, mais les graines sont plus lourdes. J'ai aussi observé une nette baisse de la population de ray-grass suite aux travaux de fissuration du décompacteur. Ce type de chantier m'autorise également à travailler seul et avec un débit de chantier élevé », conclut l'agriculteur.