« Mon objectif est de rendre mon exploitation agricole la plus autonome possible en énergie, annonce Sylvain Raison, installé en Gaec avec son épouse, à Amance, dans la Haute-Saône. Actuellement, je cultive en semi-direct 840 ha de céréales et de prairies, ce qui représente le cœur de mon exploitation. J’élève également 140 vaches allaitantes. Le fumier qu'elles produisent me sert à fertiliser mes cultures. Il y a six ans, j’ai installé un méthaniseur en cogénération qui produit 540 kWh. La chaleur de ce dernier permet, entre autres, de sécher les céréales. »
300 t de panneaux photovoltaïques suspendus à 5 m du sol
Pour atteindre, à terme, l’autonomie énergétique au sein de son exploitation, Sylvain Raison accueille, depuis mai 2022, sous forme de parcelle pilote, les infrastructures photovoltaïques de la société TSE, spécialisée dans l’agrivoltaïsme.
« Ces panneaux solaires aériens sont installés sur un parcellaire de 3 ha. En effet, en dessous de 4 ha, une simple étude environnementale suffit », précise l’agriculteur.
Ce projet, représentant 300 t de panneaux photovoltaïques et 600 t de ferraille, a été pensé de façon à ne pas encombrer le sol de béton afin que l’agriculteur puisse continuer à cultiver sa parcelle.
En effet, les poteaux supportant l’interface photovoltaïque sont agencés de manière à offrir un passage d’une largeur de 27 m et sont espacés tous les 11 m dans le sens de la longueur. Les tables photovoltaïques, contenant neuf panneaux chacune, occupent une surface de 2 m de large sur 10,9 m de long. Elles sont placées en quinconce et recouvrent 42 % du parcellaire test. Elles autorisent ainsi une production de 900 kW/ha/an, alimentant jusqu’à 1 200 foyers. Chacune des tables est maintenue aux poteaux par des câbles de type « télésiège », à 5 m de hauteur pour le point le plus bas et à 6,5 m lorsque les panneaux sont en position horizontale. Cette configuration autorise le passage de la majorité des machines de récolte comme les moissonneuses-batteuses ou les ensileuses.
Une colocation bienveillante
De part et d’autre des tables, au niveau de leurs points d’accroche avec les câbles, prennent place des moteurs électriques appelés « trackers ». Ces derniers assurent l’inclinaison des panneaux d’est en ouest afin de capter au mieux la lumière par temps ensoleillé, telle une culture de tournesols. Toutefois, cette inclinaison varie également en fonction de la météo, à l’aide de différents capteurs de pluviométrie et de vents. Seule la société TSE est capable de piloter ce système appelé « Tracking Control Unit ».
« Par temps de pluie ou de neige, les panneaux s’orientent à la verticale, tandis que, par temps venteux ou grêleux, ils se positionnent à l’horizontale », explique Sylvain Raison.
Selon Xavier Guillot, responsable R&D biologie végétale chez TSE, les panneaux photovoltaïques ainsi pilotés apportent un ombrage homogène sur toute la culture, par alternance au cours de la journée.
« À la suite d’un essai sur culture de soja, de juin à mi-octobre 2022, le sol situé sous les tables photovoltaïques s'est révélé plus frais et plus humide qu’en dehors, à hauteur de 3 °C de moins. Cela entraîne une diminution de l’évapotranspiration et du stress hydrique et abiotique de la culture. De même, un sol plus humide réduit le besoin en eau et, par conséquent, limite l’irrigation des cultures. Ces différents processus réduisant les degrés jours d’uniquement 1,5 présentent un très faible décalage de maturité de la culture. » Sylvain Raison complète les propos du responsable R&D chez TSE en affirmant obtenir une biomasse végétale plus importante sous les panneaux. « Les plantes placées sous les tables photovoltaïques lèveront moins vite que celles en dehors. Cependant, la croissance végétale sera bien plus rapide », continue-t-il.
Près des différents poteaux supportant l’infrastructure, là où le passage des machines de travail du sol, de semis ou encore de récolte s’avère difficile, l’exploitant songe à semer des bandes de cultures légumières ou fruitières.
Un projet peu coûteux pour le propriétaire
Sylvain Raison n’a pas eu à débourser un seul centime dans le cadre de ce projet, le coût financier étant supporté par la société TSE à hauteur de huit millions d’euros d’investissement.
« J’ai signé, à la création du projet, un bail emphytéotique de 40 ans autorisant l’entreprise à intervenir sur l’espace aérien de la parcelle lorsqu’elle le souhaite », ajoute l’agriculteur.
De même, ce dernier reçoit, de la part de TSE, un loyer annuel de 1 600 €/ha indexé sur la puissance en MW fournie par les panneaux. En effet, ces derniers disposent d’une durée de vie moyenne de 20 ans et seront renouvelés par des modèles dotés de nouvelles performances.
L’énergie produite est exclusivement vendue dans le réseau par la société TSE. Toutefois, à la fin du contrat, Sylvain Raison sera propriétaire des infrastructures et pourra jouir de l’électricité produite pour sa propre consommation ou encore la revendre.
« J’ai pour ambition de renouveler le parc automobile de l’exploitation par des modèles électriques de façon à poursuivre ma quête d’autonomie totale en utilisant l’électricité produite par les panneaux », conclut l'agriculteur.