Essai utilitaires électriques (suite) La recharge : du temps à perdre et à retrouver
Rouler en voiture électrique nécessite d’accepter des temps de charge. L’expérience peut parfois être très sympathique, d’autres fois virer à la crise d’angoisse.
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À l’issue de notre programme d’essais et de mesures de toutes sortes, l’affichage du tableau du Citroën ë-Berlingo annonçait 16 h 15 et une autonomie résiduelle de 55 km. Il était temps pour nous de passer par l’étape recharge sur une borne du réseau EcoCharge77, dans la commune voisine de Monthyon, pour la très raisonnable somme de 2 €. C’était aussi une excellente opportunité d’y abandonner nos véhicules et de terminer dignement la journée en invitant les membres de la famille Bongard qui nous avait accueillis sur le site de son exploitation agricole à partager des rafraîchissements (avec modération). Pour une fois, dans notre activité professionnelle, nous pouvions prendre notre temps, et la parenthèse nous a plutôt enchantés.
Après d’intéressants échanges autour des matériels agricoles récents et anciens de la ferme, autour de ses itinéraires culturaux, de son histoire et des étonnantes légendes de Barcy, cette commune de Seine-et-Marne parvenue à empêcher les envahisseurs allemands d’aller plus loin en 1914, et, bien sûr, de la rationalité du choix d’un véhicule électrique dans un contexte agricole, il était cependant temps de se quitter et de rejoindre nos logements respectifs. Le mien est situé à 118 km de Monthyon. J'avais alors toute confiance dans le pouvoir régénérateur des 22 kW/h de puissance de la borne. Mais le rapide coup d’œil jeté sur le tableau de bord du véhicule a vite douché mon enthousiasme. Il n’annonçait que 123 kilomètres d’autonomie !
L’expérience de la pénurie
En près de deux heures, il n’était donc parvenu à engranger que l’équivalent de 70 km, ne me laissant qu’une marge de 5 km pour arriver à bon port. Que faire ? Écouter la voix de la raison me recommandant de patienter encore une bonne demi-heure ou celle de la curiosité du journaliste en quête d’une aventure de pénurie électrique ? Je partais donc sans assistance mais en courant le seul risque de devoir m’arrêter dans l’une des multiples agglomérations déjà équipées de bornes et trouver une auberge pour restaurer le chauffeur en même temps que sa monture.
Me voilà donc parti en me fixant des principes de conduite simples : garder le pied le plus léger possible et supprimer toutes les consommations non indispensables. J’éteins la radio, coupe la climatisation, sélectionne le mode éco limitant la puissance de la voiture et enclenche une commande B maximisant la récupération d’énergie à la décélération. Tant que l’indication d’autonomie est supérieure à celle de la distance résiduelle à parcourir, je continue ma route.
Une chance à contre-courant
Celle-ci débute par une trentaine de kilomètres de routes départementales et de traversées de villages. Avec des vitesses oscillant entre 30 et 80 km/h, la batterie de l’utilitaire se montre généreuse. Elle se décharge forcément, mais je parviens à grappiller quelques kilomètres de marge. Sur les quatre-voies de la N104 contournant l’agglomération parisienne, la fée électricité veille encore sur moi. La circulation est dense, et je dois composer avec de multiples ralentissements. La chance du conducteur d’une automobile électrique va parfois à contre-courant de celle d'un chauffeur de véhicule thermique.
Autant ce dernier peut à juste titre fulminer et se lamenter des pertes de temps occasionnées par un embouteillage, autant le premier peut l’envisager comme une chance d’arriver plus vite chez lui. Effectivement, dans un contexte de pointe de vitesse à 30 km/h, la voiture consomme très peu et gagne de la marge. Je découvre le confort de conduite en mode récupération. Lorsqu’un véhicule ralentit devant moi, il me suffit de lever le pied pour décélérer. Un indicateur sur le tableau de bord s’allume alors pour m’indiquer que la récupération d’énergie est maximale. Une fois que je suis à l'arrêt, il me suffit de lever le pied du frein pour avancer à une allure de sénateur.
Tout en conduisant, je garde sans arrêt un œil sur l’appli GPS de mon smartphone et un autre sur l’indicateur d’autonomie de la voiture. Le différentiel est à présent de 13 km. Le trafic s’accélère, et il va falloir que j’augmente la vitesse pour m’intégrer. Je ruse donc. Je me cale sur la file de droite en épousant tantôt le rythme tranquille d’un camping-cariste, tantôt celui d’un camion de chantier. Chaque fois que je passe devant une station-service, je me surprends à jalouser les conducteurs de véhicules thermiques. Mais même réglé sur un mode éco, le ë-Berlingo reste vif, et j’avance tranquillement entre 100 et 110 km/h. La marge d’autonomie ne s’améliore pas, mais elle ne se dégrade pas.
Il en garde sous la pédale
Heureusement, un dernier parcours de routes de campagne tranquilles me permet de capitaliser encore quelques kilomètres de marge. Je ne suis plus qu’à une quinzaine de kilomètres de chez moi lorsque je me trouve face à un dilemme. Le tableau de bord, indiquant à présent 36 km d’autonomie, commence à me bombarder de recommandations m'invitant à recharger au plus vite la batterie. Nul signal d’alarme ni aucun angoissant clignotant rouge ne se mettent toutefois en marche. Le ton est sobre, mais il se fait insistant. Dois-je à présent prendre la route de la vallée ou celle du plateau ? Je serais à vélo, je n’aurais pas hésité une seconde et aurais choisi la première option. Le parcours est plus long de près de 2 km, mais il reste à une altitude constante. Dans le second cas, il me faut grimper une montée de 100 m de dénivelé et d’environ 2 km, traverser un plateau et, à nouveau, retrouver la vallée au terme d’une descente en lacet un peu raide. L’occasion de vérifier si le ë-Berlingo en a encore sous la pédale est trop bonne.
L'utilitaire avale la côte sans aucun problème mais, au terme de l’ascension, a perdu plus de 5 km d'autonomie. Je croise donc les doigts tout le long de la traversée du plateau tout en évitant de dépasser les 70 km/h. Heureusement, la délivrance de la descente s’amorce déjà. Inutile de freiner : je découvre le très agréable effet de frein moteur de la régénération qui remplit parfaitement son office. Je regagne alors 4 km. Ouf ! Je gare la voiture dans ma cour avec 20 km d’autonomie au compteur. À la différence de son angoissé de chauffeur, le ë-Berlingo a su conserver son brio jusqu’au bout.
27 heures de temps de charge
Je branche à présent le chargeur de 3,6 kW de la voiture sur ce que j’ai de plus puissant sous la main : une prise domestique. Il est 20 h 30, le tableau de bord m’annonce une charge complète dans 27 heures. Effectivement, le surlendemain, à 7 heures du matin, lorsque je l'ai débranchée, j'ai pu me féliciter d’une charge complète et de 278 km d’autonomie. En dépouillant ma consommation, j’ai estimé la surconsommation provoquée par la charge à environ 48 kWh, soit une dépense comprise entre 5 et 5,50 € à prévoir sur ma prochaine facture d’électricité.
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