La puissance sans le poids, est-ce vraiment gage de performance pour les travaux lourds et en dévers ? C’est la première question qui vient à l’esprit lorsque nous déchargeons ce John Deere 6R 150 dans la cour de ma ferme du Gers pour cet essai d’une semaine. Ce tracteur d’aspect léger par son petit capot abrite un quatre-cylindres John Deere PSS fournissant une puissance maximale de 165 ch. Je m’empresse de le peser. Il affiche tout juste 6,84 t sur la balance avec trois barres de GNR en moins sur la jauge du tableau de bord, soit un rapport poids/puissance de 41 kg/ch. Si sa silhouette est bien adaptée aux travaux de semis, de manutention, de fertilisation ou encore de traitements, l’est-elle pour assurer les travaux lourds et avoir un bon comportement au transport ? Afin de répondre à cette question, nous allons d’abord réaliser avec ce 6R 150 de la reprise de labour à une profondeur de 20 cm avec un déchaumeur à dents Amazone Cenio de 3 m, et ce, dans une parcelle avec des pentes à fort pourcentage comme en connaît ce département, et une terre argilo-limoneuse lourde. Nous irons ensuite livrer de l’orge avec une benne Gourdon G180 à double essieu de 18 t pour évaluer le comportement routier du tracteur, avant de terminer par un passage au banc de puissance. C’est parti pour une semaine à bord du 6R 150.
Prise en main limpide
Pour commencer, nous attelons l’Amazone Cenio pour effectuer la reprise de labour. Je m’installe donc derrière le volant. Première surprise, le siège de cette version Ultimate se règle tout seul. Il tient compte de ma morphologie pour se positionner. Ce n’est certes pas ma première fois à bord d’un John Deere, mais je vais enfin mettre la main sur le joystick CommandPro autorisant le pilotage de la transmission à variation continue AutoPowr, seule boîte disponible sur le 6R 150. Celle-ci dispose de quatre gammes mécaniques dont le passage est automatique. Le joystick tombe sous la main et offre une ergonomie intéressante. Son fonctionnement s’avère basique, mais clair. Le pousser fait augmenter l’allure, et le tirer la ralentit, la vitesse d’avancement étant maintenue lorsqu’on le relâche. En marche arrière, c’est l’inverse : tirer le joystick fait accélérer et le pousser fait ralentir. Pour changer de sens de marche, il me suffit de lui donner une impulsion vers la gauche. La sensibilité de l’inversion se règle directement via un bouton sur le joystick, une série de LED s’allumant selon le niveau sélectionné. La plage de vitesse pour l’attelage n’étant pas parfaite, l’AutoPowr propose une gamme « d’approche » en penchant le levier vers la gauche. Ensuite, même manœuvre que précédemment, on pousse ou on tire en tenant le levier vers la gauche. Le tracteur ne maintient cette fois-ci pas la vitesse mais offre une circulation bien plus précise. Ceci rend les manœuvres d’attelage ou les déplacements entre les bâtiments très simples. En bonus, le frein de parking s’active et se désactive automatiquement à chaque fois que le conducteur quitte la cabine ou y revient, un vrai plus que j’ai pu apprécier à plusieurs reprises. À noter que la transmission peut également se piloter via la pédale sans aucune manipulation à effectuer. Une fois l’outil attelé, il est temps de se rendre dans la parcelle. Là encore, le joystick montre toute son ergonomie. Grâce à ses touches configurables, je définis la commande de montée et de descente du relevage sur une double touche du levier. J’assigne également l’activation de l’autoguidage sur un bouton programmable. La vitesse cible se règle via une molette, toujours à l’aide du CommandPro. Après avoir réglé l’outil à la bonne profondeur, je l’enterre et active la vitesse cible en donnant une impulsion vers la droite avec le levier.


Alors, ça tire ?
C’est parti, on affronte la colline de face. Oups, j’ai oublié de régler le contrôle d’effort. Le tracteur patine en tentant de maintenir l’outil qui se heurte à la roche mère située près de la surface. Il faut agir vite mais, pour modifier ce réglage, je dois passer par l’écran, ce qui n’est pas une mince affaire. J’aurais apprécié une molette. Néanmoins, les réglages de relevage depuis la console du tracteur s’avèrent rapides grâce à un raccourci vers ce menu. Une fois bien paramétré, le 6R, auquel est attelée une masse additionnelle de 600 kg sur le relevage avant, ne fait qu’une bouchée de la colline en passant à plus de 6 km/h aux endroits les plus critiques. Une masse de 1 000 kg n’aurait cependant pas fait de mal à l’ensemble qui pèche un peu par son équilibre lors des demi-tours. Le poids du tracteur et sa variation continue n’ont donc pas été un problème pour la reprise de labour puisque nous avons adapté son lestage. Il est en effet plus simple d’alourdir un tracteur que de l’alléger. Un bon point pour ce John Deere 6R 150 reposant sur un empattement de 2 580 mm qui s’en sort donc sur les travaux lourds.
Une console plus puissante

Le passage du déchaumeur est aussi l’occasion de tester la console G5 de dernière génération qui équipe le tracteur. Cette dernière se dote d’un processeur plus puissant, avec la promesse de gérer plus de fonctions avec une plus grande réactivité. En effet, il n’y a que peu d’attente entre le démarrage du tracteur et l’allumage de la console. La dalle tactile, quant à elle, se rapproche plus d’un smartphone ou d’une tablette que du modèle antérieur. Les menus et l’ergonomie d’affichage restent en revanche les mêmes pour ne pas dépayser les utilisateurs habitués. Toutefois, que l’on ait déjà eu affaire à une console de la marque ou non, la prise en main est rapide. Les manipulations pour créer une ligne de guidage, régler le tracteur ou encore paramétrer l’affichage principal sont un jeu d’enfant. Des raccourcis permettent en outre d’accéder aux différents menus rapidement, et des pop-up informent le chauffeur de la fonction utilisée. Notre tracteur est également équipé d’un moniteur G5 plus étendu pour afficher deux écrans en simultané. Je n’ai pas ici d’outil Isobus, mais j’y assigne le GPS afin d’obtenir plus d’« infos tracteur » sur l’écran principal. À l’utilisation, le guidage à l’aide de l’antenne StarFire 7000, avec acquisition du signal GPS sans abonnement, s’avère peu précis dans les coteaux. En cause, le patinage et le dévers. Cependant, pour des travaux tels que le déchaumage, ce niveau de guidage semble suffisant. Pour ceux qui exigent plus de précision, un signal payant serait nécessaire.
A lire aussi : Les John Deere 6M poussés jusqu’à 275 ch.
Le routier

Une fois la parcelle terminée, je reviens sur la cour de la ferme pour atteler la remorque. Lorsque cette opération est effectuée, je me dirige vers mes silos, enfermés dans un bâtiment exigu dimensionné pour des ensembles bien plus petits, afin de la remplir d’orge. Là encore, la transmission et surtout l’agilité du tracteur me permettent de me glisser aisément entre les poutres IPN de la structure du bâtiment et les vis. Le poids de l’ensemble chargé au maximum grimpe de 14 t supplémentaires. Le parcours routier vers le négoce local comprend des montées et des descentes importantes sur une route étroite et fréquentée, de quoi tester le comportement de l’ensemble. Première étape dès le franchissement du portail, il faut grimper. Départ arrêté donc. Je pousse le manche à fond, et le tracteur avance. Il atteint rapidement 15 km/h mais y plafonne, ce qui reste honorable au regard du poids à l’arrière et du dévers qui nous fait face. Sur le plat, le tracteur reprend petit à petit une vitesse de 42 km/h. La route n’est pas un billard, pourtant le tracteur reste confortable malgré son faible poids et n’affiche aucun ballant. Sur le siège optionnel « Ultimate » adapté à ma morphologie, les nids-de-poule sont bien absorbés. Dans une descente, je dois m’arrêter d’urgence pour laisser passer un semi-remorque. L’ensemble s’est stoppé suffisamment vite pour ne pas créer de situation dangereuse. J’apprécie également l’efficacité du frein moteur en tirant le joystick vers l’arrière dans les phases de ralentissement, que je peux ainsi mieux anticiper. Celui-là s’avère également utile lorsque la remorque est moins chargée. De retour à la ferme, il est temps de dresser un bilan. La bonne capacité de traction de ce John Deere 6R 150, associée à un poids de 6,84 t sur la balance, en fait un tracteur polyvalent (transport, travaux légers comme lourds, etc.) Le pilotage de la transmission AutoPowr grâce au joystick CommandPro offre également au conducteur un outil facile et agréable à prendre en main.
