Sur le segment des tracteurs à quatre cylindres de 120 à 150 ch, le Deutz-Fahr 6140.4 sort du lot par sa transmission RVshift. Cette boîte unique sur le marché enjambe le fossé technologique entre les modèles à rapports sous charge semi- et full-powershift d’une part et les transmissions à variation continue d’autre part. Je vous avais déjà parlé de la transmission RVshift lors de l’essai du Deutz-Fahr 6125C, paru dans le numéro 289 de Matériel Agricole (juillet-août 2022). Entièrement conçue et fabriquée en interne par le groupe SDF, celle-ci combine 20 rapports sous charge en marche avant – 16 en marche arrière – avec un module hydrostatique. Elle offre ainsi deux modes de conduite. Afin d’apprécier les similitudes mais aussi les différences entre le 6125C et le 6140.4, je me suis de nouveau rendu à la ferme du lycée agricole de Saint-Yrieix-la-Perche, dans la Haute-Vienne. Si la série 6.4 reprend aux 6C leur capot, elle partage en revanche sa cabine MaxiVision avec les plus grands tracteurs de la marque, dans les gammes 6, 7, 8 et 9.

À bord, l’aménagement répond aux codes des dernières générations de modèles Deutz-Fahr. Je ne suis pas dépaysé puisque je retrouve l’accoudoir présent dans les 6C. Le tableau de bord, dont l’inclinaison accompagne celle de la colonne de direction, héberge en son centre l’écran Info Center Pro. Ce dernier constitue la seule interface pour l’ensemble des réglages du tracteur lorsque l’écran supplémentaire iMonitor ne prend pas place sur le côté droit du poste de conduite. La présence de ce second terminal ouvre la voie aux fonctions avancées telles que l’Isobus et le guidage. L’écran de 8” est déverrouillé en standard pour la coupure de tronçons jusqu’à 200 sections. Le grand écran de 12”, disponible sur le TTV, est quant à lui déjà prêt pour une utilisation en modulation de dose « TC GEO » ainsi que pour le partage de documents au format ISO-XML TC-BAS.
Un chargeur bien intégré
Mais revenons à notre essai. Dans un premier temps, je m’occupe du curage d’un des bâtiments dédiés aux vaches limousines. Je dois d’abord me faire au gabarit du tracteur, dont le poste de conduite s’avère plus haut perché que celui de son petit frère, le 6125C. Heureusement, les rétroviseurs à grand angle de vision viennent à mon secours lorsque je m’approche au ras des barrières métalliques, dont les fixations pourraient endommager les pneumatiques. Le circuit hydraulique à signal de charge, délivrant 120 L/min, rend les mouvements du chargeur plutôt rapides, raccourcissant ainsi les temps de cycle pour fermer le grappin de la benne multiservice ou pour hisser le godet au-dessus des ridelles de la benne.

Le joystick électronique intégré à l’accoudoir sert aussi bien à piloter deux distributeurs à l’arrière qu’à utiliser le chargeur frontal. Il offre une grande précision. Le chargeur ProfiLine FZ 43-27 d’origine Stoll profite d’un brancard large de 110 cm, au lieu des 96 cm habituels, afin d’accroître la visibilité. Il atteint une hauteur de 4,3 m et peut soulever jusqu’à 2,7 t. Il figure au catalogue aux côtés des 43-30, 41-29 et 41-33, lesquels présentent des hauteurs de 4,3 m pour le premier et de 4,1 m pour les deux autres, et des capacités de levage respectives de 3, 2,9 et 3,3 t. Les chargeurs sont intégrés à l’usine et profitent de série d’une suspension servie par un vérin dissimulé dans la poutre transversale de leur bâti. Ils accèdent à une troisième et à une quatrième fonction auxquelles les outils peuvent se raccorder à l’aide de coupleurs rapides. Ils reçoivent en option les fonctions de remise à niveau automatique et de bennage éclair.
Pousser le manche suffit
Une fois terminé le curage du bâtiment, il est temps pour moi de tester le 6140.4 sur route. Bien que j’aie déjà eu l’occasion de conduire la transmission RVshift, je veux voir ce qu’elle donne lorsqu'elle est combinée au moteur FARMotion de 3,8 L. Je commence donc par dételer le chargeur avant d'accrocher un plateau à fourrage à quatre roues présent sur la ferme. Le chargement de 18 balles de foin fraîchement pressées est assuré par le télescopique du lycée. Ça y est, je peux me lancer sur la route. Le tracteur démarre sur le cinquième rapport, ce qui évite de solliciter inutilement l’embrayage. Je passe plusieurs vitesses d’un coup en maintenant le joystick de conduite vers l’avant. Je peux aussi sauter des rapports en appuyant en continu sur le bouton de consentement, sur le revers du levier, tout en poussant ce dernier. La transmission ajoute – ou soustrait, selon le sens de manipulation du joystick – de deux à cinq rapports, cette valeur étant paramétrable depuis l’Info Center Pro.

Les vitesses passent sans à-coup. L’absence de gamme ne provoque pas de rupture de couple, ce qui est vraiment appréciable en montée. Lorsque j’atteins le 19e rapport, je donne une impulsion supplémentaire pour basculer en mode ECO. Dès lors, la conduite s'avère semblable à celle qu'offre une transmission à variation continue. Le régime du moteur s'adapte automatiquement à la charge, tandis que la pédale d’accélérateur commande seulement l’allure. Je laisse volontairement la vitesse chuter jusqu’à 25 km/h, ce qui représente la limite minimale du mode ECO.
Du couple à revendre
Lorsque je rappuie sur la pédale, le moteur grimpe aux alentours de 1 400 tr/min. Le rapport de transmission évolue alors de manière linéaire jusqu’à l’allure maximale de 50 km/h. Lorsqu’une descente se présente, je n’ai qu’à tirer sur le joystick pour repasser sur les rapports mécaniques, en commençant par le 19. Je descends encore quelques vitesses, jusqu’en 14, afin de profiter du frein moteur. J’active en plus l’Hydraulic Engine Brake (HEB), qui sollicite des fonctions hydrauliques afin de fournir un plus grand effort de retenue. Par exemple, le ventilateur viscostatique est embrayé au maximum. Le tracteur retient la charge sans broncher. Je n’ai pas à toucher la pédale de frein, ce qui permet non seulement d’éviter l’usure des organes de freinage, mais aussi de garder toute la puissance dont ces derniers disposent en cas d’urgence.

Dans la montée suivante, je décide de rester sur le 14e rapport afin de voir ce que ce moteur a dans le ventre, sa cylindrée me paraissant modeste. Le régime baisse doucement avant de se stabiliser autour des 1 200 tr/min. Le bloc FARMotion délivre alors 100 % de son couple. Il courbe l’échine, s’ébroue mais ne fléchit pas. Il tient bon, encaisse la côte et parvient à hisser le convoi jusqu’au sommet, où il réussit à reprendre de l’allure. Je dois bien avouer que je ne m’attendais pas à ce qu’il résiste aussi bien face à ce test. Je trouve vraiment plaisant de conduire un tracteur dont le moteur se montre volontaire dans les bas régimes. Ceci permet de rouler « au couple », donc d’économiser la mécanique, qui tourne moins vite, mais surtout de limiter la consommation de carburant. Ce tracteur a décidément tout pour plaire !
