En ce matin de fin septembre, c’est l’effervescence à l’EARL Woehl : la récolte du houblon bat son plein. Dans le corps de ferme traditionnel situé au beau milieu du village alsacien de Seebach (Bas-Rhin) se dégage depuis trois semaines un parfum enivrant de houblon. Cette plante, dont les cônes sont utilisés en petites quantités pour aromatiser la bière ou lui donner de l’amertume, constitue la plus grande part du chiffre d’affaires de l’exploitation.

« La récolte de chacun de nos 20 ha de houblon prend entre 1,5 et 2 jours », explique Francis Woehl, le gérant âgé de 43 ans.
La majeure partie du temps de travail de cette structure de 50 ha de surface agricole utile lui est consacrée. « Une fois bien denses et verts, les cônes arrivent à maturité, explique Francis Woehl, le gérant âgé de 43 ans. La récolte de chacun de nos 20 ha de houblon prend entre 1,5 et 2 jours. » Son salarié se rend toutes les demi-heures dans l’une des houblonnières (champs de houblon) à proximité pour rapatrier un chargement de lianes de houblon à la ferme à l’aide d’une arracheuse. Cet ensemble attelé, spécifique à la production de cette culture, se compose d’une remorque et d’un bras latéral courant le long du tracteur et coupant les lianes à 1 m de hauteur environ. Le John Deere 5820 ainsi équipé, provenant d’outre-Rhin, dispose d’une cabine Walter Mauser de forme pyramidale, dont les angles moins saillants réduisent le risque d’accrocher des lianes lors des passages dans le rang. À l’allure de 4 à 5 km/h, l’arracheuse sectionne les plantes d’environ 8 m de haut. La chaîne intégrée saisit la base de chaque liane et l’achemine vers la remorque. L’avancement simultané de l’arracheuse provoque la tension du fil métallique tuteur, de 1,3 mm de section, mis en place chaque printemps, et ce, jusqu’à la rupture de l’extrémité supérieure.

Le bras latéral de l’arracheuse sectionne chaque liane, la transfère vers la remorque grâce à une chaîne en rotation.
La liane tombe dans la remorque à deux ridelles latérales hydrauliques. En déployant celles-ci au maximum, le chauffeur réduit le risque de chute du produit au sol. Il s’aide aussi de l’essieu directionnel à commande hydraulique pour positionner la remorque sur la ligne de chute et charger ainsi correctement la remorque. À chaque passage, l’arracheuse embarque environ 150 lianes.

Cueillette semi-mécanisée
« La cueilleuse travaille bien plus rapidement qu’un opérateur manuel, dont le rendement ne dépasserait pas trois lianes à l’heure »
La récolte transportée à la ferme est déchargée grâce au fond mouvant à chaînes et barrettes de la remorque. Commence alors un processus de cueillette semi-mécanisé du houblon en six étapes.

L’agriculteur a très vite industrialisé cette tâche fastidieuse à l’aide d’une cueilleuse statique, longue de 18 m et large d’environ 2,5 m, acquise en 2000. Entraînée électriquement, cette machine est capable d’ingérer de 180 à 250 lianes à l’heure. « Elle travaille bien plus rapidement qu’un opérateur manuel, dont le rendement ne dépasserait pas trois lianes à l’heure », estime l’exploitant. La cadence de la cueilleuse est ajustée à l’aide d’un variateur de fréquence. Depuis sa mise en place, Francis Woehl a procédé à de nombreuses modifications pour optimiser son fonctionnement. La première étape du processus consiste, pour l'opérateur, à accrocher les lianes une à une sur l’un des wagonnets de la chaîne alimentant la cueilleuse.

La cueilleuse statique, installée dans le corps de ferme, assure les différentes étapes de battage, de séparation et de nettoyage des cônes.
Chaque liane est ensuite happée par la machine. Une série de rotors munis de peignes dissocient alors les cônes des lianes.

Durant la première étape, des rotors munis de peignes dissocient des lianes la plupart des cônes.
Une fois dépouillées, celles-ci sont hachées menu. Ce sous-produit, représentant de 70 à 80 % de la plante entière, est ensuite soufflé dans une benne puis évacué au champ pour être composté ultérieurement. Les cônes dissociés, eux, transitent dans un rotor pour éliminer les rameaux restants. Ils subissent ensuite un pré-tri sur un tapis en caoutchouc, large et incliné, entraînant dans sa rotation les feuilles et tiges résiduelles, tandis que les cônes chutent en roulant vers une bande transporteuse. Ils sont ensuite acheminés jusqu’au trieur dont le flux d’air, généré par deux ventilateurs, plaque la récolte contre un grillage. Les cônes, de forme arrondie – offrant donc moins de prise aux vents –, tombent, là encore, par gravité. Grâce à un système de débordement, l’un des opérateurs en poste récupère les éventuels cônes non dissociés des bouts de lianes et leur fait subir le process complet une nouvelle fois. Au cours d’une ultime étape de séparation, trois bandes en caoutchouc dissocient les cônes des feuilles et tiges, puis les orientent dans une trémie d’attente, en vue du séchage.
Séchage express
En période de récolte, le séchoir tourne de 16 à 17 heures par jour. « Les dimensions du séchoir déterminent la quantité maximale de houblon qui peut être récoltée, poursuit Francis Woehl. Mais si les lianes sont peu chargées en cônes, c’est la cadence du cueilleur qui devient alors limitante. » Une bande transporteuse alimente le séchoir à trois étages de 7 x 4 m, situé dans la partie supérieure du hangar. Afin de remplir ce séchoir uniformément, un dispositif automatisé, acquis en 2011, répartit les cônes sur une couche de 30 cm.

Les cônes sont séchés à l’aide d’un ventilateur de 11 kW soufflant vers le haut l’air chaud produit par une chaudière à fioul de 750 kW.
« À l’issue du processus, le produit brut de 1,3 t réparti dans le séchoir ne pèse plus que 180 kg. »
Toutes les deux heures, l’exploitant actionne des claies par lesquelles le produit tombe à l’étage inférieur pour entamer une nouvelle séquence de séchage. « Le séchage complet dure ainsi six heures au total, au cours desquelles les cônes passent de 80 % à 10-11 % d’humidité, précise Francis Woehl. À l’issue du processus, le produit brut de 1,3 t réparti dans le séchoir ne pèse plus que 180 kg. » L’étage inférieur dans lequel le houblon a subi la dernière phase de séchage est formé d’un immense tiroir aux dimensions du séchoir. L’exploitant déplace ce tiroir de houblon séché puis vidange les cônes au-dessus d’une des deux cellules de stockage temporaire, dotées chacune d'une capacité de 37 m3 et d’un fond mouvant.


À ce niveau, le produit encore très friable peut refroidir. Cette étape nécessaire évite à la récolte toute perte de valeur. Les cônes sont acheminés par bande transporteuse jusqu’à la presse. Celle-ci comprime le houblon verticalement en lui appliquant une pression équivalente à 500 kg. Lors de cette phase d’ensachage, le produit est conditionné en ballots de dimensions 60 x 60 x 120 cm, pesant chacun 60 kg. L'EARL Woehl vend sa récolte annuelle de 400 ballots au Comptoir Agricole, la coopérative locale.

Main-d’œuvre indispensable
Le processus de récolte est aujourd’hui bien en place. Afin d’étaler la cueillette, Francis Woehl cultive cinq variétés différentes sur son exploitation. Pour chacune d’elles, il dispose d’une fenêtre de récolte de dix jours. « Je n’apporte plus de modifications importantes à la cueilleuse depuis quelques années, indique-t-il. Je projette toutefois d’améliorer encore la capacité de tri et le système de préhension des lianes qui alimente la machine. » Chaque année en septembre, la récolte mobilise 11 personnes, réparties en plusieurs groupes de saisonniers.
Outre le chauffeur de l’arracheuse, le chantier exige deux équipes successives de deux personnes pour alimenter la cueilleuse entre 6 heures du matin et 20 heures. L’exploitant gère lui-même la phase de séchage. Sitôt la parcelle récoltée, une autre équipe de quatre personnes récupère les lianes ou leurs fragments non détachés en s’aidant d’une nacelle, puis ramasse les résidus de récolte tombés au sol. Le volume ainsi récupéré ne dépasse pas 1 à 2 % des quantités totales récoltées. L’exploitant évalue le besoin en main-d’œuvre à 100 h/ha/an en conventionnel et près du double en agriculture biologique, pour cette culture exigeante en traitements. « Je n’ai pas l’intention d’augmenter mes surfaces aujourd’hui, conclut Francis Woehl. Aménager de nouvelles parcelles et monter à 40 ha de surface en houblon m’imposeraient un remplacement de l’unité de récolte – dont les capacités sont déjà exploitées à leur maximum pendant un mois –, ce qui engendrerait un investissement compris entre 1,5 et 2 M€ ! »