Rouler de 0 à 50 km/h sans variation de couple, avec 453 ch de puissance brute sous le capot et 100 kW à la prise électrique derrière le tracteur pour mouvoir les deux ponts moteurs E-Drive de la tonne à lisier Joskin, telles sont les capacités du John Deere 8R 410 eAutoPowr. C’est justement le petit « e » qui fait toute la différence. Le plus gros modèle de cette gamme 8R, jusque-là disponible uniquement avec la transmission full-powershift maison e23, dispose à présent et en option de la variation continue EVT. Celle-ci se démarque de sa cousine IVT par l’électrification du module qui remplace la partie hydrostatique de l’AutoPowr. Grâce à une génératrice électrique entraînée par le moteur thermique, elle fournit une tension de 480 V en courant alternatif triphasé pour alimenter un moteur électrique. Ce dernier permet, via la gestion électronique de la transmission, de varier le régime des trains épicycloïdaux nécessaires au bon fonctionnement de la variation continue.
Nous le savons tous, le rendement d’un moteur électrique est nettement supérieur à celui d'une transmission hydrostatique. De plus, cette puissance générée permet à John Deere d’installer une prise électrique pour alimenter l’outil arrière. Derrière notre 8R 410 est attelée une tonne à lisier Joskin Euroliner de 28 000 L, dont vous pouvez retrouver l’essai dans le dernier hors-série Équipement Entreprise daté de juin 2023 (no 38) ou sur notre site www.materielagricole.info. Nous allons ici nous concentrer sur le confort et l’utilisation du tracteur doté de cette transmission eAutoPowr. Pour apprécier les capacités de la bête, nous nous sommes rendus ce printemps sur le Gaec Girard-Clerc, situé en Franche-Comté, où nous avons pu profiter de l’unité de méthanisation pour épandre du digestat. Le relief vallonné de la région est idéal pour faire ronronner notre 8R et apprécier ses qualités de traction et de roulage.
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100 % électrique de 0 à 5 km/h
J’accède au poste de conduite à l’aide des cinq marchepieds. À bord, rien ne m’indique que le tracteur est doté de l’eAutoPowr. Notre modèle s’équipe du CommandPro, le joystick multifonction que l’on retrouve, entre autres, sur les tracteurs des séries 6R et 7R. Au volant, le capot qui me paraissait imposant depuis l'extérieur, me semble beaucoup plus fin et perturbe peu la visibilité. Je domine mon attelage arrière et dispose d'une vision générale renforcée par les rétroviseurs à grand angle. Une fois la tonne à lisier remplie de ses 28 000 L de digestat, je quitte la méthanisation pour me rendre au champ, à une dizaine de kilomètres. Je sélectionne le sens de marche au volant et j’avance à l’aide de la pédale. Notez que je peux passer instantanément en conduite au joystick sans même appuyer sur un bouton. Je poursuis mon avancée au pied et attaque la montée sur les premiers kilomètres. Malgré le poids généreux de l’ensemble, le tracteur atteint rapidement les 35 km/h. Luc Gachon, responsable produit tracteur pour la marque au cerf, m’indique, après quelques tours de roues, que notre 8R 410 évolue, de 0 à 5 km/h, à 100 % en énergie électrique.
J’avoue que, sans cette indication, je ne m’en serais pas du tout aperçu. Contrairement à une voiture hybride, dont le moteur thermique démarre une fois le véhicule lancé par l’hybridation électrique, ici, le 9-litres John Deere tourne constamment et reste en prise avec la transmission. Au volant, je ne ressens aucun transfert ou bruit m’indiquant le travail de la transmission pour cette allure. Une fois lancé et arrivé au plat, je roule à 42 km/h au régime économique de 1 250 tr/min. En cabine, c’est le calme, j’écoute de la musique avec mon smartphone Android connecté en Bluetooth au système audio compatible DAB+, c’est très agréable.

Les allers-retours, de la fosse au champ, s’enchaînent, sans que je me sente fatigué ou stressé. Dans le chemin de champ un peu chaotique qui me mène à la parcelle, je suis agréablement surpris par le confort de la suspension du siège, sachant que le 8R ne dispose pas de cabine suspendue. Je ne ressens aucune secousse ni ne me sens tanguer. Malgré l’absence de masse sur le relevage avant, inutile pour tracter la tonne à lisier, le pont avant à bras indépendants ILS encaisse avec fluidité et aisance les irrégularités du chemin. Je me sens presque voler.
Une ambiance de conduite agréable
Pour atteindre la deuxième parcelle, j’emprunte une côte de plus de 7 %. Le tracteur ne descend pas en dessous de 15 km/h et je peux entendre le jeu des embrayages multidisques des cinq gammes composant la transmission, mais pas de quoi me perturber dans ma conduite et encore moins le couple du 8R, qui tient la cadence. Au champ, je pivote le siège de 40° vers la droite et pose mes chaussures sur les repose-pieds dédiés. Là encore, je me sens à l’aise pour enchaîner les chantiers d’épandage pendant de longues journées. L’enregistrement des séquences de bout de champ iTech me simplifie les tâches à mettre en œuvre pour piloter la tonne à lisier et le tracteur, une fois l’outil arrière déployé depuis le menu Joskin dans le terminal.
Je n'ai plus qu'à réaliser quelques clics pour épandre avec une vitesse cible et en suivant la ligne du guidage. Pendant l’épandage, je garde un œil sur le terminal via le menu dédié à la tonne qui m’indique ce qu’il reste dans la cuve, et je tourne la tête de temps en temps vers la droite pour surveiller mon attelage. En bout de champ, en un simple clic, l’outil se relève, et la vanne l’alimentant en digestat se ferme. La seconde vitesse cible programmée a réduit mon allure pour assurer mon demi-tour en toute simplicité. C’est reparti. Tout au long de mon travail, le terminal John Deere, par l’intermédiaire de bips ou de pop-up s’affichant en haut de l’écran, m’informe des divers changements de réglage ou de prise de ligne de guidage : c’est très appréciable et rassurant. Les deux journées sont déjà terminées. Un coup de nettoyeur à haute pression, et l’ensemble repart dans une concession en Alsace pour promouvoir cette technologie électrique. Une chose est sûre, cette solution ne va pas en rester là et devrait connaître un bel avenir dans le monde du machinisme pour l’entraînement d’une multitude d’outils arrière.