Depuis plusieurs années, dans les secteurs automobiles et des poids lourds, l’écoconduite fait partie des notions systématiquement abordées lors des leçons préalables à l’examen du permis routier. Il existe aussi des stages spécifiques, pour les professionnels comme pour les particuliers, pour réduire la consommation de carburant et apprendre aux chauffeurs les bons comportements. Dans le domaine agricole, la pratique est moins courante, puisqu’il n’existe pas de formation obligatoire pour conduire un tracteur. Dans les lycées ou les maisons familiales rurales (MFR), le thème est tout de même abordé auprès des jeunes qui suivent, par exemple, un cursus en agroéquipement et maintenance des matériels.
« Bizarrement, ce n’est pas le sujet qui motive le plus nos élèves, reconnaît Samuel Hurel, formateur au CFPPA AgroCampus La Germinière, à Rouillon (Sarthe). Mais depuis l’envolée récente des prix du GNR, nous sommes de plus en plus questionnés par des professionnels, notamment par les ETA et les Cuma, qui souhaitent des solutions pour faire baisser leur facture de carburant sans nuire à leur productivité. Un challenge tout à fait possible à relever. »
Travailler entre 1 500 et 1 700 tr/min
Pour le démontrer, une équipe du CFPPA était présente à la dernière assemblée générale des Entrepreneurs des territoires (EDT) des Pays de la Loire, organisée au Mans le 8 février 2024. Au programme : le passage d’un tracteur au banc d’essai et une initiation à l’écoconduite sur chariots télescopiques, proposés à un groupe d’une douzaine de salariés d’entreprises du secteur (lire notre encadré ci-dessous).
« En observant les conducteurs de tracteurs ou d’autres automoteurs, on s’aperçoit que la plupart travaillent à un régime moteur trop élevé. Ils dépassent souvent les 2 000 tr/min, alors qu’ils pourraient être tout aussi performants en levant un peu le pied, ajoute Philippe Boullay, lui aussi formateur à La Germinière. À partir de 1 800 tr/min, la consommation de GNR progresse rapidement, et le moteur est soumis à un risque d’usure relativement élevé. Alors que, dans bien des cas, travailler entre 1 500 et 1 700 tr/min est largement suffisant en adaptant son rapport de vitesse pour ne pas perdre en productivité. » Ce constat se vérifie au cours des travaux au champ ou de manutention, ainsi que lors des déplacements routiers. Le passage du tracteur au banc d’essai suffit souvent à s’en rendre compte.
En effet, la plupart des moteurs atteignent leur couple maximum dès 1 500 tr/min. Dans ce cas, il est généralement conseillé de conserver une marge supplémentaire de 10 % et d’adapter son rapport de vitesse pour travailler à 1 650 tr/min. Cette sécurité évite de caler si le tracteur passe, par exemple, dans une veine de terre plus résistante.
Pas de masses inutiles au transport
Sur la route, d’autres économies sont possibles à condition, notamment, d’éliminer toute surcharge inutile. Or, quand le même tracteur sert à la fois dans les champs et à tirer une benne sur la route, certains agriculteurs ne prennent pas toujours le temps de retirer les masses de lestage. C’est une erreur, car, avec ce poids mort à déplacer, le tracteur peut facilement consommer entre 0,5 et 1 L/h de plus. Le comportement du chauffeur joue aussi un rôle déterminant. Il existe des gestes simples à adopter, comme anticiper une décélération en levant le pied 100 ou 200 m avant d’arriver à un rond-point. Ainsi, c’est l’inertie de l’ensemble qui pousse le tracteur, et la consommation instantanée de carburant affichée à l’écran tombe facilement à zéro.
« Il n’est pas non plus utile de vouloir à tout prix atteindre les 40 km/h entre deux intersections, ajoute Samuel Hurel. En se contentant de rouler à 30 km/h en vitesse de pointe, le temps réellement perdu est peu important. Des simulations révèlent que, sur une journée complète de travail en épandage de lisier, le chauffeur qui va lever le pied pourra perdre au maximum de 10 à 15 minutes pour effectuer le même chantier, comparé à un conducteur plus “agressif”. Or, pour le gérant de l’entreprise, il vaut mieux payer un quart d’heure de salaire supplémentaire que les 15 à 20 % de surconsommation de carburant. De plus, avec une conduite moins agressive, la mécanique comme les pneumatiques sont moins sollicités. Cela se ressent aussi à moyen terme sur les frais d’entretien. »
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