À Warmeriville, dans la Marne, le binage n’a rien de nouveau pour Hervé Gaidoz, son fils, Sébastien, et son épouse, Virginie. La betterave fait depuis toujours partie des têtes d’assolement de leurs exploitations agricoles situées à seulement quelques kilomètres de la sucrerie de Bazancourt (Marne). Depuis tout aussi longtemps, les vertus de cette pratique sont connues et reconnues par la famille.
Pour l'agriculteur, l’outil se raisonnait, il y a quelques années, comme un soutien aux désherbages conventionnels chimiques, lorsque, par exemple, des développements de chénopodes leur avaient résisté. Mais depuis que la famille Gaidoz a entamé une conversion au bio, en particulier sur des betteraves sucrières, le binage arrive en première ligne dans sa stratégie de lutte contre les adventices. Le programme de travail annuel fait intervenir la machine sur deux exploitations de 50 et 110 ha, ainsi que pour une entreprise assurant des moissons et des arrachages de betteraves. L’intégralité des 160 ha est concernée par le processus de conversion. « La prochaine récolte sera 100 % bio », se félicite Hervé Gaidoz. L’assolement compte 27 ha de betteraves, 46 ha de triticales, 14 ha d’orge de printemps, 8 ha d’avoine, 40 ha de luzerne et 25 ha de blé. Il est savamment planifié pour favoriser la fertilité des sols et limiter des apports d’amendements bios, hors de prix, mais aussi pour maîtriser le salissement des parcelles. Il démarre donc par une luzernière conduite sur deux campagnes. En plus de son effet bénéfique en matière d’apport d’azote pour les cultures suivantes, cette production s’avère nettoyante. Elle est suivie d'un blé d’hiver, puis de betteraves.

La même bineuse pour le blé et les betteraves
Tout de suite après le semis, les agriculteurs peuvent envisager des actions mécaniques pour détruire toutes les plantes spontanées entrant en concurrence avec leurs cultures. Ils ont pour cela remplacé leur ancienne machine frontale par une bineuse Garford guidée par caméra.
En général, cette bineuse est montée avec des pointes triangulaires pour les céréales et avec des lames obliques Slash pour les betteraves. Son gabarit est compatible à la fois avec les 12 rangs du semoir monograine et avec les 6 m du semoir en ligne.
Cette première action est la plupart du temps suivie par le passage d’une herse étrille. Avec ses 12 m de large, la machine offre un appréciable débit de chantier. Pour autant, à la différence de nombre de leurs collègues qui n’hésitent pas à mener ce type de matériel à près de 20 km/h, Hervé et Sébastien Gaidoz se contentent de vitesses comprises entre 7 et 8 km/h, plus respectueuses du matériel et des cultures en place.
En sortie d’hiver, un nouveau passage de bineuse ou de herse étrille est souvent nécessaire. Rien n’est cependant systématique. Tout dépend de la météo et de l’état des cultures, un sol trop dur rendant la herse étrille inopérante.

Simples d’utilisation
La bineuse utilisée peut être perçue comme un monstre de technologie. Elle porte sur ses deux extrémités des caméras analysant 30 fois par seconde l’image de la parcelle. En différenciant les nuances de vert de la culture de celles de la couleur du sol ou des adventices, son électronique est capable de calculer la position des rangs et de corriger celle des pièces travaillantes en agissant sur ses deux vérins de décalage. Par ailleurs, pour éviter de causer des dégâts dans les pointes, chacun des éléments se relève automatiquement grâce à un vérin indépendant. Ceux-ci sont commandés, à l’image d’une coupure de tronçon de pulvérisateur, grâce au positionnement GPS du tracteur. Cette technicité n’a, semble-t-il, pas rendu la machine particulièrement complexe à utiliser.
À raison d’un ou deux passages par culture, soit un programme annuel de près de 200 ha, la bineuse est bien occupée. Depuis un an, elle peut cependant souffler un peu, car la famille Gaidoz a investi dans une seconde machine, à six rangs, dédiée au binage des betteraves bios.
« En plus de biner sur le rang, elle est capable de travailler entre les plants », apprécie Hervé Gaidoz. Le matériel se dote, pour cela, de deux caméras surveillant chacune trois rangs de culture et pilotant indépendamment, au niveau de chaque rang, un moteur électrique imprimant aux dents un mouvement circulaire autour de chaque plant. Une commande pas à pas, très précise, de leur vitesse de rotation empêche ces dernières d'endommager la culture. La technologie de cette machine la rend plutôt performante. Cependant, son prix d'achat reste élevé, d'autant plus que son débit de chantier s'avère faible, sa vitesse de travail étant de seulement 2 km/h.