Matériel Agricole : Qu’est-ce que l’agrivoltaïsme ?
Antoine Nogier : C’est l’ensemble des techniques de protection et de régulation agroclimatique d’activités agricoles qui produisent à titre secondaire de l’énergie. C’est une nouvelle discipline et désormais une nouvelle filière à part entière. En effet, l’Ademe vient de clarifier officiellement la notion d’agrivoltaïsme en dissociant les installations ayant une vocation agricole de celles visant une cohabitation entre production agricole et énergétique. Elle retient qu’un projet peut être qualifié d’agrivoltaïque lorsque ses modules influencent la production agricole en lui apportant directement différents services (adaptation au changement climatique, protection contre les aléas, amélioration du bien-être animal, besoins des cultures…), et ce, sans induire ni dégradation importante de la production agricole, ni diminution des revenus issus de celle-ci.
Où en sommes-nous aujourd’hui en France ?
Nous n’avons pas de chiffre précis, car cette filière est naissante. Néanmoins, nous pouvons estimer à quelques centaines d’hectares les projets aujourd’hui existants. Nous en répertorions principalement sur le pourtour méditerranéen et, plus globalement, dans le Grand Sud en maraîchage, en arboriculture ou en viticulture. L’agrivoltaïsme prend d’autant plus son sens lorsqu’il s’agit de protéger un pied de vigne ou un arbre fruitier présent pour 20 à 30 années dans une parcelle. Il faut imaginer qu’un arbre planté aujourd’hui doit résister au climat en l’an 2050. Ceci n’est pas anodin si l'on se fie aux perspectives climatiques qui viennent d’être dévoilées par le rapport du Giec. L’agrivoltaïsme est également présent dans les régions d’élevage, pour protéger les animaux au pâturage, et quelques projets ont débuté en grandes cultures. Toutes les filières agricoles peuvent être concernées. Seuls les services apportés à la production agricole les distinguent.
Pourquoi implanter des panneaux photovoltaïques sur une parcelle ?
L’impact est double : à la fois agricole et énergétique. Du côté agricole, cela apporte de nouvelles techniques de protection contre les dérèglements climatiques (températures extrêmes, stress hydrique, grêle…). Il s’agit de créer de la résilience, c’est-à-dire la capacité à générer moins de risques, moins d’incertitudes vis-à-vis des productions. Côté énergie, l’agrivoltaïsme est une des réponses à la nécessité de transition énergétique portée par les pouvoirs publics. Aujourd’hui, 12 GW de puissance électrique sont issus du solaire en France, alors que nous devons multiplier ce chiffre par dix d’ici 2050. Comme les zones les plus évidentes (toitures, parkings, anciennes carrières…) ne sont pas suffisantes, les terrains naturels ou agricoles apparaissent comme une utilisation intelligente, à condition de le faire sans conflit d’usage. L’impact paysager peut ne pas être neutre, c’est pourquoi il faut également travailler avec les parties prenantes localement et veiller à conserver voire développer l’écosystème en place.
Quel est l’état actuel des connaissances techniques ?
Nombreux sont les programmes de recherche au sujet de l’agrivoltaïsme. Les travaux actuels concernent la modélisation, l’intelligence artificielle, afin que la plante elle-même puisse piloter l’ombrage, notamment. Des expérimentations sont également menées désormais à l’échelle variétale. Nombre de travaux sont aussi conduits sur l’élevage. Comme l’environnement est modifié par la présence des panneaux, ce changement impacte l’ensemble des pratiques. Il s’agit donc d’identifier et développer les techniques et pratiques qui permettent d’avoir des impacts positifs tout en supprimant les effets négatifs. La France fait référence en termes de recherche et développement sur l’agrivoltaïsme. Son rayonnement scientifique est considérable.
Qu’en est-il du cadre réglementaire ?
Si le cadre normatif était encore faible jusqu’à présent, cela évolue, et notre association y travaille. Jusqu’alors, les terres agricoles étaient exclues. Seuls des appels d’offres réservés aux technologies innovantes permettaient des dérogations. La définition de l’agrivoltaïsme par l’Ademe vient d’inscrire dans le marbre la primauté de la production agricole sur celle de l’énergie. Elle devrait ainsi permettre à l’État de fixer un cadre réglementaire plus précis et plus protecteur pour l’agriculture.