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Essai Semoir de précision  Lemken Azurit 10 : simple VS double rang, le match !

Le semoir Lemken Azurit a été testé au printemps 2022 dans une configuration offrant 6 m de large et huit doubles rangs.
Le semoir Lemken Azurit a été testé au printemps 2022 dans une configuration offrant 6 m de large et huit doubles rangs. (©J.H.)
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Nombreux sont les constructeurs qui s’affairent à améliorer la précision de placement des graines ou la régularité dans le sillon. En dehors des semoirs monograines à interrangs réduits, ils sont en revanche peu nombreux à développer des solutions pour optimiser la répartition spatiale entre les graines. Le semis en double rang offre la possibilité de diluer la concentration des semences générée par une seule ligne. L’espoir se tourne alors vers une réduction de l’autoconcurrence racinaire et vers davantage de développement foliaire. Pour en savoir plus, la technologie à double rang DeltaRow du semoir Lemken Azurit 10 a été mise à l’épreuve en semis de maïs et tournesol la saison dernière.

Pour conserver une cadence d’interrang moyen de 75 ou 80 cm en maïs, les rangs jumeaux sont espacés de 12,5 cm sur chaque élément semeur. Cette répartition spatiale conserve un interrang libre de plus de 62 cm. (© J.H.)

Selon les régions de France, les habitudes d’interrangs de maïs sont de 75 ou 80 cm. Cependant, certains agriculteurs cherchent à optimiser la répartition spatiale des graines pour favoriser la photosynthèse, l’accès aux nutriments et la concurrence des adventices. Nous retrouvons donc parfois des semis de maïs à 60, 45 voire 37,5 cm. C’est également une solution pour n’utiliser qu’un seul semoir sur plusieurs cultures comme le soja, le tournesol ou même la betterave. Des constructeurs, dont Lemken, souhaitent cumuler semis rapide et double rang, de 12,5 cm d’espacement. Le gain en termes d'occupation d’espace est alors en faveur de ces semoirs jumelés tout en conservant un axe de rang tous les 75 ou 80 cm. Les problématiques de compatibilité de voies de tracteurs, de têtes de récolte et de désherbages localisés ne sont donc plus des freins. Ces avantages doivent cependant être modérés par des éléments jumelés, comme sur l’Azurit 10 muni de la technologie DeltaRow, lesquels doivent respecter une position en quinconce parfaite. Pour compenser les problématiques de dilution de fertilisation localisée présentes sur les semoirs à interrangs réduits, Lemken positionne la ligne d’engrais entre les deux rangs jumeaux. La concentration de l’engrais tous les 75 ou 80 cm est donc conservée à proximité des rangs de manière équitable.

La texture sableuse et les conditions ressuyées du sol n’ont pas permis de juger du comportement du semoir en consistance plastique. (© J.H.)

Simple rang vs double rang

Afin de déterminer si le semis en double rang associé à un positionnement décalé des graines offre un gain significatif de rendement, nous avons semé tournesol et maïs selon deux modalités de densité de semis. C’est bien le même semoir Lemken Azurit qui a été utilisé, avec les mêmes réglages, d’abord en simple rang puis avec la technologie DeltaRow activée. Les semis ont été réalisés fin avril dans le secteur nord des Deux-Sèvres. L’implantation a eu lieu sur une interculture dérobée (seigle-avoine-féverole) détruite chimiquement sept jours avant le semis. Le passage d’un fissurateur a précédé celui d’une herse rotative avant de démarrer les essais. La vitesse de semis de l’ensemble des modalités est de 6 km/h, une allure volontairement réduite pour éviter que les trépidations de l’élément semeur en non-labour n'aient un impact sur les écarts de rendement.

Les mesures réalisées au lendemain du semis permettent de s’affranchir des pertes à la levée non imputables à la performance du semoir (ravageurs, température…). (© J.H.)

Modalités de l'essai de semis

Code Espèce Densité (pieds/ha) Rang
M_D1R1 Maïs  63 000 Simple
M_D1R2 DeltaRow
M_D2R1 75 000 Simple 
M_D2R2 DeltaRow
T_D1R1 Tournesol 60 000 Simple
T_D1R2 DeltaRow
T_D2R1 75 000 Simple 
T_D2R2 DeltaRow

Les semences utilisées sur la ferme d’essai sont les variétés MAS 815 OL pour le tournesol et P8329 pour le maïs. Le tableau regroupe l’ensemble des modalités comparées et répétées.

La distribution en quinconce bien respectée

Les mesures de précision de semis au champ sont réalisées sur 1/1 000 d’hectare pour chaque modalité. Les graines sont découvertes dans les sillons formés par le semoir afin de prendre en compte leur espacement réel. Les consignes de densité sont comprises entre 3001 et 3999 graines par hectare. À la suite des essais, les taux de levée et les évaluations de rendement ont pris en compte la densité réellement semée et non la densité visée. Le taux d’alimentation (A %) correspond au pourcentage de graines semées sans doubles ni manques dans le sillon. Les mesures étant réalisées après le semis, la qualité de la distribution se voit dès lors impactée par le mouvement des graines dans le sillon avant leur plombage et leur recouvrement. Il existe donc fréquemment un écart avec la qualité d’alimentation des tambours de sélection des graines ou les informations calculées par le contrôleur de semis. Le taux de doubles (D %) correspond au pourcentage de graines semées à une distance inférieure à la moitié de l’espacement théorique. Le taux de manques (M %) identifie le pourcentage de graines semées à une distance supérieure à une fois et demie l’espacement théorique. Enfin, le coefficient de variation (CV %) informe sur le rapport entre l’écart-type et la moyenne d’espacement des graines. Plus cette valeur est faible, plus la régularité de semis est importante. Voici la grille d’évaluation pour juger de la qualité de régularité de l’espacement :

- moins de 10 % : excellent ;

- entre 10 et 15 % : très bon ;

- entre 15 et 20 % : bon ;

- entre 20 et 25 % : moyen ;

- entre 25 et 30 % : mauvais ;

- plus de 30 % : très mauvais.

Le coefficient de placement à 3 cm (CP3) nous renseigne sur le pourcentage de graines placées à plus ou moins 1,5 cm de la distance théorique. L’objectif de cet indicateur est de dépasser les 50 %. Plus cette valeur est élevée, plus la régularité de placement est importante. Le graphique no 1 reprend les critères de jugement de la distribution monograine et de la précision de placement des graines. Globalement, la qualité d’alimentation est meilleure pour les semis de maïs que pour ceux de tournesol. Le transport pneumatique des graines peut avoir une incidence sur cette performance en raison du poids plus léger de la graine de tournesol, laquelle s'avère donc plus difficile à stopper par plombage dans le sillon. Le régime de rotation du tambour de sélection des graines est lui aussi en mesure d'influencer les performances de précision d’espacement des graines. La différence de densité est d’ailleurs davantage mise en évidence avec le tournesol. Concernant le coefficient de variation, seules les deux modalités M_D1R1 et T_D2R2 fournissent des résultats « très bons » et « moyens ». Le reste des CV % est compris dans une plage de régularité d’espacement jugée « bonne ». Seule la modalité M_D1R1 offre un CP3 supérieur à 50 %. Le reste des essais avoisine les 30 %, à l’image des performances de coefficient de variation.

En conclusion, la régularité d’espacement des graines est tout à fait satisfaisante. Cependant, il n’existe pas de corrélation directe entre les valeurs évaluées et les variables des modalités testées. La distribution des graines en double rang n’ayant pas d'impact sur la précision de placement des graines, il est donc possible de conclure que le positionnement en quinconce est tout à fait respecté.

Le semis en double rang confirme la régularité de l’espacement par un respect des positions en quinconce sur l’ensemble des parcelles de test. (© J.H.)

Analyse des performances en profondeur

Les valeurs minimales et maximales (tirets noirs) correspondent aux profondeurs de semis extrêmes de l’échantillon pour chaque modalité (graphique no 2). La préparation du lit de semence de manière simplifiée avec présence de résidus d’interculture a certainement impacté la stabilité des éléments semeurs et donc la qualité de mise en terre. La moyenne de profondeur de semis (tiret bleu) doit s’approcher de la valeur réglée lors du semis. La dispersion 50 % (rectangle bleu) est exprimée en millimètres. Cette valeur correspond à la plage de profondeur qui contient la moitié des graines semées. Plus cette plage de profondeur est faible, plus le semis est régulier en profondeur. Voici la grille d’évaluation utilisée pour juger de la qualité de régularité de la profondeur :

- moins de 5 mm : très bon ;

- entre 5 et 7 mm : bon ;

- entre 7 et 9 mm : moyen ;

- plus de 9 mm : mauvais.

L’ensemble des modalités de semis de maïs a été semé avec le même réglage de profondeur (45 mm). On distingue cependant des moyennes différentes en simple rang ou en DeltaRow. Dans tous les cas, l’écart le plus important par rapport à la consigne est de 7 mm. La méthodologie de contrôle a pu avoir un impact sur cette différence de performance entre les modalités à rang simple et celles en DeltaRow puisque les mesures sont effectuées à partir de la bande de roulement de la roue de jauge centrale. Aussi, le dégagement de terre sur le double rang aurait pu faire baisser de quelques millimètres la zone d’appui de référence pour les mesures. La dispersion 50 %, critère le plus représentatif de la régularité de profondeur de semis, oscille entre 6,5 et 10 mm. La performance est donc majoritairement « bonne » à « moyenne » malgré un lit de semence chargé de résidus végétaux et préparé sans labour.

Nous retrouvons, dans le graphique no 3, les mêmes critères de jugement de régularité de profondeur pour les modalités de semis de tournesol. L’ensemble des modalités a été semé avec le même réglage de profondeur (35 mm). Nous distinguons également des moyennes différentes en simple rang ou en DeltaRow. Pourtant, une différence de seulement 4 mm de l’objectif réglé est ici observée. Comme pour les modalités en maïs, la méthodologie de mesure pourrait expliquer cette corrélation avec le nombre de rangs. L’évaluation de la dispersion 50 % est majoritairement dans la classe « moyenne » avec une seule modalité jugée « bonne ».

Ne pas confondre vitesse et dynamique de levée

Afin de juger du taux de levée final et de la rapidité d’émergence, des jalons de couleurs différentes chaque jour identifient les nouveaux pieds émergents. On obtient alors une courbe de dynamique de levée. Sa pente indique la rapidité à laquelle la totalité de la modalité a émergé. La levée du maïs s’est échelonnée sur deux à trois jours (de 0 à 50 % de levée), une semaine environ après le jour du semis (graphique no 4). Les modalités à forte densité fournissent les meilleures dynamiques de levée ainsi que le taux d’émergence final le plus important. En raison d’un lit de semence parfaitement humecté, ces performances doivent être mises en corrélation avec l’évaluation de régularité de profondeur. En effet, les essais en double rang sont ceux qui présentent également des profondeurs plus importantes, de l'ordre de 8 à 10 mm. Aussi, la modalité M_D1R1 atteint le stade levé avec un jour de retard, justifié par la profondeur de semis moyenne la plus élevée des essais.

Un écart de jour de levée pénalise la productivité d’un pied jusqu’à son potentiel de rendement (modalités maïs). (© J.H.)

Pour les modalités en tournesol (graphique no 5), la levée s’est effectuée sur trois à quatre jours. Il aura fallu attendre plus de deux semaines après le semis pour obtenir le taux de levée final. La parcelle accueillant ces modalités a été attaquée par plusieurs ravageurs : pigeons, noctuelles et punaises. On découvre donc que la modalité T_D1R1 a principalement été épargnée grâce à sa dynamique d’émergence. En effet, avec un à deux jours de décalage pour atteindre 50 % de levée dans les autres modalités, les attaques ont ici pénalisé le taux de levée final. Il n’existe pas de corrélation directe entre la régularité de profondeur et la dynamique de levée. Dans cette parcelle, le ressuyage du sol était plus avancé, et l’humidité résiduelle davantage hétérogène, favorisant ainsi une plus grande profondeur de semis plutôt qu'une dynamique de levée plus rapide.

Un écart de jour de levée pénalise la productivité d’un pied jusqu’à son potentiel de rendement (modalités tournesol). (© J.H.)

Meilleurs rendements en DeltaRow

Une pesée a été réalisée à la récolte pour chaque modalité. La moyenne de rendement en maïs (graphique no 6) n'a atteint que 55 q/ha en raison de zones moins productives pénalisées par la sécheresse et les canicules de l’été 2022. En microparcelle, le semis en double rang a augmenté le rendement, quelle que soit la densité de semis. Les températures et la pluviométrie extrêmes de l’automne n’ont pas permis de révéler d’écarts significatifs sur les qualités marchandes du maïs récolté. Pour le semis en simple rang, la variation de densité de semis n’a pas impacté le potentiel de rendement.

Pour le tournesol (graphique no 7), la moyenne de production est de 23 q/ha et s'avère identique au rendement moyen des quatre modalités en microparcelle. La répartition des graines sur une ou deux lignes modifie le potentiel de rendement. La densité de semis impacte elle aussi la productivité. Les deux facteurs cumulés offrent tout de même un écart de rendement de 17,5 %, en faveur du double rang et de la densité de semis la plus élevée.

L’importance des graines en quinconce jusqu’au rendement

Les graphiques nos 8 et 9 représentent le rendement moyen par pied de maïs en fonction de son jour de levée. La droite de tendance (en pointillé) illustre un fondamental agronomique qui justifie l’importance de la dynamique de levée : l'évolution du rendement en fonction du retard d’émergence. En effet, il est démontré depuis plusieurs années qu’un pied de maïs levant avec plus d’un jour de retard ne valorise pas son potentiel de rendement. Les modalités en simple rang (M_D1R1 et M_D2R1) du graphique no 8 confirment cette tendance, avec des facteurs négatifs importants (de 18 et 20). Le coefficient de détermination (R2) est d’ailleurs supérieur ou proche de 0,80, validant la régression linéaire et la fiabilité du fondamental agronomique. La corrélation entre jour de levée et baisse de rendement est tout à fait différente pour les modalités en double rang DeltaRow. La courbe de tendance est beaucoup moins inclinée, confirmant ainsi des facteurs négatifs bien inférieurs au simple rang (de 1,98 à 6,40). De plus, avec un coefficient de détermination à moins de 0,25, il n’est pas possible de conclure à une corrélation entre jour de levée et potentiel de rendement par pied. Ainsi, même si la levée en double rang s'est étalée sur davantage de jours, la répartition des graines en quinconce a certainement limité la concurrence des éléments minéraux entre pieds. La performance de la dynamique de levée, à laquelle se réfèrent bon nombre de spécialistes, peut être remise en cause par une nouvelle répartition spatiale des graines lors du semis. Le développement du maïs, moins autoconcurrencé, est donc moins impacté par les régularités d’espacement et de profondeur analysées précédemment.

Avec le tournesol, que le semis soit réalisé en simple ou double rang, il n'y a pas, contrairement au maïs, de différence fondamentale au niveau de la perte de rendement (graphique no 9). Cependant, dans les modalités en DeltaRow, on observe une meilleure expression du rendement sur les pieds levés le premier jour. Le positionnement des graines en quinconce, donc plus espacées, peut avoir un effet positif sur l’autoconcurrence. Les données sur l’impact de la dynamique de levée en tournesol sont peu nombreuses, il serait donc périlleux de conclure à une corrélation directe entre la répartition des graines et le potentiel de rendement de chaque jour de levée.

 

Bilan

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